G-BDQD17ZWM0

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Littérature - Page 2

  • Billet d'humour : parlez-vous le Macron ?

    Macron-Congrès.jpg

    Emmanuel Macron devant le Congrès réuni à Versailles. ©Ja cques witt/pool/REA.

     

    Avec ses "celles et ceux" et ses "tous et toutes", le nouveau président veut aussi casser les codes du langage. Au secours !

    Le clin d'oeil de Philippe Eliakim

    C’est cela le talent. Avant même de lancer la moindre réforme, Emmanuel Macron a déjà apporté à la France une conquête qui fera sans doute date dans l’histoire : le celzécisme. Pour dire la vérité, ce sont Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo qui, les premiers, ont commencé à dire "celles et ceux" à la place de "ceux", afin, imagine-t-on, de se concilier les faveurs de leurs électrices. Mais c’est bien le nouveau président de la République qui, par sa constance à la répéter sur toutes les estrades, est parvenu à populariser cette expression joyeuse et bienvenue. En quelques mois à peine, le celzécisme est devenu une sorte de sésame langagier dans tout le pays, témoignant de notre volonté collective de réhabiliter les femmes et de les insérer enfin dans la société. "Celles et ceux qui s’apprêtent à commettre un attentat…", disait l’autre matin un journaliste à la radio. C’est le moindre respect qu’on doit aux porteuses de ceinture d’explosifs.

    Alors, bien sûr, nous disons bravo ! Mais notre devoir est aussi de mettre en garde les contribuables : cette généreuse avancée sémantique risque de leur coûter pas mal d’argent. Car le celzécisme ne consiste pas seulement à dire "celles et ceux" à la place de "ceux". Il s’agit d’une doctrine globale, d’un principe universel qui a vocation à se saisir du champ lexical dans son ensemble pour y faire entrer partout le principe d’égalité. Est-il acceptable, dans la France de 2017, de continuer à clamer que "l’homme est un loup pour l’homme", alors qu’en réalité ce sont "l’homme et la femme qui sont des loups et des louves pour l’homme et la femme" ? Combien de temps va-t-on devoir patienter pour que les livres d’histoire convertissent la honteuse "Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen" en ce qu’elle aurait toujours dû être, une "Déclaration des Droits de l’Homme et de la Femme et du Citoyen et de la Citoyenne" ?

    Et que penser de ces tournures impersonnelles auxquelles, c’est vrai, on ne prête guère attention aujourd’hui, mais qui, quand on y réfléchit, sonnent comme des insultes à la gent féminine ? "Celles et ceux qui ont pris leur parapluie ont eu tort, car il ou elle fait beau", voilà comment, demain, il ou elle faudra s’exprimer, car il ou elle n’est plus tolérable de laisser la discrimination se nicher au coeur même de nos phrases et de notre inconscient. Si, comme dit le vieil adage, "l’homme et la femme sont l’avenir de l’homme et de la femme", alors il n’y a plus une minute à perdre.

    Pour en revenir aux contribuables, il (ou elle) est encore trop tôt pour leur révéler combien coûtera la réécriture de millions de pages de formulaires administratifs, la réédition de la totalité des manuels scolaires et la reprise du fronton du musée de l’Homme. Mais cela ne sera pas donné. Que cela ne gâche pas notre plaisir ! Si l’on peut se permettre une dernière fois cette horrible transgression, le président Emmanuel Macron est quand même un grand homme.

    Note de la rédaction : il s'agit d'un "billet d'humour". S'il prend comme point de départ des faits réels, tout n'est pas à prendre au premier degré...

    Capital

  • Encore et toujours Michel Déon

     

    MICHEL DEON LE MAURRASSIEN

     

    "C’est à Spetsai, en Grèce, que Michel Déon a écrit parmi les plus belles pages que j’aie pu lire sur Maurras". Cet article est paru dans Boulevard Voltaire, le 1er janvier 2017.

     

    Blanchonnet.jpgC’est à Spetsai, en Grèce, une de ses îles qu’il affectionnait tant, que Michel Déon, un exemplaire d’Anthinéa sur les genoux, a écrit parmi les plus belles pages que j’ai pu lire sur Maurras. Elles se trouvent dans le second chapitre de Mes arches de Noé. Tout y est : une évocation pleine de sensibilité du poète, que Déon tient pour l’un des plus grands, une analyse sérieuse et lucide du politique, un portrait intime, parfois drôle, souvent émouvant, de l’homme, en père spirituel mais aussi en compagnon de chair et d’os.

    Le récit de ces deux années d’Occupation passées à Lyon aux côtés de Maurras, comme secrétaire de rédaction, portent l’empreinte du tragique des temps en même temps qu’une saveur romanesque, comme dans cette fascinante anecdote de l’hommage rendu par Maurras, au péril de sa vie, à des otages abattus place Bellecour par les Allemands.

    Une page, en particulier, est un condensé du regard porté par Déon sur son vieux maître. On me pardonnera de la citer un peu longuement, tant elle est forte et juste. Déon nous raconte comment il va chercher chaque matin l’article écrit par Maurras dans la nuit pour le journal :

    « Il m’est arrivé de rester ainsi un long moment près de lui, n’osant pas le réveiller […] Je revoyais sa vie tout entière placée sous le signe d’une énergie indomptable, l’enfance heureuse frappée soudain par une infirmité terrible, l’adolescence enchantée par la poésie […] les voyages en Grèce et en Italie, la « Revue Grise », le quotidien, les compagnons de route […] la dernière guerre dont il avait pressenti qu’elle signifierait le glas de la France et maintenant cette occupation qui l’étouffait, où il jetait ses dernières forces pour sauver ce qui lui semblait pouvoir être sauvé […] La grosse plume tenue entre les doigts carrés aux ongles courts, d’une main petite et nerveuse, la grosse plume trempée dans une encre noire courait toujours sur le papier, attaquant, expliquant, commentant, bousculant les idées reçues, démontrant avec une sorte de rigueur mathématique les raisons des uns, les torts des autres, au nom d’un amour de la France que rien ne pouvait atteindre […] Je l’aimais ce vieillard de fer et de feu et, quand le soin m’en incombait, je prenais soin de sa personne avec un sentiment plus profond que le respect. »​‌

    Un autre passage mérite d’être cité pour répondre à madame Azoulay, qui a osé écrire que « MALGRÉ sa proximité avec les thèses de Charles Maurras, [Déon] gardait en littérature une totale liberté dans ses choix ». Le voici (Déon nous y parle du journal de l’Action française) :

    « La page littéraire, que Pierre Varillon dirigeait de sa retraite stéphanoise, avait les indulgences de Maurras. Brasillach avait pu avant la guerre y tresser des couronnes à Claudel, Rebatet massacrer un compositeur abonné du journal, François Daudet ridiculiser Gimond, le sculpteur ami du Chemin de Paradis, Thierry Maulnier adorer Nietzsche, Kléber Haedens introduire le sport dans la littérature. »​‌

    Il faut croire que la liberté de choix en matière littéraire n’était pas plus hier qu’aujourd’hui une valeur de gauche !  

