L’éditeur Paul Otchakovsky-Laurens vient de mourir et Najat Vallaud-Belkacem devient éditrice ; on peut y voir un signe. Pour le dire autrement, l’édition hésitait entre la corde, le rasoir et le pont : elle a trouvé plus simple d’embaucher Najat Vallaud-Belkacem.
"J’ai tellement souffert de la trop faible qualité du débat public […] que je m’étais promis qu’un pan de ma vie future serait consacré à l’aider à reprendre du souffle", menace Mme Vallaud-Belkacem, citée par Libération. En conséquence, elle quitte la politique, « provisoirement », nous rassure-t-elle, pour s’en aller, toute seule avec ses petits bras, diriger aux éditions Fayard une « collection d’essais “consacrée aux batailles culturelles du progressisme” ». En somme, cette dame à la modestie relative nous annonce sans frémir qu’elle va publier des livres pour nous décerveler. – Parfois, on sent le sol bouger sous ses pieds tant l’imposture fait trembler le plancher.
Dans un élan de sincérité, Ségolène Royal avait émis l’hypothèse, sans doute farfelue, que si Mme Vallaud-Belkacem se fût appelée « Claudine Dupont », son ascension eût peut-être été moins fulgurante. Cette dame est en effet la parfaite synthèse de la réussite par l’incompétence et du carriérisme par la discrimination positive : avec une envergure d’assistante de cabinet dentaire, elle a fini, grâce à ses origines et aux oligarques socialistes, ministre, et mieux encore, de l’Éducation nationale, de la Recherche et des Universités.
Elle fut à la hauteur de nos désespoirs : chargée de concasser au marteau hydraulique ce qui restait de l’École, elle y réussit pleinement – inutile d’y revenir. – On se contentera de rappeler sa stupéfiante déclaration, à propos de la décision de la mairie de Chalon-sur-Saône de ne plus servir de plats halal dans les cantines : « supprimer la possibilité d’avoir un menu non confessionnel » revenait à « interdire l’accès de la cantine à certains enfants » ; pour le dire clairement, un plat halal était « non confessionnel », et un cassoulet « confessionnel ». Cette déclaration passe désormais, à juste titre, pour le plus impeccable des retournements du sens.
Mais revenons à notre propos : désormais, donc, Mme Vallaud-Belkacem se lance dans l’édition, où elle se consacrera « aux batailles culturelles du progressisme ». Pour mener cette guerre, elle peut compter sur des armes de dissuasion massive : la féminisation de l’orthographe, l’arabisation du français, l’égalité entre les selzesseux de souche ; les expositions de homards et de suppositoires géants, de crucifix plongés dans des bassins d’urine, et d’œufs couvés par des artistes transgressifs ; les films où d’horribles vieux bourgeois catholiques sont contraints de marier leurs filles avec tout ce que la France produit de beaux esprits métissés ; et, bien sûr, la relativisation du danger islamiste.
Je vois très bien les livres avec lesquels le Général Belkacem compte mener ses batailles : Comment Finkielkraut s’est nazifié, par Alain Badiou ; Les incendies de voiture en banlieue : mythe et réalité, par Laurent Mucchielli ; Je suis Manouchian, par Edwy Plenel ; Leur morale et la mienne, par Pierre Bergé ; La France raciste de Zemmour et Millet, par Rokhaya Diallo et Annie Ernaux ; Les cheveux en politique, par Marlène Schiappa – autant de livres où les batailles culturelles du progressisme feront progresser la culture, n’en doutons pas. Il n’est pas certain, Dieu merci, qu’ils fassent progresser les ventes de la maison Fayard ; il est même possible qu’ils soient la pelle qui l’enterre.
Bruno Lafourcade
Riposte laïque