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Politique extérieure - Page 3

  • Andreï Makine: «Cracher sur la Russie n'aidera pas les Ukrainiens »

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    Andréï Makine est membre de l’Académie française où il a été élu en 2016. D’origine russe, né le 10 septembre 1957 à Krasnoïarsk, il obtient la nationalité française en 1996 après avoir été lauréat du prix Goncourt, Goncourt des lycéens et Médicis pour son roman Le Testament français.

    L’entretien qu’il a accordé au Figaro Vox est remarquable à plusieurs titres et nous évade de la médiocrité ambiante sur le sujet. À lire.

    FIGAROVOX. – En tant qu’écrivain d’origine russe, que vous inspire cette guerre ?

    Andreï MAKINE. – Pour moi, elle était impensable. J’ai en tête les visages de mes amis ukrainiens à Moscou, que je voyais avant tout comme des amis, pas comme des Ukrainiens. Le visage de leurs enfants et de leurs petits-enfants, qui sont dans ce chaudron guerrier. Je plains les Ukrainiens qui meurent sous les bombes, tout comme les jeunes soldats russes engagés dans cette guerre fratricide. Le sort du peuple qui souffre m’importe davantage que celui des élites. Comme le disait Paul Valéry, "la guerre, ce sont des hommes qui ne se connaissant pas et qui se massacrent au profit d’hommes qui se connaissent et ne se massacrent pas".

    Une partie de la presse vous qualifie d’écrivain pro-Poutine. L’êtes-vous ?

    C’est une journaliste de l’AFP qui m’a collé cette étiquette il y a une vingtaine d’années. C’était juste après le départ de Boris Eltsine dont le bilan était catastrophique pour la Russie. Je lui avais expliqué que Eltsine, dans un état d’ébriété permanent, avec la responsabilité du bouton atomique, représentait un vrai danger. Et que j’espérais que la Russie pourrait devenir un peu plus rationnelle et pragmatique à l’avenir. Mais elle a titré : "Makine défend le pragmatisme de Poutine". Comme c’était une dépêche de l’AFP, cela a été repris partout. Et lorsque je suis entré à l’Académie, un grand hebdo, dont par charité je tairai le nom, a, à son tour, titré : "Makine, un Poutinien à l’Académie"… Cela en dit long sur le monde de mensonge dans lequel nous vivons.

    Vous condamnez l’intervention russe…

    Mon opposition à cette guerre, à toutes les guerres, ne doit pas devenir une sorte de mantra, un certificat de civisme pour les intellectuels en mal de publicité, qui tous cherchent l’onction de la doxa moralisatrice. À force de répéter des évidences, on ne propose absolument rien et on en reste à une vision manichéenne qui empêche tout débat et toute compréhension de cette tragédie. On peut dénoncer la décision de Vladimir Poutine, cracher sur la Russie, mais cela ne résoudra rien, n’aidera pas les Ukrainiens.

    Pour pouvoir arrêter cette guerre, il faut comprendre les antécédents qui l’ont rendue possible. La guerre dans le Donbass dure depuis huit ans et a fait 13 000 morts, et autant de blessés, y compris des enfants. Je regrette le silence politique et médiatique qui l’entoure, l’indifférence à l’égard des morts dès lors qu’ils sont russophones. Dire cela, ne signifie pas justifier la politique de Vladimir Poutine. De même que s’interroger sur le rôle belliciste des États-Unis, présents à tous les étages de la gouvernance ukrainienne avant et pendant la "révolution du Maïdan", n’équivaut pas à dédouaner le maître du Kremlin. Enfin, il faut garder à l’esprit le précédent constitué par le bombardement de Belgrade et la destruction de la Serbie par l’Otan en 1999 sans avoir obtenu l’approbation du Conseil de sécurité des Nations unies. Pour la Russie, cela a été vécu comme une humiliation et un exemple à retenir. La guerre du Kosovo a marqué la mémoire nationale russe et ses dirigeants.