    Stéphane Blanchonnet

    Professeur agrégé de l

  • Michel Déon "je suis un écrivain réactionnaire, je le dis tout haut"

    Déon.jpg

    Né à Paris le 4 août 1919, Michel Déon est décédé le 28 décembre dernier. Il appartenait au groupe des Hussards, les hommes libres de la littérature. Il avait publié plus d'une quarantaine d'ouvrages, parmi lesquels Les Gens de la Nuit (1958), les Poneys sauvages (1970), Le Jeune Homme vert (1975) et Un taxi mauve (1973) ou La montée du soir (1987). Il avait été élu en 1978 à l'Académie française.

    Nous n'oublions pas qu'il faisait partie du comité de parrainage de Politique magazine.

    Bien d'autres se sont chargés de lui rendre hommage. Nous apportons notre contribution en publiant quelques articles qui lui ont été consacrés.

    _______________________________________________

     

    Le Midi Libre

    Déon1.JPG

    Déon5.JPG

    Déon2.JPG

    Déon3.JPG

    Déon4.JPG

    _______________________________________________

    FigaroVox

    Michel Déon, le jeune homme vert,

    s'en est allé

     

     

    PHOa6c99df2-2d3c-11e4-9abe-2885da635d83-805x453.jpgÉdouard Michel naquit à Paris le 4 août 1919. Et Michel Déon quelque vingt ans plus tard, quand le jeune homme choisit ce nom de plume pour signer ses premiers articles dans la presse, puis ses romans.

    Les images de son enfance sont celles de la Côte d’Azur : son père y est alors conseiller du prince de Monaco. Le petit Édouard va donc au lycée sur le Rocher, puis à Nice. Remontant à Paris, il poursuit sa scolarité à Janson-de-Sailly. Enfin, bac en poche, il attaque son droit. Mais le coup de foudre a lieu dans la bibliothèque paternelle quelques années plus tôt : à 13 ans, l'adolescent découvre Charles Maurras. Le poète de Martigues, animateur de l'Action française, va exercer sur lui une influence considérable. Il restera fidèle à sa mémoire, qu'il estime injustement caricaturée, réduite à des slogans. Interrogé, bien des années plus tard, Déon déclarera : « Lorsqu’on me demande pour qui je vote, je réponds que je suis de toute façon monarchiste depuis ma jeunesse et que je n'en démordrai pas. » « Je suis un écrivain réactionnaire, je le dis tout haut », proclamera même ce stendhalien, avouant pencher « pour une société aristocratique ». En politique, tous le savaient, Déon avançait courageusement, et sans masque…

    Mobilisé en 1939, il rejoint la capitale des Gaules en 1942, car c'est à Lyon qu'est repliée la presse parisienne, parmi laquelle L'Action française. Une aubaine pour Déon, qui, confessant ne s'être jamais remis de la défaite de 1940 - « Peut-on oublier la honte ?» - va côtoyer chaque jour le vieux Maurras dont il devient le secrétaire. Dès cette époque, il s'essaie à la littérature.

    Après-guerre vient le temps des voyages. Il se sent comme en exil dans la France de la Libération. De 1946 à 1948 : Allemagne, Suisse, Italie, Portugal. En 1944 paraît un premier livre, Adieux à Sheila, qu'il réécrira en 1990, sous le titre Un souvenir. Les années d'apprentissage sont achevées, voici celles de l'amitié, de la littérature, des Hussards : Laurent, Blondin. Tandis que ce dernier écrit L'Europe buissonnière, Déon rédige son premier vrai roman, publié en 1950 : Je ne veux jamais l'oublier. « Blondin me disait toujours : “Toi, t'écris pour les gonzesses.” » Chez Déon, c'est vrai, peu de soûleries prodigieuses, d'amitiés poivrotes, même s'il déclarait : « Les buveurs d'eau me sont suspects. Son monde est plus secret, plus diffus ; l'humour et la charge y sont présents, mais l'analyse psychologique des sentiments, la délicatesse des teintes marquent avant tout.

    Il se lie à André Fraigneau, Roland Laudenbach, Kléber Haedens… Du beau monde. Mais les jambes le démangent et, comme Paul Morand, il guette toujours les départs. En 1951, le voici boursier de la Fondation Rockefeller, partant pour les États-Unis. Il n'en continue pas moins de publier régulièrement : La Corrida en 1952, Le Dieu pâle en 1954, Lettre à un jeune Rastignac (libelle), Les Trompeuses Espérances en 1956.

    De 1958 à 1961, Déon voyage presque constamment. C'est au cours de ces périples qu'il découvre Spetsai, une île grecque. Michel Déon et les îles : une histoire d'amour. « L’insomnie est peut-être une maladie inguérissable, expliquera-t-il. Elle impose l'immobilité, c'est-à-dire, en un sens, la condition essentielle de la paix intérieure. En 1964, il s'installe à Spetsai. Ce départ pour la Grèce change ses perspectives : « J'ai trouvé la pacification intérieure dès que j'ai quitté la France.» De ces années, il tirera des souvenirs : Le Balcon de Spetsai puis Le Rendez-vous de Patmos.

    Mais on enferme trop Déon dans l'image du romancier nostalgique, raffiné, décrivant couchers de soleil et fantasques amours. Il fut également un redoutable pamphlétaire, véritable empêcheur de penser en rond. Sa Lettre à un jeune Rastignac est un modèle de libelle à l'adresse des jeunes ambitieux qu'il voyait se pousser avec ironie.

    En 1967, ce maurrassien resté antigaulliste publia un texte furieux contre la France du Général : Mégalonose. Saisi par les services de police, le livre mourra au berceau, mais justifiera - si besoin était - l'éloignement de Déon.

    Pourtant, des années plus tard, il conservera un regret de ce temps : « Il est permis d'avoir la nostalgie d'une époque où régnait une esthétique de vie, une esthétique politique, un pragmatisme politique, disparus au nom d'un moralisme tout à fait idéaliste. De Gaulle, c'était Sisyphe taillant sa route dans le roc, insensible et vaniteux, vexé à mort parce que son rocher lui retombait sur la tête. »

    Prix Interallié et grand prix du roman de l'Académie française

    Quelque temps plus tard, les honneurs lui arrivent coup sur coup. En 1970, ses Poneys sauvages obtiennent le prix Interallié. Roman de tous les engagements, Seconde Guerre mondiale, Algérie, guerre des Six-Jours - ce livre n'effraie pas le jury dans une France post-soixante-huitarde ; pas plus que les déclarations de son auteur ne choquent… « Je suis un homme de droite et je n'ai pas honte de l'avouer. Je sais que j'ai été écarté de deux prix à cause de quelques lignes. »

    Et la consécration se poursuit : Un taxi mauve reçoit le grand prix du roman de l'Académie française, puis Le Jeune Homme vert (1975) obtient un grand succès public ; enfin, en 1978, Déon rejoint la Coupole, élu au fauteuil de Jean Rostand, en même temps qu'Edgar Faure. « Moi qui ai si longtemps cultivé mes différences, je vais enfin tenter de cultiver mes ressemblances avec des gens qui me sont parfois opposés », remarque-t-il alors.

