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Nous ne pouvions pas mieux commencer l'année !

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C’est un beau cadeau que nous a fait notre ami Jean-Pierre Pélaez en ce début d'année. Voilà une autre illustration du talent français évoqué dans l'article précédent.  Auteur bien connu de nos lecteurs et bien au-delà, il nous livre ici l’idée qui a présidé à l’écriture de la Trilogie Molière, textes désopilants, mais aussi, comme il le dit lui-même subversifs, s’attaquant à tout ce que le monde dit culturel et théâtral compte de « précieux, snobs et pédants », à ce conformisme de nombreux metteurs en scène qui ne réussissent qu’à contrarier l’esprit d’une pièce.

Merci Jean-Pierre

L'œuvre de Jean-Pierre Pélaez ne se déduit pas à ces trois ouvrages. Vous pouvez retrouver la bibliographie et commander sur son site en cliquant ICI

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SUR « LA TRILOGIE MOLIERE » *

LECTURE PUBLIQUE

AU THEATRE MUNICIPAL DE BEZIERS 

24 Novembre 2022

« Si Molière était parmi nous »

 

          Laction de chacun des volets de cette Trilogie Molière se passe dans une ville différente. Le premier a pour cadre  Montpellier, le second Paris, le troisième Marseille. Ainsi me suis-je promené en diverses endroits de notre pays, mais bien sûr, aucun des travers qui ont servi de sujets pour ces comédies, les mêmes que chez Molière, nest spécifique de la région où elles se déroulent. Par contre, l’époque n’étant plus la même, les précieux, les hypocrites, ou ceux qui veulent soumettre les femmes sont bien différents de ceux de Molière, même si les vieux fonds intemporels de l’âme humaine restent identiques

          Cest en partant de ce constat que lidée mest venue du principe de cet ouvrage, qui est à la fois un jeu d’écriture et une provocation. La Trilogie Molière est subversive à deux titres, sur le fond et sur la forme : subversive par sa critique dun certain théâtre officiel et de son formalisme, subversive par la satire quelle fait dun certain nombre dabus de pouvoirs et de conformismes, politiques, culturels  et sociaux.  

          Dans le premier volet, Les Singes Savants, jai représenté les précieux daujourdhui, ces pédants et ces snobs pleins de sottise et de prétention qui peuplent notre milieu culturel et dont le milieu théâtral est particulièrement pourvu. Dans le deuxième, Le Tartuffe Nouveau,  jai voulu montrer ce que sont les hypocrites de notre temps et leurs dupes, comment ils fonctionnent, non plus en se référant à lEglise et à la morale chrétienne pour étaler leurs faux bons sentiments,  mais en fréquentant assidument la nouvelle Eglise Médiatique. Dans le troisième, La Soumission des Femmes, jaborde un problème quon croyait en voie dextinction en France, celui des mariages forcés et de la domination des femmes par les hommes, mais que lon voit revenir insidieusement, à travers le communautarisme et lislamisation grandissante de notre pays.

           Jeu d’écriture donc. En minscrivant, comme dans un autre de mes ouvrages, énormément joué depuis sa première parution, Le Barillet -Exercices de Théâtre-, dans la tradition littéraire de Raymond Queneau et de lOULIPO, je me suis imposé une contrainte stricte, qui est le principe même de cette Trilogie, une sorte de jeu littéraire, consistant, par-delà le clin dœil au modèle, à garder la structure de lœuvre, le canevas en cinq actes, lordre des scènes et les alexandrins (des alexandrins plus fluides, souvent disloqués, nappliquant systématiquement ni la diérèse, ni la césure à lhémistiche) ; mais les situations, les personnages, les problèmes auxquels ils sont confrontés ne sont plus les mêmes, ils sont ceux daujourdhui. Il sagit dinventer sur ce canevas une histoire actuelle, conduite par des hommes et des femmes de notre époque, d’écrire une pièce, à la manière de Molière, mais sur le monde contemporain.