    Lorsque Vladimir Poutine affirme que la Russie est menacée, ce n’est pas un "prétexte" : à tort ou à raison, les Russes se sentent réellement assiégés, et cela découle de cette histoire, ainsi que des interventions militaires en Afghanistan, en Irak et en Libye. Une conversation rapportée entre Poutine et le président du Kazakhstan résume tout. Ce dernier tente de convaincre Poutine que l’installation de bases américaines sur son territoire ne représenterait pas une menace pour la Russie, qui pourrait s’entendre avec les États-Unis. Avec un petit sourire triste, Poutine répond : "C’est exactement ce que disait Saddam Hussein ! ".

    Encore une fois, je ne légitime en aucune manière la guerre, mais l’important n’est pas ce que je pense, ni ce que nous pensons. En Europe, nous sommes tous contre cette guerre. Mais il faut comprendre ce que pense Poutine, et surtout ce que pensent les Russes, ou du moins une grande partie d’entre eux.

    Vous présentez la guerre de Poutine comme une conséquence de la politique occidentale. Mais le président russe ne nourrit-il pas une revanche contre l’Occident depuis toujours ?

    J’ai vu Vladimir Poutine en 2001, peu après sa première élection. C’était un autre homme avec une voix presque timide. Il cherchait la compréhension des pays démocratiques. Je ne crois pas du tout qu’il ait eu déjà en tête un projet impérialiste, comme on le prétend aujourd’hui. Je le vois davantage comme un réactif que comme un idéologue. À cette époque-là, le but du gouvernement russe était de s’arrimer au monde occidental. Il est idiot de croire que les Russes ont une nostalgie démesurée du goulag et du Politburo. Ils ont peut-être la nostalgie de la sécurité économique, de l’absence de chômage. De l’entente entre les peuples aussi : à l’université de Moscou, personne ne faisait la différence entre les étudiants russes, ukrainiens et ceux des autres républiques soviétiques… Il y a eu une lune de miel entre la Russie et l’Europe, entre Poutine et l’Europe avant que le président russe ne prenne la posture de l’amant trahi. En 2001, Poutine est le premier chef d’État à proposer son aide à George W. Bush après les attentats du 11 septembre. Via ses bases en Asie centrale, la Russie facilite alors les opérations américaines dans cette région. Mais, en 2002, les États-Unis sortent du traité ABM, qui limitait l’installation de boucliers antimissiles. La Russie proteste contre cette décision qui ne peut, d’après elle, que relancer la course aux armements. En 2003, les Américains annoncent une réorganisation de leurs forces, en direction de l’Est européen.

    Poutine s’est durci à partir de 2004 lorsque les pays anciennement socialistes ont intégré l’Otan avant même d’intégrer l’Union européenne, comme s’il fallait devenir anti-russe pour être Européen. Il a compris que l’Europe était vassalisée par les États-Unis. Puis il y a eu un véritable tournant en 2007 lorsqu’il a prononcé un discours à Munich en accusant les Américains de conserver les structures de l’Otan qui n’avaient plus lieu d’être et de vouloir un monde unipolaire. Or, en 2021, lorsqu’il arrive au pouvoir, Joe Biden ne dit pas autre chose lorsqu’il déclare que "l’Amérique va de nouveau régir le monde".

    On a le sentiment que vous renvoyez dos à dos les Occidentaux et les Russes. Dans cette guerre, c’est bien la Russie l’agresseur…

    Je ne les renvoie pas dos à dos. Mais je regrette que l’on oppose une propagande européenne à une propagande russe. C’est, au contraire, le moment pour l’Europe de montrer sa différence, d’imposer un journalisme pluraliste qui ouvre le débat. Lorsque j’étais enfant dans la Russie soviétique et qu’il n’y avait que la Pravda, je rêvais de la France pour la liberté d’expression, la liberté de la presse, la possibilité de lire différentes opinions dans différents journaux. La guerre porte un coup terrible à la liberté d’expression : en Russie, ce qui n’est guère surprenant, mais aussi en Occident. On dit que "la première victime de la guerre est toujours la vérité". C’est juste, mais j’aurais aimé que ce ne soit pas le cas en Europe, en France.