    Il y avait été poussé par ses amis Félicien Marceau, Jean d'Ormesson et Maurice Rheims. Avant eux, Paul Morand le lui avait aussi conseillé. Même en habit vert, Déon n'en revendique pas moins un « certain anarchisme de droite, un pessimisme qui vise à la lucidité ». Mais l'Académie n'est pas un enterrement de première classe. Déon continue à écrire, explorant des régions qui lui sont inconnues, comme le théâtre. Déjà, il avait écrit des pièces radiophoniques : une adaptation du Claire de Chardonne, de la Colette Baudoche de Barrès… et même un opéra-bouffe avec Pierre Petit : Furia italiana. Mais il tenait beaucoup à ses pièces, Ma vie n'est plus un roman (1987) et Ariane, ou l'Oubli (1993).

    Dans sa maison d'Old Rectory, en Irlande (une autre île…), il vit avec sa femme, Chantal, élève des chevaux, vient en France signer ses livres, en acheter d'autres, recevoir à l'Académie ses amis Jacques Laurent, Hélène Carrère d'Encausse ou Frédéric Vitoux. Mais il sait encore être mordant quand il doit y faire l'éloge de Jacques de Bourbon Busset, si éloigné de lui.

    Avec générosité, une ouverture d'esprit jamais en défaut, il encourage des écrivains débutants nommés Emmanuel Carrère, Jean Rolin, Brina Svit. Il héberge Michel Houellebecq dans sa retraite de Tinagh, intrigué, séduit puis irrité par l'auteur des Particules élémentaires qui se révèle un hôte encombrant.

    L'élève est devenu un maître, et un ami ; de nombreux auteurs se reconnaissent en lui : Stéphane Denis, Éric Neuhoff, qui lui consacre une monographie. Et Patrick Besson, lequel écrit : « Déon est un romancier pour une certaine jeunesse, celle qui préfère les femmes mûres aux catamarans et les voyages aux expéditions. Il s'adresse avant tout aux rêveurs de 20 ans et aux rêveuses de 17. »

    Déon ne se fait pourtant guère d'illusion sur la littérature de son temps. « Entre 1920 et 1940, il y avait une réelle qualité d'écrivains. L'après-guerre n'a produit aucun chef-d’œuvre. Et de citer Larbaud, Montherlant, Morand, Drieu la Rochelle, Aragon, ces « écrivains qui caressent des secrets, dont l'ombre passe entre les lignes de leurs livres ». Il s'inscrit incontestablement dans leur lignée : « Si j'ai écrit des livres, confessait-il, c'est peut-être pour répondre au besoin de vivre les histoires que d'autres n'ont pas toujours su me raconter. »   

    « Lorsqu’on me demande pour qui je vote, je réponds que je suis de toute façon monarchiste depuis ma jeunesse et que je n'en démordrai pas. »  « Je suis un écrivain réactionnaire, je le dis tout haut » Michel Déon

    Nicolas d'Estienne d'Orves   (FigaroVox)

     

    _______________________________________________

    Boulevard Voltaire

     

    Michel Déon, le dernier Hussard

     

     

     
     
    Journaliste, ancien grand reporter à France 3 Alsace

    Michel Déon, le dernier « Hussard », le « jeune homme vert », n’avait guère les faveurs des gazettes littéraires bien-pensantes… Un ostracisme qu’il partageait outre-Rhin avec l’un des plus grands écrivains européens du siècle dernier, l’Allemand Ernst Jünger qui, comme lui, restera sans doute à tout jamais l’exemple rare d’une « littérature qui ne se donne pas aux éphémères », selon l’élégante formule de son ami, Dominique de Roux, mort, lui, trop tôt, à 42 ans.

    Avant de partir vivre en Grèce, qui lui a inspiré ses plus beaux récits (Le Rendez-vous de Patmos, Le Balcon de Spetsai, etc.), Michel Déon avait partagé durant la guerre à Lyon l’aventure éditoriale de Charles Maurras, comme secrétaire de rédaction de l’Action française.

    Dans les années 50, Michel Déon, bien qu’il s’en défendît parfois, avait rejoint « ce groupe de jeunes écrivains que, par commodité, je nommerai fascistes », comme les diabolisa Bernard Frank, dans Les Temps modernes, les affublant néanmoins du joli nom de « Hussards » qui passera à la postérité. L’amour du style, un style bref, cinglant (« à chaque phrase, il y a mort d’homme ») caractérisaient ces « Hussards » réunis autour de Roger Nimier, le plus brillant d’entre eux, Blondin, le plus insolent, François Nourissier, Félicien Marceau ou encore Jacques Laurent, plus grand public.

    Hétéroclites certes, hérétiques virulents dans leur négation de l’existentialisme ambiant, ils ferraillaient contre l’intellectualisme engagé de Saint-Germain-des-Prés. Dans leur ligne de mire, le « pape » de l’existentialisme, Jean-Paul Sartre, et Simone de Beauvoir, qu’Antoine Blondin, en singe désaltéré, rhabilla pour l’hiver : « Un agrégé replet et une amazone altière troussaient des concepts en toute simplicité à deux pas du croquant, comme on fabrique des gaufres. »

    La plupart des Hussards, Roger Nimier en tête, militeront pour l’Algérie française, manifestant ouvertement leur hostilité à la politique du général de Gaulle en Algérie. Michel Déon retrace cette épopée dans Les Gens de la nuit, dont le grand prêtre fut sans conteste Antoine Blondin : « Le noctambule qui découvre, chaque nuit, une métaphysique dans la machine à sous d’un bar tabac de la rue du Bac. »

    Puis Michel Déon s’éloigna de ces nuits trop arrosées pour la lumière de la mer Égée où il partagea la vie du peuple grec qui, aujourd’hui comme hier, « mange, boit, chante, danse, peine, souffre, et un jour meurt, passant du rire aux larmes aussi vite qu’il passe des larmes au rire ».

    Et même s’il a voulu en faire abstraction, la mythologie l’a souvent rattrapé, omniprésente dans la vie quotidienne :

    « Depuis Ulysse et Thésée, nous savons que les Grecs ont plusieurs vérités mais ce qui est en cause ce n’est pas leur sincérité, c’est leur double appartenance : à l’Occident par le goût et parce qu’ils lui ont donné une civilisation, à l’Orient par nature et parce que la géographie les oblige. »

    _______________________________________________

    Entretien réalisé par José Meidinger.

