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Marion Maréchal-Le Pen de retour ?

Une intervention à la Conférence d’action politique conservatrice (CPAC) à Washington; une tribune dans le très réactionnaire hebdomadaire Valeurs Actuelles pour annoncer la création d’une Académie des Sciences Politiques, Marion Maréchal-Le Pen est bel et bien de retour sur le devant de la scène médiatique.

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Marion Maréchal-Le Pen devant les conservateurs américains, à Washington, le 22 février 2018.

 

La bataille entre Laurent Wauquiez et Marine Le Pen s'annonçait violente. Au couteau. L'un des deux était appelé à périr, à disparaître du champ et du jeu politique. Il ne pouvait en aller autrement puisque le président de LR et la cheffe du Front National - parti appelé à être re-baptisé dans les jours qui viennent - se disputent désormais le même électorat, celui de la France dite " périphérique ", celui des classes qualifiées de " moyennes "; ils se réclament l'un et l'autre d'une idéologie quasi-similaire construite autour du concept de " droite identitaire " - l'Europe, l'Islam et les (fausses) valeurs progressistes détruisant l'âme française. Ce " monstre " idéologique efface pour l'essentiel l'héritage de cette droite républicaine, complexe et multiple, gaulliste mais aussi centriste, à la fois libérale et étatiste, qui émergea après la Libération et accompagna le destin de cinq présidents, de Gaulle, Pompidou, Giscard, Chirac et Sarkozy, oui, même Sarkozy.

En s'alignant sur Marine Le Pen et les principes cardinaux du Front National, Laurent Wauquiez tourne une page de notre histoire en 5ème République, abandonnant délibérément à Emmanuel Macron les électeurs de la droite modérée. Sa démarche exigerait qu'ensuite il efface Marine Le Pen, de l'avis général fort mal en point et peut-être même discréditée à jamais. C'était sans compter sur une autre Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen et son tonitruant retour sur la scène publique. Voilà qui complique le pas de deux Laurent Wauquiez/Marine Le Pen avec tôt ou tard élimination directe. Un trublion de première importance est en effet revenu en jeu.

Créer une Académie des Sciences Politiques

Une intervention à la Conférence d'action politique conservatrice (CPAC) à Washington ; une tribune dans le très réactionnaire hebdomadaire Valeurs Actuelles pour annoncer la création d'une Académie des Sciences Politiques afin de contrecarrer l'influence par définition gauchisante et donc pernicieuse de la très réputée école des Sciences Politiques. L'objectif de cet ambitieux projet? Idéologique et politique, " former les dirigeants de demain, le terreau dans lequel tous les courants de la droite pourront se retrouver" selon, cela va de soi, les " vraies "et " bonnes " valeurs. Remarquons que seuls des gogos - ou des complices, c'est au choix - peuvent s'obstiner à prétendre que de la sorte, Washington+Valeurs Actuelles, Marion Maréchal Le Pen ne " revient pas en politique ". Non d'ailleurs, elle ne se contente pas de " revenir "; elle court, elle galope, mais selon une méthode, une démarche... macronienne. Finie, la case parti, congrès et élections locales - elle admet avoir été " déçue par le FN "; terminé, le passage impératif par les arcanes et les bidouillages du Front National; place à une démarche strictement nationale et internationale, idéologique et culturelle pour inventer de toutes pièces une droite à la fois conservatrice, identitaire et... libérale... en économie. Un tour de force tant ces différents concepts semblent éloignés, antinomiques, l'un de l'autre. À cet égard, le discours de Washington, prononcé dans un bon anglais, aussi bref que construit, servira de construction originelle. Comme un avertissement lancé à sa tante et à Wauquiez. Comme un acte de candidature. À quoi? Au leadership sur la droite française. Rien d'autre et rien que ça!

D'abord un slogan: " La France d'abord ". Un emprunt au "trumpisme " le plus basique, et Marion Maréchal Le Pen assume- ce qui n'est pas le cas de Wauquiez lequel minaude encore à l'évocation du chef d'état américain. " Je ne suis pas choquée, assène la revenante, lorsque j'entends votre président parler de " l'Amérique d'abord ". Je veux la " France d'abord " pour le peuple français. Comme vous, nous voulons reprendre le contrôle de notre pays ". C'est donc que les Français ont été dépossédés de leur pays. Un vol. Qui sont les coupables de ce fric frac? Marion Maréchal Le Pen va aussitôt le préciser.