    De mon point de vue, la fermeture de la chaîne RT France par Ursula von der Leyen, présidente non élue de la Commission européenne, est une erreur qui sera fatalement perçue par l’opinion comme une censure. Comment ne pas être révolté par la déprogrammation du Bolchoï de l’Opéra Royal de Londres, l’annulation d’un cours consacré à Dostoïevski à Milan ? Comment peut-on prétendre défendre la démocratie en censurant des chaînes de télévision, des artistes, des livres ? C’est le meilleur moyen, pour les Européens, de nourrir le nationalisme russe, d’obtenir le résultat inverse de celui escompté. Il faudrait au contraire s’ouvrir à la Russie, notamment par le biais des Russes qui vivent en Europe et qui sont de manière évidente pro-européens. Comme le disait justement Dostoïevski : "chaque pierre dans cette Europe nous est chère".

    La propagande russe paraît tout de même délirante lorsque Poutine parle de « dénazification » …

    Le bataillon Azov, qui a repris la ville de Marioupol aux séparatistes en 2014, et qui depuis a été incorporé à l’armée régulière, revendique son idéologie néo-nazie et porte des casques et des insignes ayant pour emblème le symbole SS et la croix gammée. Il est évident que cette présence reste marginale et que l’État ukrainien n’est pas nazi, et ne voue pas un culte inconditionnel à Stepan Bandera. Mais des journalistes occidentaux auraient dû enquêter sérieusement sur cette influence et l’Europe condamner la présence d’emblèmes nazis sur son territoire. Il faut comprendre que cela ravive chez les Russes le souvenir de la Seconde guerre mondiale et des commandos ukrainiens ralliés à Hitler, et que cela donne du crédit, à leurs yeux, à la propagande du Kremlin.

    Au-delà du débat sur les causes et les responsabilités de chacun dans la guerre, que pensez-vous de la réponse européenne ?

    Bruno Le Maire a été critiqué pour avoir parlé de guerre totale, mais il a eu le mérite de dire la vérité et d’annoncer la couleur, loin de l’hypocrisie de ceux qui envoient des armes et des mercenaires et entendent ruiner l’économie russe, mais prétendent qu’ils ne font pas la guerre. En vérité, il s’agit bien de provoquer l’effondrement de la Russie, l’appauvrissement de son peuple. Il faut le dire clairement : l’Occident est en guerre contre la Russie.

    Cependant, s’il y a un aspect positif pour la possible démocratisation de la Russie, c’est que l’on va anéantir la construction oligarchique qui est une vraie tumeur depuis les années 90. J’invite les dirigeants européens à exproprier les oligarques prédateurs, à confisquer ces milliards de roubles volés et investis à Londres et, plutôt que de les bloquer comme on le fait aujourd’hui, à les donner aux pauvres en Europe et en Russie.

    Que peut-on faire d’autre ?

    Pour cesser les hostilités, pour donner un avenir à l’Ukraine, on pense toujours qu’il faut avancer ; parfois il faut, au contraire, reculer. Il faut dire : "on s’est trompé". En 1992, après la chute du mur de Berlin, nous nous trouvions à une bifurcation. Nous nous sommes trompés de chemin. Je pensais alors véritablement qu’il n’y aurait plus de blocs, que l’Otan allait être dissoute car l’Amérique n’avait plus d’ennemi, que nous allions former un grand continent pacifique. Mais je pressentais aussi que cela allait exploser car il y avait déjà des tensions : dans le Caucase, en Arménie dans le Haut-Karabakh… À l’époque, j’avais écrit une lettre à François Mitterrand.

    Quel était le contenu de cette lettre ?

