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Gérontocratie et climat de guerre civile dans l’Empire américain

Par Antoine de Lacoste

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Trump est pris dans un filet judiciaire, Biden est encombré de son fils scélérat, mais les deux séniors s’accrochent au pouvoir, image même d’États-Unis incapables de renoncer à leur leadership, quoi qu’il en coûte au monde.

Gérontocratie et climat de guerre civile dans l’Empire américain

L’inculpation de Trump a augmenté sa popularité

Les prochaines élections américaines (novembre 2024) promettent d’aimables réjouissances. Les deux camps sont plus divisés que jamais, la haine y est implacable et le gouffre entre deux modèles de société, vertigineux. De plus chaque protagoniste a ses soucis judiciaires qui atteignent un niveau inédit.

Donald Trump est, comme prévu, l’objet de multiples attaques de la part des juges. Quatre inculpations lui ont été notifiées : « l’assaut » du Capitole, la tentative de « fraude électorale » en Géorgie, le recel de documents classifiés et des paiements secrets à une actrice porno en échange de son silence. Cela peut sembler impressionnant mais comme plus personne ne croit à l’impartialité de la justice dans nos démocraties occidentales, cela peut aussi s’interpréter comme une tentative de coup d’État judiciaire.

La France a connu cette intrusion des juges avec l’élimination de François Fillon sur laquelle nos médias mettent bien peu d’énergie à se demander si ce qui s’est passé fut normal. Le Parquet National Financier a mis un zèle inaccoutumé à déclencher, en pleine campagne électorale, une offensive majeure pour, au fond, des peccadilles. Certes, si Fillon avait moins aimé les beaux costumes et les pourboires nés de fiches de lecture fantômes, rien ne serait arrivé. Mais tout de même, tout ça pour ça, cela devrait interpeller, comme on dit dans le monde moderne…

Les délices du vote par correspondance

Pour Trump, les affaires peuvent sembler plus sérieuses. Mais si l’on y regarde de près, tout tourne (mis à part le vaudeville) autour du résultat de l’élection et surtout de l’organisation de son dépouillement. Il faudrait tout de même s’interroger sur l’invraisemblable archaïsme du mode de scrutin américain. La « plus grande démocratie du monde » (il est permis de sourire) repose sur un système totalement anarchique où chaque État (voire les comtés) a une organisation différente : le vote par correspondance peut se faire avant comme après le scrutin, avec des durées extraordinairement variables, parfois sans contrôle d’identité et avec l’intervention de militants autorisés à relancer les électeurs chez eux pour leur faire perforer un bulletin (quelle modernité !) remis ensuite au bureau de vote, mais tout de même transporté au préalable par la police municipale dans de grands sacs postaux. On croit rêver mais c’est ainsi que cela se passe dans l’Empire. Il veut imposer son modèle au monde entier, a bombardé beaucoup de récalcitrants qui avaient du mal à assimiler le concept d’« hégémonie bienveillante », mais n’est pas capable de dépouiller correctement un scrutin. Le feuilleton du duel de 2000 entre George Bush jr et Al Gore est encore dans toutes les mémoires : le dépouillement en Floride, clé de l’élection, s’est étiré en longueur. On vit des images surréalistes de scrutateurs examinant, indécis, des bulletins de vote longs comme le bras en se demandant s’ils étaient perforés ou non et au bon endroit. Aucun progrès n’a été fait depuis.

Avant la prise en compte des bulletins par correspondance, Trump avait la partie gagnée. Ensuite, un interminable comptage se mit en branle et, au terme d’heures puis de jours d’attente, les résultats s’inversèrent. Dans certains bureaux, ce sont 90 % des votes par correspondance qui se portèrent sur Biden. Normal nous expliquaient nos spécialistes des États-Unis sur les plateaux : les Démocrates votent bien plus par correspondance que les Républicains. On ne sait pas pourquoi mais c’est ainsi, mon bon monsieur.

La Géorgie fut le cas le plus emblématique de dépouillement opaque avec inversion des résultats à la clé. Trump, persuadé de la triche, exigea un retour au premier résultat, ne l’obtint évidemment pas et lança l’offensive médiatique qui aboutit à “l’assaut” du Capitole. Assaut bien relatif, aux zones d’ombre multiples : des enquêtes indépendantes du très démocrate FBI seront les bienvenues. Que donneront les résultats judiciaires de ces quatre inculpations ? Nul ne le sait mais ce qui est sûr c’est que leur calendrier se bousculera avec celui des élections.