    Michel Déon a fait découvrir et aimer la Grèce à des générations de philhellènes. Livres à la main, nous avons couru et courons encore ces îles magiques qu’il a arpentées inlassablement avant de se retirer en Irlande, « la Grèce du Nord ». À 94 ans, le dernier Hussard, compagnon de Nimier, Blondin et Laurent, n’a rien renié de son « histoire d’amour avec la Grèce » Extraits de l’entretien qu’il nous avait accordé pour Bonjour Athènes.

     

    Un jour, Michel Déon, vous avez quitté le soleil de Spetsai pour les brumes de l’Irlande, vous avez déserté, oui déserté, la Grèce…

    D’abord, je n’ai pas « déserté » la Grèce, mais après une dizaine d’années sans guère quitter mon île de Spetsai, j’ai dû, pour mon travail et l’éducation de mes enfants, passer un hiver au Portugal, puis des hivers en Irlande.

    Le parfum de ces îles, Spetsai, Patmos, Hydra, leur séduction n’opéraient plus, un peu comme une histoire d’amour qui se terminait ?

    C’est vrai que je me suis installé ailleurs sur la pression des changements qui s’opéraient autour du Paleo Limani (vieux port) de Spetsai. Là où nous étions quelques complices à peupler ce cap admirable et, autrefois, désert, sont venus se coller à grands frais et grands bruits de puissantes et vulgaires fortunes sans aucun respect pour les traditions et l’architecture de l’île. […] Mais je peux vous garantir que, même si je n’y vis plus, la Grèce est en moi et dans mes livres jusqu’à mon dernier souffle. Mes écrits en témoignent avec la même ferveur qu’à la première révélation.Une histoire d’amour qui n’aura pas de fin…

    Ici comme ailleurs, le temps de la « splendeur nue » est révolu. Même défigurée, la vie grecque garde-t-elle une partie de sa magie ?

    Naturellement, la vie grecque a gardé de sa magie. Il suffit de s’éloigner des centres touristiques, de choisir sa saison (les hivers et les printemps sont sublimes), ses amis et, surtout, d’emporter avec soi quelques livres essentiels qui abolissent les siècles. Et fuir le kitsch, le toc, le préfabriqué, le luxe grossier des nouveaux riches, les moteurs, une triste architecture moderne. Je hurle quand à une question posée en grec on me répond en pidgin anglais…

    Les dieux ont quitté la Grèce, Apollon s’est-il suicidé ?

    Oubliez ça et trouvez dix minutes de silence sur l’Acropole, au cap Sounion, à Patmos, face à un coucher de soleil ou à une aube radieuse. Alors, vraiment oui, les dieux existent encore et nous sommes leurs enfants.

    J’ai lu quelque part que « l’âpre Irlande convenait mieux à votre désenchantement stendhalien »

    « L’âpre Irlande » n’a rien à voir avec ce que vous appelez un « désenchantement stendhalien ». C’est un pays assez rude malgré ses fées et ses fantômes qui me tiennent éveillé. J’aime être fouetté par le vent et la pluie, pincé par le froid qui donnent l’illusion d’exister.

    Irlande ou Patagonie, il ne reste plus beaucoup de terres sauvages pour les hommes assoiffés de liberté…

    En ce qui concerne la liberté, il y a longtemps que j’en ai fait mon affaire personnelle et ne me suis pas trop mal défendu dans ce monde où, chaque jour, on attente je ne dirais pas à notre liberté mais à nos libertés.

  • La France qui ne veut pas mourrir

    Chers amis,

    Les Français qui souffrent sont des millions.

    Ils ne sont pas une France de la périphérie, pour reprendre le titre d'un ouvrage brillant. Ils sont le coeur saignant de la France. Ils sont les victimes immolées dont le sacrifice doit être tu et même enseveli sous les mensonges.

    ILS SONT LA FRANCE.

    Ils vivent en direct sa déchéance et sa disparition.

    J'ai choisi de répondre POINT PAR POINT à toutes les accusations fallacieuses que suscitent nos actions à Béziers. Et pour cela, je publie un Abécédaire de la France qui ne veut pas mourir.

    ACHETEZ ICI

    Au-delà de la simple riposte, j'y expose un plan de sauvetage de la France. Cette France qui souffre plus que jamais depuis plusieurs décennies de l'incurie et du cynisme coupables de ses gouvernants, qu'ils soient de droite ou de gauche. 

    Immigration galopante, montée de l'islamisme, déclin de l'école publique, défiguration urbaine, langue de bois des médias, trappes à pauvreté générées par la mondialisation toute-puissante, etc.

    Et si Béziers constituait une sorte de modèle à porter à l'échelle nationale ?

    Tout se joue maintenant, à l'ouverture de la campagne présidentielle.

    Je vous invite donc à lire cet Abécédaire de la France qui ne veut pas mourir.

    CLIQUEZ ICI

    Sauver la France ne tient qu'à nous.

    Cordialement,

    Robert Ménard

     

    Livre Ménard.jpg

     

  • NUMERO SPECIAL - Nom de la région : Henri Barthès nous écrit

    Donner un nom à une région n'est jamais anodin. Il enracine ses habitants dans une histoire et les situe géographiquement et historiquement dans celle de la nation à laquelle ils appartiennent. Le nom "Occitanie" qui a été choisi pour la notre n'a, contrairement aux apparences, aucun fondement historique ou philologique. Il n'est que le résultat de médiocres tractations politiciennes, teintées d'idéologie "mai 68".

    Nous avons aujourd'hui le grand plaisir de publier le texte que nous a fait parvenir Henri Barthès sur la question.

    Henri Barthès est spécialisé dans la paléographie, étude des écritures anciennes, la diplomatique, interprétation des documents anciens et la philologie, études des langues anciennes.

    Membre de l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, de la Commission archéologique de Narbonne, il préside la Société Archéologique Scientifique et Littéraire  de Béziers depuis 2011.

    Il est Majoral du Félibrige, Académie de 50 poètes , écrivains ou philologues, fondée par Frédéric Mistral en 1854 pour la conservation et la défense de la langue d'oc. Au sein de cette académie, il est titulaire de la cigale d'or, titrée Cigale de la Narbonnaise.

    Outre plusieurs ouvrages historiques, il a publié en 1987 les Études Historiques sur la "langue occitane", ouvrage qui n' a pas manqué de susciter de vives polémiques, dans lequel est étudiée de manière critique la conception de la langue d'oc et du régionalisme languedocien dans les mouvements dits "occitans" ou "occitanistes".

    Ces études sont aujourd'hui d'une pleine actualité et nous avons estimé devoir faire du texte qui suit un numéro spécial de nos envois quasi hebdomadaires.

    On ne pouvait en effet trouver meilleur spécialiste. Mais le système est ainsi fait que le nivellement par le bas est toujours privilégié ...