    J’ignore s’il l’a reçue, mais j’évoquais la construction d’une Europe qui n’avait rien à voir avec le monstre bureaucratique représenté aujourd’hui par Madame von der Leyen. Je rêvais d’une Europe respectueuse des identités, à l’image de la Mitteleuropa de Zweig et de Rilke. Une Europe finalement plus puissante car plus souple, à laquelle on aurait pu adjoindre l’Ukraine, les Pays Baltes et pourquoi pas la Biélorussie. Mais une Europe sans armes, sans blocs militaires, une Europe composée de sanctuaires de la paix. Les deux garants de cette architecture auraient été la France et la Russie, deux puissances nucléaires situées aux deux extrémités de l’Europe, chargées légalement par l’ONU de protéger cet ensemble.

    Est-ce réaliste ?

    La Mitteleuropa n’est pas une utopie, elle a existé. Je veux y croire et marteler cette idée. Il y a quelques années, j’ai rencontré Jacques Chirac puis Dominique de Villepin, qui partageaient cette vision d’une Europe de Paris à Saint-Pétersbourg. Mais les Américains en ont décidé autrement. Cela aurait signifié la fin de l’Otan, la fin de la militarisation de l’Europe qui, appuyée sur la Russie et ses richesses, serait devenue trop puissante et indépendante. J’espère tout de même qu’un nouveau président s’emparera de cette idée. L’Europe est un Titanic qui sombre et d’un pont à l’autre, on se bat.

    Cette situation est tellement tragique, tellement chaotique, qu’il faudrait proposer une solution radicale, c’est-à-dire revenir à la bifurcation de 1992 et reconnaître qu’il ne fallait pas relancer la course aux armements, reprendre cette direction démocratique et pacifique qui pouvait très bien inclure la Russie. Cela damnerait le pion aux tendances extrêmes en Russie. Cela éviterait l’effondrement politique et économique qui concerne toute la planète. Ce serait une issue honorable pour tout le monde et cela permettrait de construire une Europe de la paix, des intellectuels, de la culture. Notre continent est un trésor vivant, il faut le protéger. Hélas, on préfère prendre le contre-pied de cette proposition : bannir Dostoïevski et faire la guerre. C’est la destruction garantie car il n’y aura pas de vainqueur.  

    Alexandre Devecchio

  • L’acte d’accusation de John Durham expose l’ampleur de la corruption et de la dépravation des Clinton et de Washington

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    Le degré de corruption des Clinton et de la Fondation Clinton, les mensonges de Bill Clinton, Hillary les porte sur le visage, et les Américains ne s’y sont pas trompés en rejetant cette candidate présidentielle.

    Pendant des mois, Donald Trump a répété : « où est le rapport Durham ? », pensant, comme beaucoup d’Américains modérés, qu’il avait été enterré par l’administration Biden. Apparemment non. Et le dernier acte d’accusation déposé par l’avocat spécial John Durham expose une ampleur et une dépravation de la corruption de Washington, ce que Trump appelle le « marécage », le Deep State, qui est honteuse et dangereuse même pour les Clinton.

    - Le premier acte de Durham a été la condamnation de l’ex-avocat du FBI Kevin Clinesmith. Le pays a alors mieux compris que tous les contrôles que notre gouvernement fédéral a essayé d’imposer à l’État profond ne fonctionnent tout simplement pas parce que les contrôleurs font partie de la corruption, ils font partie du problème, du Deep State. C’est comme demander au gouvernement mexicain de lutter contre les cartels qui les financent, les font élire, les protègent, et les assassinent s’ils dévient.

    - Durh am a prouvé que Clinesmith avait truqué des demandes de mandat auprès de la Foreign Intelligence Surveillance Courtou FISA, sur la base du faux dossier Steele, pour obtenir la permission d’espionner la campagne de Donald Trump – la même affaire que le Watergate en plus grave (enfin, plus grave si l’espionné avait été démocrate). D’autres étaient coupables, y compris le directeur du FBI de l’époque, licencié par Trump.