          En aucun cas cette Trilogie ne constitue un pastiche ou une réécriture. En même temps quun hommage à lun de nos plus grands auteurs dramatiques classiques, dont elle reprend largument de trois des pièces majeures, transposées à notre époque, elle est une application à l’écriture dramatique dun principe que jai inventé dans les années 90 avec Le Barillet puis avec Le Fantôme de la Cité Démocratie et que jai appelé la supra-modernité. Ce principe consiste à dépasser le vieux clivage classique/moderne, lillusoire avant-gardisme formel, en détournant les différents styles dramatiques à des fins satiriques, burlesques ou autres, sur le monde contemporain, quelquefois même en les fusionnant pour donner naissance à une forme originale, supra-formelle. Utiliser la surprise de certaines rimes, le clin dœil en forme de contrepoint à la langue classique pour parler de notre temps !      

           Mais par-delà le jeu sur l’écriture, cette Trilogie est fondamentalement subversive. Sur la forme d'abord,  puisquelle sattaque à ce conformisme actuel de certains metteurs en scène, dans leur rabâchage de Molière, lorsquils prétendent parfois « moderniser » ses ouvrages! Mon intention -que le succès et la réponse enthousiaste du public ont confortée- était de montrer que la seule mise en scène ne peut prétendre à la « modernisation », à la « réactualisation » dune œuvre. Le texte de Molière parle de son temps, et si la mise en scène parle du nôtre, on voit alors les deux avancer comme les rails dun chemin de fer, sans jamais se rencontrer. Pire, quelquefois, la mise en scène vient même contrarier lesprit de la pièce et ce que son auteur a voulu quelle soit.

          Comment ne pas voir dès lors que  toutes ces « modernisations » et autres « relectures » de Molière ou dauteurs du Répertoire, ne peuvent vraiment fonctionner, pour la bonne raison que le texte reste lui-même ?  Et, quoiquon fasse, il parle de son temps. Même lorsquil évoque des travers ou des caractères intemporels, son vocabulaire, ses expressions, ses références culturelles, politiques, sociales, sont celles de son époque et, dès lors, ces spectacles censés « réactualiser » -en fait destinées surtout à mettre en avant le travail de mise en scène, à se servir de lœuvre au lieu de la servir- apparaissent comme des sortes de leçons plaquées sur la pièce elle-même. Si bien que le spectateur se demande ce quils font lun avec lautre, et ne manque pas, le plus souvent , de trouver cela ridicule.

          En vérité, si lon veut moderniser une pièce classique, il ny a quune seule façon de le faire : cest de la réécrire. Mais alors -et cest très bien ainsi- on crée véritablement une oeuvre nouvelle. Et nest-ce pas précisément ce que firent Molière lorsque de lAulularia fabula (La Marmite) de Plaute il fit lAvare, ou Giraudoux lorsque il écrivit Amphitryon, ou Jean Anouilh, quand il sinspira de celle de Sophocle pour écrire une Antigone de son temps - et lon pourrait multiplier les exemples ? Cest à dire qu’à partir dune légende, dun épisode de la mythologie, ou dune simple histoire, inventés par nos anciens, on crée une œuvre moderne, contemporaine, qui parle véritablement de son temps, non dune époque révolue. Moderniser Molière, lui faire écho aujourdhui, cest écrire une autre pièce, une pièce nouvelle.

           Voyant tous ces « revisiteurs » prétendre « réactualiser » Molière, parce quils plaquaient sur son texte une mise en scène dite « modernisante », je voulus il y a quelques années leur offrir une véritable réactualisation, cest à dire par l’écriture Pas une réécriture ou une adaptation : non, une véritable pièce, sinspirant du sujet de Molière -comme les Classiques le faisaient avec les mythes ou les auteurs anciens- mais résolument contemporaine, originale ! Ainsi naquit ce que jai appelé La Trilogie Molière

           Sur le fond, cette Trilogie est née du désir de retrouver tout ce que le théâtre de Molière a pu avoir de subversif dans son temps. Car un autre paradoxe -et non des moindres  !- est la manière dont ce rabâchage, même lorsquil est dit « modernisant », occulte de surcroit -au lieu de le mettre en lumière !- laspect tellement décapant de bon nombre de pièces du Répertoire, notamment celles de Molière, et, au lieu de leur redonner toutes leur force et leur sens originel, contribue à les aseptiser.