    Henri Bec

    Vous pouvez retrouver cette étude sur notre site avec une meilleure condition de lecture en cliquant ICI

     

    Langue d’oc contre occitan ?

    Languedoc contre Occitanie,

    quel nom pour la langue,

    quel nom pour la Région ?

    LANGUEDOC

     

     

    barthes.jpg

      La langue

    Le latin parlé en Gaule a évolué différemment au Nord et au Midi. A partir du Concile de Tours (823), la langue parlée en Gaule a reçu le nom de roman, ou langue romane. Sous ce nom les Troubadours au Midi, les Trouvères au Nord ont créé en roman une poétique vernaculaire.

     

    Au XIIe siècle, dans les Croisades, les deux langages ont été mis en présence et on a désigné les contingents des soldats selon la langue que parlaient les hommes. Dans nos pays, le contact s’est produit à l’occasion de la Croisade albigeoise. On a connu lingua nostra, lengo-nostro : c’est à dire ceux de notre langue, ceux qui parlent notre langue.

    A la fin du XIIIe siècle une différence de langage entre le nord et le midi a été constatée dans la manière d’affirmer : au Nord : Oil (du démonstratif latin hoc, renforcé par un second démonstratif ille) au Midi : O ou Oc (du même démonstratif latin pris seul : hoc.) Un troubadour biterrois, Bernard d’Auriac en 1284 constate : Auziran dire per Arago Oil et Nenil en luec de Oc e de No. (1)

     Les marchands montpelliérains aux foires de champagne forment le terme langue d’oc, pour désigner leur corporation : Jean Chrétien, Capitaine de Montpellier et les marchands de la langue de Provence, de cette langue que l’on dit en langage vulgaire langue d’oc. Ce texte établit que la langue de la Provence (au sens large : tout le Midi de la France), est désignée en langage vulgaire (c.à.d. dans l’expression populaire) : Langue d’oc.

     L’usage populaire et autochtone est consacré dans la littérature universelle à la fin du XIIIe siècle par Dante Alighieri, Dans la Vita Nuova (1283) Se volemo guardare in lingua d’occo, et dans le Convivio, (1295) : quelli di lingua d’occo, et en latin dans De Vulgari eloquentia (1305) : Allegat ergo pro se lingua Oil…pro se vero argumentatur alio, scilicet O.

    Dans notre pays-même, ce sont les célèbres Leys d’Amors des sept troubadours toulousains (1324) qui établissent le nom de la langue romane méridionale : Tramezeron lor letra per diversas partidas de la lenga d’oc (2) Dès lors, et jusqu’à présent, la langue romane du Midi de la France est désignée sans solution de continuité par le vocable Langue d’oc. Une langue non-unifiée, formée de plusieurs dialectes (provençal, languedocien, gascon, limousin, auvergnat etc…)

     La province

    Le morcellement des pouvoirs, la rivalité et les guerres endémiques n'ont pas suscité avant le XIIIe s. la création d’un vocable d'ensemble. La Croisade albigeoise, affaire de la paix et de la foi, remit au Roi capétien une étendue vaste et relativement unifiée a la mort du dernier comte toulousain, Alphonse de Poitiers, en 1271. Trois Sénéchaussées la composaient : Beaucaire, Carcassonne et Toulouse. Les méridionaux, selon l’habitude du temps, nommèrent leur pays du nom de leur langue.

    Telle est l’intention des marchands montpelliérains de 1295 : Pour les contrats d’achat et de vente passés dans la ville de Nîmes, la province de Narbonnaise et dans toute la terre ou Langue d’oc. Et plus loin : L’université des marchands de la Provence et de la Langue d’oc fréquentant les foires de Champagne.

    Les Leys d’Amors de Toulouse considèrent Languedoc comme l’étendue où ces lois philologico-poétiques devront s’appliquer : tramezeron lor lettra per diversas partidas de la Lenga d’oc.

    Les français suivent cet usage, et dès la fin du XIIIe siècle, dans les actes en français, l’administration royale adopte le terme : Item pour la cause des prélaz et clercs de Langue d’oc, c’est assavoir des Sénéchaussées, de Tholose, Carcassonne et Beaucaire. (1298)

    Dès lors, dans les textes en français, Languedoc désignant la Province devient d’un usage universel, dans la chancellerie des Rois de France, mais aussi des Rois d’Angleterre pour leurs possessions aquitaines où l’on parlait cette langue d’oc. En littérature on le trouve chez Froissart, dans la balade d’Eustache Deschamps sur la mort de Duguesclin etc...Il n’a jamais cessé d’être employé, à toutes les époques, et il a pour lui une possession d’état indiscutable. On remarquera que, venu de la langue d’oc, le nom de la province est féminin. Il s’emploie sans article, comme dans la fameuse Histoire Générale de Languedoc des Mauristes dom Devic et dom Vaissète.

     

    OCCITANIE

     

    La langue française n’était pas universellement comprise dans le Midi, il fallait aussi ménager les susceptibilités méridionales. On eut recours pour l’administration parisienne de Languedoc à la langue latine, aisément comprise et universelle. La transposition de langue d’oc en latin donnait lingua de hoc, incorrect grammaticalement. On essaya des traductions, à Lyon : lingua hoquotina. 

    Enfin on résolut la difficulté. Ainsi dans des textes issus des Eaux et Forêts. D’abord énumération des Sénéchaussées (forestarum nostrarum quinque senescallie), puis au début du XIVe siècle : ad senescallos vel judices lingue occitane…(3) Lingue occitane, ici au génitif, pour lingua occitana.

    On analyse occitana comme dérivé de oc suivi du verbe cieo/citare (appeler ou ester en Justice) et du suffixe d’appropriation -anum, au féminin -ana. Occitana est une création de latinistes et bazochiens parisiens du XIVe siècle. De lingua occitana on forma en latin médiéval Partibus occitanis. Pour rendre le français Languedoc, au sens de Province ou Pays de langue d’oc.

    Il s’en faut que le terme ait été universel. Même dans les textes latins de la chancellerie ou des administrations françaises, on voit la notable persistance de Patrie lingua d’oc, voire Lengadoch et au génitif un curieux Lengadochii. (4)

    Les Humanistes à partir du XVIe siècle considèrent la langue d’oc comme la langue des Goths, c’est-à-dire des barbares, et jettent sur elle un opprobre durable. Le dictionnaire de Nicot (1606) donne en un seul mot linguaoccitana pour la langue, et linguoccitanus pour Languedoc, comme dérivé de Linguagothia, la langue des goths.

    Les érudits humanistes du XVIIe siècle, pour traduire élégamment selon eux, le mot Languedoc, forment le néologisme Occitania. Ainsi dans une vie de saint des Bollandistes : …in Narbonensis ditione, num Occitania seu Lengadocia inferiore, (Dans l’étendue de la Narbonnaise appelée maintenant Occitania ou Languedoc).