    - Carter Page, l’un des conseillers en politique étrangère du président Donald Trump a donc été mis sur écoute pendant que les médias hurlaient qu’il ne fallait pas employer le mot « espionner » parce que c’était conspirationniste. Ce qu’ils voulaient dire surtout, c’est que des Démocrates ne peuvent rien faire de mal, et que s’ils font tout de même quelque chose de mal, c’est accidentellement, sans intention maligne, et qu’il faut les excuser et les comprendre.

    Cet abus manifeste a suscité des appels au Congrès pour réformer la loi sur la surveillance du renseignement étranger – qui n’a pas eu lieu, de la même manière que le Congrès n’a jamais poursuivi les Démocrates et anti-Trump qui ont menti sous serment devant lui.

    Le nouvel acte d’accusation de Durham qui vient de tomber concerne un autre bouc-émissaire (les têtes seront épargnées). Il s’agit d’un avocat de premier plan, avocat du Comité national démocrate (DNC), d’une grosse entreprise de BigTech, et tenez-vous bien, de la Fondation Clinton, Michael Sussmann. Ce dernier a fait passer une information inventée de toutes pièces alléguant que les communications informatiques entre un serveur de l’Alfa Bank en Russie et la Trump Tower à New York cachaient un système secret de communication permettant à Trump et Vladimir Poutine de voler l’élection de 2016.

    L’affaire

    Un client de Sussmann, haut-cadre d’une entreprise de BigTech – nous l’appellerons Monsieur E.S., a approché Sussmann en juillet 2016, affirmant qu’il avait des informations qui pourraient aider à fabriquer un « récit » de collusion de Trump avec la Russie.

    Le dirigeant de Bigtech en question est un Démocrate. Dans un email, il a déclaré qu’il souhaitait la victoire d’Hillary Clinton à la présidence parce qu’elle lui donnerait le poste le plus important de la nation en matière de cybersécurité. On est au milieu du marais puant.

    Il a ensuite utilisé ses relations pour obtenir, d’une entreprise qui aide le gouvernement fédéral en matière de cybersécurité, des données Internet non publiques concernant Trump et six de ses associés.

    Les employés de monsieur E.S. l’ont mis en garde que les fausses données censées relier Trump à une banque russe « ne passeraient pas », elles étaient trop cousues de fil blanc. Mais Sussmann les a néanmoins transmises à l’avocat général du FBI de l’époque, James Baker, même après que l’équipe d’experts en informatique ait averti que cette théorie était un « faux », selon l’acte d’accusation. Puis Sussmann a transmis le faux document aux médias pour construire le récit selon lequel Trump était de connivence avec Moscou.

    Pour situer le niveau, Sussmann est aussi l’avocat qui a travaillé avec le FBI lors de son enquête sur le soi-disant piratage des serveurs du DNC par les Russes, suite aux fuites d’email très compromettant de John Podesta, le conseiller principal de la campagne d’Hillary Clinton. Souvenez-vous que le DNC n’a jamais autorisé le FBI a inspecter les serveurs en question, et que la preuve que la Russie ait piraté leurs serveurs n’a jamais été apportée – il fallait juste les croire sur parole.

    Sussmann a donc déclaré au FBI qu’il disposait des informations montrant un lien entre Trump et une banque russe. Au cours de la réunion, M. Sussmann a menti au FBI et dit « qu’il transmettait ces informations simplement en tant que citoyen inquiet et qu’il ne travaillait pas pour le compte d’un client ». Il a également affirmé que des experts en cybersécurité l’avaient contacté au sujet d’un lien possible entre Trump et une banque russe, mais il n’a jamais mentionné la véritable source des données, Monsieur E.S., ni évidemment précisé que les informations étaient fausses.

    Comme nous le savons maintenant – nous l’ignorions à l’époque – le FBI est très corrompu et il a été infiltré par le parti Démocrate et le Deep State. Les « informations » de Sussmann – en réalité des mensonges destinés à faire tomber Trump – sont tombées dans des oreilles bienveillantes.

