Très belle tribune de Charlotte d'Ornellas [elle-même choisie pour incarner Jeanne d'Arc en 2002 à Orléans] à propos de la triste polémique sur Mathilde et Jeanne d'Arc :
"C’est vrai, Jeanne d’Arc était blanche. Et Mathilde ne lui ressemble pas physiquement. Sur le reste, l’essentiel, aucune candidate ne lui ressemblait plus. C’est l’unique raison pour laquelle elle vient d’être élue (comme toutes celles qui l’ont précédée).
Personne ne s’intéresse jamais, au niveau national, à ces Fêtes Johanniques. Il a fallu attendre la polémique provoquée par les origines béninoises de cette jeune fille pour que les projecteurs se braquent sur une fidélité populaire aussi ancienne qu’exceptionnelle. Depuis, tout le monde commente ce choix sans trop comprendre le contexte particulier de cette élection. Pour qui n’est pas Orléanais, ne pas connaître les fêtes de Jeanne d’Arc n’est pas blâmable... Mais ne pas chercher à mieux les comprendre avant de polémiquer l’est déjà beaucoup plus.
Le fait que Mathilde ait des origines béninoises n’a eu absolument aucun impact ni dans sa candidature, ni dans son élection. À Orléans, c’est Jeanne que l’on remercie, et c’est la France que l’on célèbre. Point barre. Ce rappel vaut également pour les journalistes et hommes politiques qui ont immédiatement relevé - pour s’en réjouir - les origines africaines de Mathilde. Ils sont les premiers à « discriminer », qu’ils le veuillent ou non.
Car soyons honnêtes jusqu’au bout : la réaction exaspérée de ceux qui ne connaissent pas ces fêtes est à première vue compréhensible, à une époque où l’Histoire de France passe sans cesse devant le tribunal du révisionnisme « antiraciste » ou multiculturel.
Si ces fêtes étaient en effet la reconstitution d’un tableau historique et que la jeune fille était choisie pour ressembler à Jeanne d’Arc, ce choix serait grotesque. Parce que c’est certain : la petite Lorraine n’avait pas d'ancêtre béninois. C’est d’ailleurs ce qui rend le choix d’acteurs noirs - dont le seul rôle est de ressembler à ceux qu’ils incarnent - pour des rôles historiques européens grotesques.
Sauf qu’à Orléans, il ne s’agit pas d’une représentation figée mais d’une transmission. Non, Mathilde n’a pas été choisie par volonté d’imposer le métissage comme modèle. Encore moins pour nourrir un mythe multiculturel en France. Bien au contraire : c’est précisément la culture française, l’héritage intact qui est transmis.
Les exigences pour être choisie sont claires : habiter à Orléans depuis au moins 10 ans, être baptisée catholique, catholique pratiquante, donner de son temps bénévolement pour les autres et avoir compris qui était Jeanne.
Qui est-elle ? Une jeune fille qui a pris la tête d’une armée pour aller faire sacrer le roi de France à Reims, mettre fin à la grande pitié qui régnait dans le Royaume, et libérer Orléans de l’occupation anglaise. Pour une seule raison : « Dieu premier servi ». Ces fêtes ont ceci de particulier qu'elles ont su garder leur sens à travers les siècles, et tout particulièrement au cœur du nôtre qui s’acharne pourtant à le détruire.
Dans le choix de Mathilde, c’est ce sens-là qui a primé. C’est parce qu’elle le sait qu’elle a été choisie. C’est parce qu’elle en vit qu’elle est parfaitement légitime pour le transmettre. Et son image passera, comme pour toutes celles qui l’ont précédée, car à Orléans, seule Sainte Jeanne d’Arc demeure. Cette ville aurait pu se contenter de faire perdurer des fêtes médiévales folkloriques qui auraient perdu leur raison d’être. Elle a choisi la fidélité d’âme.
En réalité, cette polémique est bien plus triste qu’odieuse, car elle confond tout. Le multiculturalisme est une idéologie destructrice, et l’immigration massive menace notre pays de dissolution. De là découle une angoisse identitaire légitime que certains s’appliquent à ignorer. Mais il est particulièrement injuste et insensé de faire payer Mathilde pour tous ceux qui ont eu la France sans l’aimer.
On m’a toujours appris que la seule noblesse qui valait d’être transmise et sauvée était celle de l’âme... Je dois bien dire que je peine à trouver cette noblesse d’âme dans la poursuite d’un combat politique (en un sens ou l’autre) qui se fait sur le dos d’une toute jeune fille, dont l’amour de la France est indiscutable et passe par l’admiration sans limite qu’elle voue à notre Sainte Patronne nationale.
La France meurt de la disparition de son âme. Or la fidélité orléanaise n’est pas physique, elle est spirituelle. Depuis 1429. Chaque année depuis cette libération, les habitants rendent hommage à Jeanne d’Arc, coûte que coûte et de manière unique en France, puisque les ordres civil, militaire et religieux sont unis pour célébrer la Sainte, la patriote et le chef de guerre qu’elle fut.
En matière de leçon sur la préservation de l’identité, cette fidélité populaire dont Orléans a le secret devrait générer alentour un peu plus d’humilité…"
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