G-BDQD17ZWM0

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le divorce est consommé entre Macron et la CFDT

Macron-Salon.jpg

© SIPA

Le patron réformiste de la CFDT est un déçu du macronisme. L'absence d'écoute du pouvoir l'inquiète et son diagnostic sur la méthode du président est sévère.

Ce vieux continent de petits bourgeois se sentant à l'abri dans le confort matériel entre dans une nouvelle aventure où le tragique s'invite." Depuis son irruption sur la scène politique, Emmanuel Macron se plaît à émailler ses discours de formules cinglantes ou provocantes. Il y avait eu les analphabètes avant son élection, puis les fainéants, les somnambules et maintenant " les petits bourgeois ", référence évidente au roman de Balzac et au mépris que l'auteur de La Comédie humaine manifestait à l'endroit de cette classe. Nul doute d'ailleurs que le chef de l'Etat souhaite que cette phrase frappe les esprits et soit retenue : ne la prononce-t-il pas dans un entretien accordé à la très prestigieuse revue La NRF à paraître au mois de mai ! Autant dire qu'elle est gravée dans le marbre d'un texte où le président, par ailleurs, se considère "comme l'émanation du goût du peuple français pour le romanesque ". Il n'est pas sûr que les 87 millions d'Européens vivant sous le seuil de pauvreté, les 18 millions de sans emploi du vieux continent et les peuples européens dans leur ensemble goûtent le romanesque de son propos balzacien.

Petits bourgeois ", donc, tous nos voisins et les Français eux-mêmes. A commencer sans doute par tous ces représentants du vieux monde que le président, nouveau riche du pouvoir, ne semble guère considérer au terme de sa première année de mandat. Emmanuel Macron, qui déclare, toujours dans La NRF, qu'il est " une aberration " pour " le système politique traditionnel ", tient en effet à distance tous les interlocuteurs " traditionnels " des gouvernants. Un homme est en train d'en faire l'amère expérience : Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT depuis 2012. Tout devrait pourtant les rapprocher. Ils sont de la même génération, l'un, Berger, né en 1968, l'autre, Macron, en 1977. Le président, tout au long de sa conquête, s'est battu, et se bat encore, sur la nécessaire transformation du pays pour faire face aux mutations considérables du monde. La CFDT version Berger est aussi sur cette ligne de la transformation nécessaire. Certes, les rôles de chacun sont différents mais ils ont en commun de comprendre l'obligation de ne pas rester immobile sauf à se perdre.

"On est reçu mais rarement écouté"

Emmanuel Macron avait aussi mis au cœur de sa campagne " la bienveillance " et la réconciliation des Français, des thèmes chers depuis toujours à la CFDT, syndicat faut-il le rappeler aux racines chrétiennes. Bref, la convergence était une évidence. Or, de manière délibérée, le chef de l'Etat tient à distance ce partenaire qui paraissait tout naturel pour conduire et construire ses réformes. Il ne s'agissait pas de faire partition commune mais, par le dialogue avec le premier syndicat de France, fort de plus de 800.000 adhérents, de déminer le terrain social. La partie était d'autant plus facile que la CFDT souhaitait jouer le jeu et tendait la main au pouvoir.

Rien pourtant ne s'est passé ainsi. C'est ce que déplore aujourd'hui Laurent Berger en dressant le bilan de la première année du quinquennat Macron. " On ne peut pas dire qu'on n'est pas reçus, confiait-il ce dimanche sur Europe 1, mais on est rarement écoutés. " La CFDT est-elle suspecte d'avoir trop dialogué avec François Hollande et toujours trouvé ouverte la porte de l'ancien président ? En tout cas, même s'il salue la volonté maintenue de transformation du pays, le patron de la CFDT constate, d'une part, qu'elle se fait sans qu'on en comprenne le sens, d'autre part, que la bienveillance a disparu en chemin. Est-il en effet bienveillant de traiter les Européens de " petits bourgeois " ? Mais le constat va plus loin. Laurent Berger dénonce à présent " la logique de centralité " du Président et sa volonté d'organiser un débat " bloc contre bloc " qui fasse émerger les extrêmes et conduise les gens raisonnables à toujours se retrouver autour de lui, incarnation de la " centralité ". Dans ce schéma présidentiel, la CFDT, de fait, ne trouve plus sa place et rien n'est fait pour qu'elle y parvienne. Alors qu'elle préfère le dialogue à la grève et l'affrontement, elle est rejetée dans le camp des syndicats purement revendicatifs. D'où cette autre critique de la stratégie du président : " Il y a une forme de négation des corps intermédiaires qui est beaucoup trop forte et dangereuse, déclarait-il encore ce dimanche sur Europe 1. Le chef de l'Etat considère qu'il peut tout et que les corps intermédiaires sont un supplément d'âme qui n'est  pas forcément nécessaire [...] C'est une profonde erreur. "

La main tendue de Laurent Berger

Et un mystère. Pourquoi tenir à l'écart un syndicat qui, par exemple, dans le conflit actuel d'Air France, prend résolument le parti de la direction qui, face au blocage par le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) de la négociation salariale, a décidé d'en appeler à un vote de tous les salariés sur le projet de la direction. Non seulement Laurent Berger a appelé à voter " oui " au plan salarial présenté par le patron de la compagnie, Jean-Marc Janaillac, qui a mis sa démission dans la balance, mais il fustige aussi le SNPL, son président Philippe Evain, " qui se prend pour le lider maximo ", s'alarme des 300 millions déjà perdus à cause de la grève des pilotes et critique des revendications qui mettent en péril l'avenir Air France dans la compétition aérienne mondiale. Des propos carrés qui démontrent un esprit de responsabilité et une grande lucidité sur la concurrence dans le monde actuel.

Emmanuel Macron, qui aurait pu les tenir dans les mêmes termes, les entendra-t-il ? Répondra-t-il à la demande de Laurent Berger d'un vrai dialogue qui permettrait de sortir de la grève de la SNCF ? « On n'a pas besoin de gens qui se montrent les muscles, a-t-il dit dimanche. On a besoin de gens qui discutent du fond des sujets. » Cette rencontre sera un test pour le syndicat réformiste. On saura à cette occasion si Emmanuel Macron accepte la main tendue de Laurent Berger et si la verticalité du pouvoir qu'il revendique n'est pas, bien qu'il s'en défende dans La NRF, l'expression de son autoritarisme contre ces petits bourgeois qu'il voit partout.

Écrire un commentaire

Optionnel