    Pendant tout ce temps, je veux dire, pendant qu’il disait au FBI qu’il ne travaillait pour le compte de personne, Sussmann facturait la campagne d’Hillary Clinton pour ses rendez-vous avec Monsieur E.S., pour ses rendez-vous avec le FBI, et pour fuiter à la presse ces Fake News. Autrement dit, il travaillait pour Hillary. On ne sait pas à ce stade et de façon formelle si elle donnait les ordres, ou si elle était seulement informée de ce qui se passait et validait les étapes. Dans tous les cas, elle y est jusqu’aux oreilles. Mais le marécage la protège parce qu’elle a probablement des montagnes d’informations sales sur tout le monde. Quand on parle du marécage ou du Deep State, ce qu’on dit en réalité c’est que tout le monde étant corrompu, tout le monde tient tout le monde, et tout le monde a intérêt à ce que ça dure. Et Trump est arrivé dans ce puant environnement qui détruit à la classe moyenne américaine.

    Si le FBI avait su que Sussmann l’avait contacté au nom de la campagne de Clinton dans le seul but de salir la réputation de son rival politique et le faire échouer aux élections, il n’aurait peut-être jamais ouvert d’enquête. Mais comme Sussmann est un Démocrate, que Trump avait promis de nettoyer le marécage et la corruption de Washington, qu’il représentait un danger certain pour le Deep State, du fait qu’il ne faisait pas partie de l’establishment corrompu, le FBI n’a pas cherché à savoir si Sussmann mentait sur ses motivations, et James Comey, directeur du FBI de l’époque, a ouvert une enquête.

    L’inspecteur général du ministère de la Justice conclura en 2019 que le lien entre Trump et les banques russes était une pure fiction, que la collusion entre Trump et la Russie n’avait jamais existé. L’enquêteur spécial Mueller était pourtant très corrompu – il ne fouilla jamais du côté des Démocrates – mais il conclut tout de même que les accusations contre Trump étaient infondées, y compris celles d’obstruction à la Justice.

    Mais Sussmann avait bien fait son travail auprès des médias. Avec ses fausses informations, ils ont consciencieusement et soigneusement joué leur rôle dans la création de la collusion de Trump avec la Russie, qui, avec l’enquête Mueller, a plombé la majeure partie de la présidence Trump. Malgré les conclusions des enquêtes, ils continuent d’ailleurs d’accuser Trump.

    Ne nous trompons pas : la dynastie Clinton et son influence sur le parti Démocrate a son pendant à droite avec la dynastie Bush. Les deux se sont effritées sous les coups de Donald Trump, mais le parti Démocrate n’a pas « son Trump » engagé dans la lutte contre la corruption de l’appareil politique du DNC et du marécage. Les électeurs Démocrates honnêtes n’ont pas de quoi en être fier.

    Durham va inculper d’autres personnes. Pas les têtes. Le rôle de BigTech dans la fabrication du récit de collusion a été assez peu évoqué durant les années Trump et pendant l’enquête de Mueller. Le récit de la collusion russe a été inventé de toutes pièces, et le Congrès ne semble pas du tout prêt à contrôler les informations auxquelles Big Tech a accès ni sa politique de censure de la droite. Si le GOP reprend la majorité aux deux chambres en 2022, je ne suis pas même certain qu’ils agiront dans ce sens : les Républicains, hélas, n’ont aucune colonne vertébrale.

    Le représentant Devin Nunes (R-Calif.), qui a joué un rôle essentiel en tant que président de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants dans le démantèlement du faux récit de collusion avec la Russie, a déclaré que l’acte d’accusation de Durham ajoutait une dernière pièce à la machine Clinton qui a élaboré le sale coup.

    « L’acte d’accusation est accablant, plein de détails choquants montrent comment les agents et les avocats de la campagne Clinton ont eu recours à des méthodes illégales et immorales pour concocter de fausses allégations contre la campagne Trump et les transmettre au FBI et aux médias ».

