Les catholiques n’ont jamais été obligés de suivre ou d’approuver le Pape dans ses interventions politiques. D'autant que l'histoire nous apprend que L’Église a, sur ce point, commis d'irréparables erreurs.
Mais les commentaires qui ont accueilli les déclarations du Pape François sur les migrants méritent d’être sérieusement affinés. Il ne suffit pas en effet de constater qu’elles démontrent une méconnaissance du phénomène migratoire et de ses dangers pour en venir aux propositions classiques d’expulsion ou de fermeture des frontières. Il convient de les critiquer à l'aune de principes beaucoup plus fondamentaux.
Parce que ses déclarations vont beaucoup plus loin : "La sécurité des migrants passe toujours avant celle des nations". Et le pape d’expliquer que les individus passent avant les communautés auxquelles ils appartiennent.
C’est plus qu’une erreur, une faute d’analyse politique gravissime. Cette conception subversive, qui renverse toutes les vérités naturelles héritées de la sagesse et de l'expérience des âges, a toujours présidé aux fondements du totalitarisme oppresseur, de l’anarchisme libertaire ou du libéralisme bourgeois plus ou moins doucereux.
Nous sommes en effet loin des conceptions aristotéliciennes ou thomistes sur la société, et, sans remonter aussi loin, des écrits du cardinal Ratzinger, futur Benoit XVI, qui, puisant ses réflexions au plus profond d'une théologie supérieure, écrivait en 1962 : "Les nations ne sont pas des réalités dues au hasard mais des grandeurs métaphysiques". Et Léon XIII rappelait que la société civile, créée sous l’inspiration de la nature, avait pour finalité, non seulement la réalisation du bien être matériel mais aussi du perfectionnement intellectuel et moral. L’Église s’est toujours attachée à la défense de l’idée de nation ou de groupement naturel des hommes, à défaut desquels seule demeurerait "une agrégation d’êtres sans raison" (Pie XI). Le principe de "la centralité de la personne humaine" invoquée par le pape est contraire à cet immuable enseignement, de même qu’aux leçons immémoriales de l’histoire. Il n’est pas d’individus qui n’appartinssent à une communauté naturelle dont l’Église rappelle constamment que les cellules de base sont en premier lieu la famille, puis les multitudes de corps intermédiaires et enfin la nation, famille des familles. C’est au sein de ces communautés que l’homme y puise ses racines les plus profondes et les plus vitales et donc son équilibre général. Elles sont ses protections élémentaires.
Prétendre comme le fait le pape que le droit des migrants est supérieur à celui des nations qu’ils traversent est susceptible d’encourager ces vagues déferlantes et les actes de guerre qui les accompagnent. Ce ne sont que propos démagogiques qu’un sain raisonnement politique ne saurait admettre. Le pape François a-t-il en outre réalisé que ces mêmes migrants appartiennent eux aussi à leur propre communauté naturelle, l'Ouma par exemple pour les musulmans, et qu’il eut été de loin préférable de les encourager à les regagner, dans leur propre intérêt, plutôt que de les réduire à des êtres sans raison, marchandise ballotée entre les réseaux de passeurs et le CAC 40. Quand on sait que ces apports de main d’œuvre sont encouragés et favorisés par le capital le plus apatride et le moins soucieux du respect élémentaire du à tout homme, on est pétrifié par cette lourde méconnaissance des phénomènes internationaux et sociaux. Considérer que les hommes sont dans l'ordre de priorités, supérieurs à ces entités naturelles, revient à leur enlever toute structure protectrice. Déjà le en 1791, la loi Le Chapelier avait, au nom de la Liberté et de prétendus intérêts communs, supprimé toutes les corporations, organisations ouvrières et paysannes. A l'aube de la révolution industrielle, le prolétariat qui se constituait s'est retrouvé sans aucune protection, aux mains des dictateurs de haine et ceux du capital sans frein. Il fallu attendre un siècle de lutte difficile, notamment contre les libéraux, menés par les royalistes La Tour du Pin, Albert de Mun ou Léon Hamel, pour retrouver un peu d'équilibre social. Les financiers de Macron ont envie de recommencer cette désastreuse expérience. Il est désolant de constater que celui qui devrait tirer la sonnette d'alarme semble ignorer, ou feint d'ignorer, ces élémentaires fondamentaux politiques et sociaux.
Les annonces irréfléchies, dégoulinantes de bonnes intentions sont souvent de redoutables boomerangs. Selon l'heureuse expression de Raymond Aron, il y a une spécificité du politique comme tel. Ne pas la connaître ou tenter de la contourner par utopie ou ignorance, conduit irrémédiablement à des catastrophes.
De tels propos tenus par la plus haute autorité spirituelle ne sont pas admissibles.
Henri Bec