     

    Occitania est un vocable du latin des Humanistes parisiens du XVIIe, repris du latin de la chancellerie du Moyen âge, pour rendre en latin -et uniquement en latin- le mot Languedoc.

    En français il trouve un usage sous la forme de l’adjectif occitanien ou occitanique au début du XIXe siècle sous l’effet du romantisme. Rochegude écrit le Parnasse occitanien, Fabre d’Olivet publie les Poésies occitaniques.

    Occitanie a eu sporadiquement un usage restreint et ultra-minoritaire chez les littérateurs français du Midi, sous le rapport symbolique ou allégorique. Il n’est pas entré dans le fonds originel, usuel et autochtone de la langue d’oc. Frédéric Mistral et les Félibres ne l’ont pas employé. (5)

     

    OCCITAN

     

    A la fin du XIXe siècle, deux poètes, instituteurs de l'enseignement primaire dans le Toulousain, Antonin Perbosc et Prosper Estieu, sous l’influence des idées romantiques tardives et de l’anticléricalisme ambiant, voulurent s’opposer à Frédéric Mistral et aux Félibres, qu’ils jugeaient conservateurs et cléricaux. Ils formèrent un système d’écriture et d’orthographe de la langue d’oc, archaïsant, différent de l’orthographe traditionnelle rénovée par Mistral et les Félibres. Ils espéraient par ce retour en arrière unifier la langue et mettre fin à son morcellement dialectal, dans lequel ils voyaient l'effet de la décadence. Système simpliste, basé sur la lecture non-comprise d’une Grammaire Romane (Raynouard, 1818) depuis longtemps dépassée, qui faisait appel à un archaïsme violent et obtus. Ils donnèrent à ce système et à la langue d’oc, revue et corrigée, le nom inusité d’occitan, tiré du mot Occitanie. (6)

     

    Le mot occitan et le principe graphique et unificateur qui le fonde, furent remarqués outre-Pyrenées par le catalanisme. Mouvement nationaliste et impérialiste, admiratif de Bismarck et de l’Allemagne, qui cherchait une aire d’expansion dans le Midi de la France, pour former la future Etnos Iberica sous domination catalane, de l’Ebre à l’Auvergne (Enric Prat de la Riba, La nacionalitat catalana, 1906).  Cette Etnos iberica paraît une réinterprétation romantique des prétentions hégémoniques des Comtes de Barcelone et leurs successeurs sur le Midi de la France au XIIe siècle. Prétentions auxquelles la Bataille de Muret (1213) et le Traité de Meaux-Paris (1229) mirent fin. A cette référence historique s'est ajouté un fort sentiment de supériorité à l'égard des autres provinces d'Espagne, dont le développement économique de la Catalogne fut le prétexte.

    Une liaison catalano-occitane avec un fort soutien du catalanisme (Josep Aladern) à l’occitanisme se développa de 1905 à 1912. Les prodromes de la guerre de 1914-1918, puis le confit y mirent fin.

     En 1929, les relations se renouèrent entre le catalanisme (Josep Carbonell, de Sitgès) et les occitans du toulousain (Louis Alibert, de Montréal d'Aude). À l’initiative des catalans, l’occitan fut soutenu et promu.  La Gramatica occitana, de Louis Alibert, base des assertions linguistiques occitanes, fut réécrite à Sitgès de la main du catalaniste Carbonell, publiée et diffusée aux frais des catalanistes.

     La propagande occitane entre-deux-guerres fut financée, dirigée et orchestrée par les catalanistes. La Societat d’estudis occitans, une plate réplique, crée à Sitgès, de l’Institut d’Estudis catalans. Les fonds catalanistes abondaient les publications occitanes et parfois les individus eux-mêmes.

     La fortune du mot Occitan pour désigner la langue d’oc à l’époque moderne (XXe et XXIe s.) repose surtout sur le soutien et l‘intervention catalanistes. Or ce mouvement avait pour but essentiel de se former une aire d’extension et de diffusion dans le midi de la France. Il ne semble pas y avoir renoncé en 2015.

     

    SIMILITUDES CATALANO-OCCITANISTES.

     

    La conception de la langue

    Selon les théories avancées par les occitanistes, l’occitan aurait été soumis au français comme le catalan au castillan. Il faut rompre avec cette supeditatcio et appliquer à l'occitan le procédé des catalanistes : la descastellanizatcio :

    1. Inventer une orthographe archaïsante, officielle, imposée et obligatoire.
    2. Tendre à l'unification et extinction plus ou moins complète des dialectes.
    3. Faire de la langue unifiée un prétexte national, un moyen de réclamation contre l'Histoire.

     

    La langue n'est plus alors une réalité objective, observée et pratiquée dans son état réel, mais un support du nationalisme. À l'imitation de la Nation Catalane, a été pensée et imaginée une Nation Occitane revendiquant contre la France, et contre l’Histoire. L’Occitanie couvrirait dans cette hypothèse les pays parlant ou ayant parlé l’occitan. On constate qu’elle continue en France l’Etnos Iberica de l’Ebre à l’Auvergne des catalanistes

     

    Les moyens

    Le principe linguistique occitaniste comme le catalaniste est affirmé intangible et incontestable, avec assertions péremptoires, répétitives, assénées lourdement. L'exemple catalaniste a été la doctrine linguistique de Pompèu Fabre, imposée par des moyens reconnus comme totalitaires par certains catalans eux-mêmes. (7)

    Les publications au service de la cause sont nombreuses, répétitives, feront l'objet de commentaires nombreux et laudatifs.

    Les organes, associations, pléthoriques en nombre, sigles, bulletins, plus qu'en adhérents réels. Les mouvements recourent à des manifestations multitudinaires, avec un recrutement bien encadré, donnant l'impression de foules adhérentes innombrables et majoritaires. Cette propagande conduit à un effet anesthésique des opinions contraires ou divergentes du modèle.

    Il en résulte une imprégnation conformiste qui enrôle sous un drapeau unique, donnant le change.

     

    Conséquence en domaine de langue d'oc

    La propagande imitée du catalanisme a conduit à un usage quasi-universel et général de ce côté-ci du Rhône -souvent de bonne foi- du mot occitan, malgré l'absence de justification historique et philologique du mot. Le système linguistique occitan, bien qu'infondé, tend à devenir le seul, parce que poussé par les plus bruyants, qui se prétendent les plus nombreux. Or, en ces matières l'argument du nombre est invalide. (8)

    L'occitan, dans la pratique, conséquence du système, n'est plus la langue d'oc. Depuis longtemps les locuteurs naturels n'y reconnaissent pas leur langue et se sont détournés. Les locuteurs formés au système ânonnent souvent entre eux un pitoyable et artificiel décalque du français qui n'a plus de vrais rapports avec la langue d'oc. D’autres, de bonne foi, tentent d’exprimer la langue d’oc sous le vêtement déformant de l’orthographe occitane codifiée, normalisée, imposée.