    Les médias américains sont restés discrets sur les conclusions de l’enquête Durham.

    Les médias français, qui ont martelé l’affaire de collusion pendant quatre ans, ne sont absolument pas intéressés à publier des faits, ils n’aiment que les ragots. Ils ont adoré publié les accusations infondées contre Trump, ils détestent publier les résultats factuels des enquêtes qui exposent les coupables, des gens qu’ils aiment. Pourquoi informer les Français, se disent-ils.

    © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

  • Vous appelez ça "les traiter comme des chiens ?"

    Bon résumé de la mission  de la France en Algérie, à rebours de ce que nos chaines de radio et de de télévision déversent dans les esprits depuis tant d'années. Il serait temps de se montrer fier du travail accompli. Les injures d'Emmanuel Macron sur ce sujet (et d'autres) sont indignes d'un chef d'État. 

     

    Cliquez sur la carte pour écouter cette mise au point de 2 mn. :

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  • La Pologne tient tête à Bruxelles, qui n’en revient pas !

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    C’est une déconvenue pour Bruxelles, c’est peut-être aussi une nouvelle page qui s’ouvre dans les rapports des nations avec l’Union Européenne, et ce grâce à l’attitude souveraine de la Pologne. Des injonctions et des menaces constantes de la Commission européenne pour l’obliger à adopter notamment les « valeurs » arc-en-ciel, la Pologne s’est libérée d’un seul coup. Grâce à un arrêt rendu par la plus haute juridiction polonaise en faveur de la primauté du droit national sur le droit communautaire qui met en rage Bruxelles.

    La Cour constitutionnelle polonaise a jugé « incompatible » l’interprétation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de certains articles des traités européens avec la Constitution du pays puisque « parmi les compétences transférées de la Pologne à l’UE, il n’y a aucune compétence relative à la création ou à l’organisation ou au système judiciaire ». Dans cet arrêt rendu le 7 octobre, la juridiction polonaise accuse la CJUE de saper la souveraineté de l’État et fait donc prévaloir la primauté du droit national sur le droit européen. La primauté du droit communautaire n’est plus inconditionnelle en Pologne, et est plutôt strictement limitée aux pouvoirs délégués à l’UE. Dans le même temps, le Tribunal constitutionnel polonais a contesté le principe de coopération sincère et sincère.

    En outre, si l’ « activisme progressiste » de la Cour de justice de l’UE devait se poursuivre, en émettant des arrêts qui relèvent de la compétence exclusive des organes de l’État polonais, en sapant la primauté de la Constitution en tant qu’acte juridique de rang supérieur dans l’ordre polonais, en remettant en cause la validité universelle et la finalité des arrêts du Tribunal, ainsi que le statut des juges du Tribunal, la Cour constitutionnelle polonaise interviendra pour supprimer les décisions de la Cour européenne du système législatif polonais.

    La décision de la Cour constitutionnelle, sur la primauté ou non de la Constitution polonaise sur les normes et décisions européennes, a été demandée par le Premier ministre Mateusz Morawiecki en mars dernier. Pour le ministre de la Justice et leader de Solidarność Pologne, Zbigniew Ziobro, « le Tribunal constitutionnel a mis un frein à l’anarchisation du système judiciaire et de l’État tout entier et a confirmé la primauté de la Constitution polonaise sur le droit communautaire ».

    Cette décision a fait l’effet d’une bombe. Bruxelles a déjà brandi la menace de ne pas verser à Varsovie les fonds prévus dans le cadre du plan de relance et le mot « Polexit » a été lâché sans que cela ne fasse reculer le moins du monde la Pologne qui tient fièrement tête aux technocrates bruxellois.

    Francesca de Villasmundo

    Médias-presse info

  • Élites dirigeants algériennes : une fausse histoire

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    Ce qu’a déclaré le président français, Emmanuel Macron, est un coup porté au cœur même de la fausse identité algérienne fabriquée par le FLN depuis 1962.