          Nest-il pas étonnant en effet quun des auteurs les plus subversifs de notre Théâtre soit aussi lun des plus joués dans les théâtres de la bien-pensance actuelle,  et les lieux du ronron culturel ? Oui, lauteur qui vit en son temps plusieurs de ses pièces interdites, notamment Le Tartuffe -interdit pendant cinq ans !-,  lhomme de théâtre qui, sans la protection de Louis XIV, monarque absolu et donc au-dessus des coteries, naurait jamais pu accéder à la notoriété qui fut la sienne, détesté par les puissants, et par lEglise dalors, se voit de nos jours adulé, glorifié, et mis à toutes les sauces par les Trissotins de la Culture officielle et les curés et Tartuffe  de lEglise Médiatique.

           Cest que jouer Molière ne dérange plus grand monde en France aujourdhui. Les effets, les manières des travers en question ont changé. Qui connaît  les précieux du XVIIème siècle ? Qui se préoccupe des faux-dévots, à supposer quils existent encore -il reste déjà si peu de simples dévots et lEglise na plus de pouvoir-? On saccorde donc à célébrer la beauté de la langue, lefficacité dramatique, la justesse des caractères, on rit de Trissotin, on condamne les faux-dévots, les médecins ou les mariages forcés du temps de Molière, et tout le monde est content. Mais montrer les équivalents actuels de ces personnages, ces légions de Trissotin de notre milieu culturel, chasseurs de subventions publiques, toutes ces coteries prétentieuses pour qui, comme chez les Femmes Savantes, nul naura de lesprit hors eux et leurs amis , railler le conformisme quils nous servent ; montrer tous les Tartuffe qui peuplent le milieu politique, et nos grands médias, puisquils ont un pied dans lun, un pied dans lautre, toutes ces bonnes âmes, ces grands donneurs de leçons, -spécialistes des postures et surtout imposteurs, dont les actes sont à lopposé de ce quils affectent d’être-, tous ces gens qui se gargarisent du mot de démocratie -le pouvoir du peuple (démos) !- mais qui méprisent tellement le peuple (populus) que la plus grande injure de leur vocabulaire est le mot populiste, bref ces mêmes pédants, ces  mêmes hypocrites que Molière a ridiculisés, faire réapparaître aujourdhui ce que fut cet auteur en son temps, sen prendre aux pouvoirs et aux hypocrisies du nôtre, dire : Voyez ce que Molière écrirait sur notre société, sil vivait aujourdhui ! Alors, la censure tombe, sous sa forme actuelle : le silence, faire comme si celui qui a cette audace nexistait pas

          Mais alors, à quoi servent les auteurs, les gens de théâtre, sils ne doivent déranger rien ni personne, à commencer par le catéchisme culturel cher aux esprits frileux et aux engagés conformes ? A quoi sert le Théâtre sil doit rester un art de mollusques subventionnés, diconoclastes de salons, un élitisme auto-proclamé de bureaucrates culturels ?! A chaque époque, tout est à recommencer. Et la nôtre est une époque ou la tartufferie est devenue une véritable institution, la boite à outils indispensable des nouveaux carriéristes !

           A la fin des années 90, voyant les dérives du théâtre public, et comment bon nombre de Trissotin se servaient de Molière pour leurs carrières et pour masquer -au lieu de les révéler- les travers de notre société, notamment les leurs, alors que cet auteur s’était tellement moqué de leurs  homologues du XVIIème, lidée me vint de faire le parallèle entre notre époque et la sienne ; en montrant les mêmes imposteurs aujourdhui, rappeler le caractère subversif de ses pièces, retrouver aujourdhui la même audace, le même esprit de comédie que Molière en son temps. En quelque sorte, imaginer ce quil aurait pu écrire, si Molière était parmi nous

          

JEAN-PIERRE PELAEZ 

 

Les singes savants.jpgLes Singes savants 2005 Editions Domens - Pézenas (Création Mirondela Dels Arts 2005 Mise en scène de Jean-Louis Sol)

Préface de Serge Begou

 

 

 

 

 

 

Le tartuffe nouveau.jpgLe Tartuffe nouveau 2014 Editions LHarmattan - Paris (Création Théâtre du Chêne Noir - Scène Permanente dAvignon 2013 / Festival dAvignon 2014 Mise en scène de Gérard Gélas)  

Préface de Michel Maffesoli

 

 

 

 

 

La soumission des femmes.jpgLa Soumission des femmes 2021 Editions LHarmattan - Paris

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