    Les bonnes volontés respectables qui se donnent, de bonne foi, au système occitan mériteraient infiniment mieux qu'un nom issu des parisiens, et un produit douteux et infondé en soi, sous-tendu par un nationalisme et impérialisme venu d'au-delà des Pyrénées.

    Là, comme ailleurs, il faudrait revenir au réel.

     

     

    Traductions, notes et compléments

    Les innombrables références de l’ouvrage d’Henri Barthés, Etudes Historiques sur la « langue occitane », qui assoient sa thèse de manière incontestable, n’ont pas été reproduites dans ce résumé condensé. On renvoi de manière générale audit ouvrage.

     

    1. On entendra en Aragon, dire oil et nenni et non plus O et nou.
    2. Ils mandèrent leur lettre dans les diverses parties de la Langue d’oc.
    3. Aux sénéchaux et juges de Languedoc.
    4. Les actes des rois d’Angleterre pour les possessions anglaises d’Aquitaine ou Rouergue conservent en latin le mot autochtone Lengadoc, Lengadok,
    5. Frédéric Mistral dans le Tresor dou Felibrige tome II, p. 431 : Le mot Occitania ou Patria linguae occitanae est la traduction usitée dans les actes latins des 13 e et 14e siècles pour désigner la province de Languedoc.
    6. Perbosc et Estieu, dont on ne met pas en doute la bonne foi, n’avaient pas les compétences nécessaires pour une telle entreprise. Ils ignoraient totalement la naissance et le prodigieux développement au XIXe siècle de la philologie romane. Ils ont découvert en 1895 la Grammaire de Raynouard datée de 1818, et se basant sur cet ouvrage depuis longtemps dépassé ont formé un système clos et fermé sur lui-même.
    7. Le catalanisme a été imposé en Catalogne par le pouvoir politique de la Generalitat, avant la Guerre civile d’Espagne. Il y eut, et il y a encore sans doute, un mouvement littéraire catalan non-catalaniste. Il est représenté par Mossen Antoni-Maria Alcover, philologue et dialectologue reconnu, auteur du seul ouvrage scientifique valable pour le domaine catalan, le Diccionari català-valencià-balear, et lourdement combattu par le catalanisme Ce mouvement continua longtemps la Renaixenssa, avec laquelle vers 1850-60 Frédéric Mistral et les Felibres nouaient des liens. Le développement du catalanisme impérialiste à partir de Prat de la Riba (fin du XIXe s.) a provoqué la fin de ces relations. Le système catalaniste en matière de langue est représenté par Pompèu Fabre : il préconise la création d’une orthographe rigide et imposée, un retour en arrière vers des formes souvent périmées. L’imposition du système linguistique catalaniste a été comparée par des catalans eux-mêmes à une tyrannie, et à une dictature linguistique.
    8. Le système linguistique occitan a été, par des moyens de propagande et non par la force politique directe, quasiment imposé dans les faits à des régions entières où se parle ou se parlait la langue d’oc. Le procédé a été moins violent qu’en Catalogne, mais comparable mutatis mutandis. Il s’est accompagné objectivement d’un recul de la langue dont les causes sont multiples, mais auquel il n'est pas étranger.
    9. On rappelle que le poète Frédéric Mistral et ses compagnons, formant le Félibrige en 1854 entendaient (et les Félibres entendent toujours) la langue d'oc comme une réalité objective à défendre et cultiver. Ils l'étudient et la pratiquent dans son état actuel moderne et au terme d'une évolution organique et historique. Ils demandent pour elle et pour la culture qu'elle représente une place digne et reconnue dans la richesse patrimoniale de la France. Ils ne l'utilisent pas pour une inutile revendication contre l'Histoire ni comme un prétexte à des revendications utopiques voire dangereuses.

          Henri Barthès

    Vous pouvez retrouver cette étude sur notre site avec une meilleure condition de lecture en cliquant ICI

  • Alain Finkrielkraut : Un "néo-réac" sous la Coupole

     

    Alain Finkielkraut a prononcé son discours de réception à l'Académie française (on dit son "remerciement"), où il avait été élu en avril 2014. On se souvient que cette élection avait été accompagnée des cris d'orfraie du petit monde médiatico-bobo, scandalisé de l’élection d’un pareil réactionnaire.

    D’une part elle nous a donné le plaisir d'assister à l'effondrement d'une pensée, et peut-être même d'un système qui ne séduit plus les esprits. Les mouvements de l'histoire sont toujours lents nous a appris Jacques Bainville, ceux de la pensée également. Mais l'Académie s'est une fois de plus honorée de résister au mauvais air du temps.

    D'autre part, le discours prononcé sous la coupole n'en fut pas moins éminent : "Le nationalisme, voilà l'ennemi : telle est la leçon que le nouvel esprit du temps a tirée de l'histoire, et me voici, pour ma part, accusé d'avoir trahi mon glorieux patronyme diasporique en rejoignant les rangs des gardes-frontières et des chantres de l'autochtonie. Mais tout se paie : ma trahison, murmure maintenant la rumeur, trouve à la fois son apothéose et son châtiment dans mon élection au fauteuil de Félicien Marceau. Les moins mal intentionnés eux-mêmes m'attendent au tournant et j'aggraverais mon cas si je décevais maintenant leur attente".

    Alors il a répondu à leur attente mais il les a déçus.

    Dans de nombreux ouvrages dont le très controversé L'identité malheureuse, Alain Finkielkraut n’a cessé de déplorer la disparition progressive de notre culture, notre langue, notre littérature, notre religion, nos traditions et tout simplement notre art de vivre, pour en arriver à l'être désincarné dont rêve tout dictateur, notamment le dictateur consumériste américain. Et de regretter que la France "semble glisser doucement dans l’oubli d’elle-même".

    "Notre héritage, qui ne fait certes pas de nous des êtres supérieurs, mérite d’être préservé, entretenu et transmis aussi bien aux autochtones qu’aux nouveaux arrivants. Reste à savoir, dans un monde qui remplace l’art de lire par l’interconnexion permanente et qui proscrit l’élitisme culturel au nom de l’égalité, s’il est encore possible d’hériter et de transmettre".

    Fils d'un juif déporté, son remerciement, au terme duquel il devait, selon une belle tradition, faire l'éloge de son prédécesseur, Félicien Marceau, homme de lettre belge, condamné par contumace à 15 ans de travaux forcés pour collaboration avec l'ennemi, condamnation qu'Alain Finkielkraut juge "exorbitante", était très attendu. « Il n'y a pas de hasard, pensent nos vigilants, et ils se frottent les mains, ils se lèchent les babines, ils se régalent à l'avance de cet édifiant spectacle ».

    Mais il eut été étonnant que Finkielkraut s'abaissât à un jeu malsain.