L’ordinateur d’Hunter Biden

Joe Biden a ses propres ennuis mais par le biais de son fils, le sympathique Hunter : drogué, alcoolique, corrompu, érotomane, c’est ce qu’on appelle un cumulard. Hunter a renoncé à tout cela, jure-t-il et Joe est « fier » de son fils. Le plus intéressant dans les frasques d’Hunter concerne ses liens avec l’Ukraine. Coïncidence intéressante avec la grande guerre de Joe contre la Russie, par Ukrainiens interposés. De 2014 à 2019, Hunter siégea au conseil d’administration de Burisma holding, une des plus grandes sociétés privées ukrainiennes de production de gaz naturel. Il n’avait aucune expérience dans ce domaine, faut-il le souligner. Sa nomination est intervenue après une visite de son papa, alors vice-président, en Ukraine.

En 2016, Joe va intervenir auprès du président Petro Porochenko pour faire limoger le procureur général Viktor Shokin. Le prétexte est tout trouvé : ce procureur ne met aucune énergie à lutter contre la corruption. C’est Biden lui-même qui a révélé cet épisode. Oui mais Shokin déclarera haut et fort qu’il a été renvoyé parce qu’il s’apprêtait à enquêter sur Hunter. Nous ne saurons sans doute jamais ce qui s’est vraiment passé.

Mais le plus cocasse était à venir. Son ordinateur ayant connu un léger dégât des eaux, Hunter le déposa chez un réparateur et ne vint jamais le récupérer. Le FBI finit par mettre la main dessus et analysa le disque dur. Son contenu fuita dans le New York Post quelques jours avant l’élection présidentielle de 2020. Il révéla entre autres des échanges de courriels entre Hunter et des Ukrainiens, son salaire (50 000 dollars par mois), les liens de la famille Biden avec un fonds d’investissement chinois ou Hunter brandissant une arme à feu en fumant du crack.

Les contre-feux ne tardèrent pas. Twitter (c’était avant Musk) et Facebook bloquèrent tout relais de ce disque dur pour ne pas diffuser « de fausses nouvelles ». Plusieurs responsables du renseignement américain publièrent une lettre ouverte où ils affirmaient que les courriels étaient des faux et que derrière tout cela il y a « un complot russe ». Poutine est tout de même très fort ! Une omerta quasi-complète recouvrit le dossier jusqu’à l’élection. Les médias conservateurs qui en parlèrent étaient bien sûr complotistes et complices des Russes.

Le danger étant passé et le bon Joe élu, la justice commença à s’intéresser à Hunter et l’inculpa de fraude fiscale et de détention d’arme illégale (les drogués n’ont pas le droit de posséder une arme, même aux États-Unis). Hunter s’engagea dans une procédure de plaider-coupable qui devait lui épargner un procès. Le procureur en charge du dossier donna son accord mais la juge du Delaware (l’État de la famille Biden) a refusé de le valider. Car d’autres affaires, révélées par les journaux, pointent leur nez, notamment des liens d’Hunter avec une société énergétique au Kazakhstan ou avec un conglomérat chinois. Les Chinois ont de bons côtés finalement. Un procès devient donc probable et risque de perturber l’agenda électoral de Biden.

Le duel des vieillards géants

Il devrait logiquement opposer Joe Biden, qui aura 82 ans, à Donald Trump, qui en aura 78. Ce parfum de gérontocratie ne semble pas troubler le Parti républicain. Trump caracole dans les sondages et les primaires s’annoncent, pour l’instant, très favorables. Celui qui était présenté comme son rival le plus dangereux, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, est à la peine. Sa célébrité issue de son bras de fer avec les wokistes de Disney ne lui a pas permis de transformer l’essai : emprunté, raide, parfois maladroit, les commentaires des observateurs américains sont sévères et l’écart se creuse avec le redoutable Donald, bête de scène et des médias.

À l’heure actuelle, personne ne semble en mesure de lui contester la victoire aux primaires, même si certains au Parti républicain s’inquiètent du rejet dont il fait l’objet dans l’électorat gauchiste, cela va sans dire, mais aussi modéré.

Chez les Démocrates, l’ambiance est plus fébrile encore. Les problèmes cognitifs (soyons polis) que connaît parfois le président ont fait le tour des réseaux sociaux. Mais Biden a d’ores et déjà annoncé sa candidature, coupant tout débat sur son âge et son état de santé. La vice-présidente, Kamela Harris, a démontré son incompétence et n’est plus considérée comme un recours crédible. Un nouveau venu, Robert Kennedy jr, est en lice. Il a défrayé la chronique avec des positions assez distrayantes sur le covid et la guerre en Ukraine mais n’a, semble-t-il, que peu de chances.

Cette élection qui verra peut-être s’affronter deux des plus vieux candidats de l’histoire, résonne comme un symbole. Le symbole du déclin d’un pays qui veut toujours dominer le monde mais n’a pas encore compris que celui-ci avait changé et ne voulait plus se soumettre à la prétendue « destinée manifeste ».

Article paru dans Politique magazine

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