Ensuite, une cible: l'Union Européenne, cela va de soi, nulle surprise. Mais il est indispensable de lire, commenter et retenir les commentaires, d'un nationalisme intégral, d'un radicalisme ne laissant aucune place à la moindre nuance: " nous, les Français, nous devons maintenant lutter pour notre indépendance. Notre liberté est entre les mains de l'Union Européenne, une idéologie sans terre, sans peuple, sans racines, sans civilisation. L'Union Européenne est une tueuse de nations millénaires ". Le retour à la tradition rhétorique de l'extrême droite la plus affirmée, un copié-collé des thèses du royaliste et antisémite Charles Maurras que Marion Maréchal-Le Pen a lu avec beaucoup d'attention, nous pouvons désormais en avoir la certitude.

« Grand remplacement »

Enfin, une obsession: l'Islam et la reprise à son compte de la construction du " grand remplacement ", conceptualisée par l'écrivain d'extrême-droite Renaud Camus. Sur le sujet, elle cogne comme un sourd même si la formule utilisée devant un auditoire américain par avance conquis a été préparée, travaillée, articulée avec le plus grand soin afin de ne pas susciter l'opprobre ni le scandale: " la contre-société islamique se développe en France. Après 40 ans d'immigration incontrôlée, nous sommes en train de passer de fille aînée de l'Eglise à petite nièce de l'Islam ". Le pas (théorique) est franchi et ce, sans la moindre gêne: Marion Maréchal Le Pen n'alerte pas quant aux dangers de l'islamisme. Elle choisit de le confondre avec l'Islam tout en dénonçant l'immigration. Jihadiste-islamiste-musulman-immigré : tous se confondent, tous entendent s'emparer de cette France perdue aux racines jadis chrétiennes. Islam-islamisme: seuls les pleutres peuvent s'entêter à relever une différence. Marion Maréchal-Le Pen, elle, ne se prête pas à ces" combinazione " tortueuses. L'Islam et les musulmans: voilà l'ennemi prioritaire.

Au sujet de l'Europe et de l'Islam, nulle divergence entre Marion Maréchal-Le Pen et Marine Le Pen. Plus important, décisif peut-être, elles sont désormais bien ténues, ces divergences, entre la " revenante " et le président de LR, même si celui-ci, encore embarrassé de quelques rares alliés gaullistes, démocrates-chrétiens ou même humanistes, s'oblige à faire preuve de davantage de retenue. Il lui faut encore ménager Valérie Pécresse et les élus " modérés " qui soutiennent sa démarche interne à LR. Mais pour combien de temps encore? Le Wauquiez de droite extrême s'affirmera d'autant plus vite qu'il ne peut prendre le risque de laisser libre à Marion Maréchal Le Pen le terrain idéologique et culturel - celui qui permet à la jeune femme de faire la différence. Quand elle prétend " faire l'alliance de la droite enracinée et de la droite entrepreneuriale ", elle déborde pour le coup ses deux rivaux.

Libérale en économie, pro- marché, favorable aux patrons et aux entrepreneurs... C'est ainsi que Marion Maréchal Le Pen se définit pour mieux se différencier et prendre de vitesse ses deux concurrents. Ainsi se dégage-t-elle sans la moindre retenue de la ligne " sociale " du FN, tournant la page Philippot; ainsi contraint-elle Wauquiez à bientôt se positionner, à choisir entre la ligne Calmels (la numéro 2 de LR défend un libéralisme économique de bon aloi) et la ligne Peltier (le numéro 3 de LR adopte volontiers des accents marxisto-mélenchoniens...), positionnements strictement incompatibles. 

Un discours, une tribune: Marion Maréchal-Le Pen ringardise davantage encore Marine Le Pen.

Un discours, une tribune: Marion Maréchal-Le Pen confronte Laurent Wauquiez à ses contradictions.

Pas mal pour une débutante.

Pas mal pour une revenante.

Kevin Lamarque

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