    Rappelant Richelieu, fondateur de l'Académie, il cite Pierre Gaxotte, l'historien de l'Action française, évoquant Briand : "Comme il nous hait ! Il nous en veut de tout et de rien, de notre ciel qui est bleu, de notre air qui est caressant, il en veut au paysan de marcher en sabots sur la terre française et de ne pas avoir eu d'ancêtres chameliers, errant dans le désert syriaque avec ses copains de Palestine". Il reprend Simone Weil (la philosophe, pas l'autre) et affirme, comme elle l'avait écrit dans L'enracinement, avoir été étreint par le "patriotisme de compassion" ... "non pas donc l'amour de la grandeur ou la fierté du pacte séculaire que la France aurait noué avec la liberté du monde, mais la tendresse pour une chose belle, précieuse, fragile et périssable. J'ai découvert que j'aimais la France le jour où j'ai pris conscience qu'elle aussi était mortelle, et que son "après" n'avait rien d'attrayant".

    Puis c’est tout en nuances qu’il analyse l’évolution intellectuelle de Louis Carette, le véritable nom de Félicien Marceau.

    Celui-ci occupait le poste de chef de section des actualités au sein de Radio-Bruxelles, placé sous le contrôle direct de l'occupant. Lorsque la connaissance des mesures prise contre les juifs commencent à se répandre, il écrit " Je puis concevoir la dureté. Je suis fermé à la démence. Je résolus de donner ma démission".

    "Ce geste ne lui est pas facile" commente Finkielkraut. "Deux hontes se disputent alors son âme : la honte en restant de collaborer avec un pouvoir criminel ; la honte, en prenant congé de laisser tomber ses collègues et de manquer ainsi aux lois non écrites de la camaraderie". Il explique longuement sa démarche, "révulsé par la guerre immonde qui suscite tout ce qu’il y a d’immonde dans le cœur déjà immonde des braillards" et rappelle que De Gaulle lui a accordé la nationalité française en 1959 et que Maurice Schumann a parrainé sa candidature à l’Académie française.

    Son discours stigmatise tous ceux qui, sans nuance mélangent les époques et les hommes pour ne juger qu'à l'aune d'un moment : "Aux ravages de l'analogie, s'ajoutent les méfaits de la simplification. Plus le temps passe, plus ce que cette époque avait d'incertain et de quotidien devient inintelligible. Rien ne reste de la zone grise, la mémoire dissipe le brouillard dans lequel vivaient les hommes, le roman national qui aime la clarté en toutes choses ne retient que les héros et les salauds, les chevaliers blancs et les âmes noires"…

    … "Car les hommes prennent pour l'être vrai le système formé par la rumeur, les préjugés, les lieux communs, les expressions toutes faites qui composent l'esprit du temps. Cartésiens et fiers de l'être, ils ont le cogito pour credo. « Je pense, donc je suis » disent-ils alors que, le plus souvent, au lieu de penser, ils suivent"

    "Les démocrates, les modernes que nous sommes, prétendent n'obéir qu'au commandement de leur propre raison, mais ils se soumettent en réalité aux décrets de l'opinion commune".

    Et de déclarer solennellement sous cette coupole, devant les représentants de l'intelligence et de la culture française, protecteurs de la langue :"Je ne me sens pas représenté mais trahi et même menacé par les justiciers présomptueux qui peuplent la scène intellectuelle"…

    Il analyse enfin longuement l'œuvre littéraire de Félicien Marceau : "Félicien Marceau appartient à cette période bénie de notre histoire littéraire, où les frontières entre les genres n'étaient pas encore étanches. Les auteurs les plus doués circulaient librement d'une forme à l'autre et savaient être, avec un égal bonheur, romanciers, essayistes, dramaturges".

    Sa conclusion résume, dans un magnifique raccourci, les pensées distillées quotidiennement par les penseurs-censeurs enfermés dans leurs certitudes, leurs caricatures et finalement leurs erreurs, grands prêtres satisfaits du penser correct :

    "C'est la mémoire devenue doxa, c'est la mémoire moutonnière, c'est la mémoire dogmatique et automatique des poses avantageuses, c'est la mémoire de l'estrade, c'est la mémoire revue, corrigée et recrachée par le Système. Ses adeptes si nombreux et si bruyants ne méditent pas la catastrophe, ils récitent leur catéchisme. Ils s'indignent de ce dont on s'indigne, ils se souviennent comme on se souvient".

    La place manque ici pour évoquer la magnifique réponse de Pierre Nora. Le directeur des Débats a rendu un hommage appuyé à Alain Finkielkraut après le départ de quelques grincheux. Dans Marianne (oui, oui Marianne !) Laurent Nunez se demande si ces "idiots" (sic) ont bien tout compris.

    Il entretient avec le nouvel académicien, dit-il, "une amitié distante" faite de "tout ce qui nous rapproche et nous réunit : une sensibilité attentive au contemporain, un judaïsme de génération et d’enracinement décalé, un souci de l’école et de la transmission, un rapport intense à la France, à sa culture, à sa langue, à son histoire.

    Il formule le même constat sur "la désintégration de l’ensemble national, historique et social et même sur le naufrage d’une culture dans laquelle nous avons tous les deux grandi".

    Mais :

    "À mon sens, le mal vient de plus loin, de la transformation douloureuse d’un type de nation à un autre que tout mon travail d’historien a cherché à analyser. Ses causes sont multiples et l’immigration me paraît avoir joué surtout un rôle d’accélérateur, de révélateur et de bouc émissaire. En un sens, je suis, en historien, encore plus pessimiste que vous. L’identité nationale, vous disais-je, serait peut-être aussi malheureuse s’il n’y avait pas un seul immigré, car le problème principal de la France ne me paraissait pas la puissance de l’Islam, mais la faiblesse de la République".

    Et pour finir :

    L’Académie française représente, sachez-le, le conservatoire et le condensé de tout ce qui vous tient le plus à cœur : une tradition historique vieille de près de quatre siècles, la défense de la langue dans son bon usage, le respect de la diversité des personnes dans l’unité d’un esprit de famille et le maintien, par-delà l’abîme de nos différences, d’une éternelle courtoisie. La Compagnie vous a ouvert les bras, vous allez connaître avec elle ce que c’est qu’une identité heureuse".

    Déception bien sûr de ceux qui attendaient une condamnation sans appel, sinon une exécution, de Félicien Marceau d'abord, d'Alain Finkielkraut ensuite. Aussitôt les écrans et les radios se sont fermés, les patrons de la pensée manipulée sont partis pratiquer leur terrorisme intellectuel sur une autre victime, la discrétion s'est abattue sur cette brillante entrée à l’Académie où, faut-il le rappeler, la famille d’Orléans a son siège attitré sous la coupole. Ce fut, pour l’occasion, une fille de feu le comte de Paris qu’une limousine noire aux vitres teintées a amenée jusqu’à la cour intérieure pour respecter cette règle multiséculaire. Il est plaisant de constater que l'Académie n'entend pas rompre le fil de l'histoire.

    Henri Bec