     

    Par Bernard Lugan

    B. Lugan.jpgLe 2 octobre dernier, Alger a rappelé en consultation son ambassadeur à Paris, avant de décider de fermer son espace aérien aux avions militaires français ravitaillant Barkhane. La raison?

    Le président Macron qui, depuis le début de son quinquennat n’a cessé de donner des gages mémoriels à l’Algérie, accumulant les concessions gratuites, et qui, en échange, espérait naïvement une «pacification des mémoires», a été très mal payé en retour, les autorités algériennes n’ayant cessé de faire du maximalisme.

    Voyant dans les ouvertures et les concessions françaises une reconnaissance de «culpabilité», elles ont, comme l’on dit vulgairement «poussé le bouchon trop loin», exigeant toujours plus de la  France. Cela a fini par «agacer» les autorités françaises, poussées par une opinion publique qui ne veut plus entendre parler de repentance.

    En plus de cela, la France qui accorde chaque année des centaines de milliers de visas aux Algériens, se heurte au refus obstiné d’Alger de simplement récupérer ses ressortissants déboutés du droit d’asile ou condamnés de droit commun. Or, là encore, l’opinion française est à bout et la course électorale présidentielle qui a démarré va se faire sur la question la défense de l’identité nationale, de la fin de l’immigration incontrôlée et de la sécurité.

    Voilà pourquoi, considérant que la «coupe est pleine», le président Macron a décidé d’adresser un message très clair au «Système» algérien à travers des propos non démentis, rapportés par le journal Le Monde.

    Or, ce qu’a déclaré le président français est un coup terrible porté au cœur même de la fausse identité algérienne fabriquée par le FLN depuis 1962.

    Trois points de la déclaration présidentielle française ont particulièrement ulcéré les dirigeants algériens:

    1-Le «Système» à bout de souffle qui dirige l’Algérie survit grâce à «une rente mémorielle» entretenue par une fausse histoire.

    2-La question de l’existence de la nation algérienne peut être posée puisque le pays est directement passé de la colonisation turque à la colonisation française.

    3-Pourquoi les dirigeants algériens dénoncent-ils toujours les 132 ans de colonisation française et jamais les 276 ans de colonisation turque?

    Ces trois questions brisant le tabou mémoriel algérien, les dirigeants d’Alger ont donc immédiatement réagi.

    Dans l’une de mes premières chroniques, je posais la question de savoir pourquoi Bougie et Tlemcen n’ont pas créé l’Algérie alors que Fès et Marrakech ont fondé le Maroc?

    À travers cette interrogation, nous sommes en effet là face à la grande question posée par le président Macron. Une question qui hante les dirigeants d’Alger car, comme l’a dit l'historien algérien Mohamed Harbi : «l’histoire est l’enfer et le paradis des Algériens».

    Mohamed Harbi a raison. Cette histoire à laquelle le «Système» algérien s’accroche à travers un nationalisme pointilleux est effectivement un «Enfer» car elle montre que l’Algérie n’a jamais existé. D’où un complexe existentiel rendant impossible toute analyse rationnelle. 

    Mais cette histoire est également «Paradis», parce que, pour oublier cet «Enfer», les élites dirigeantes algériennes ont fabriqué une fausse histoire valorisante à laquelle elles sont condamnées à faire semblant de croire…

    D’où cet énorme tabou historique qui interdit aux Algériens de simplement se demander pourquoi, alors que, depuis Fès et Marrakech les Almoravides, les Almohades, les Mérinides, les Saadiens et les Alaouites, développèrent des empires s’étendant à certaines époques sur tout le Maghreb, l’Espagne et jusqu’à Tombouctou, Tlemcen et Bougie ne dépassèrent quant à elles pas le stade de principautés, certes brillantes, mais qui n’eurent pas de prolongements étatiques modernes?

    La réponse est claire: parce que, jusqu’à la colonisation turque, Bougie vécut au rythme des hauts et des bas de Tunis. Quant à Tlemcen, durant près de huit siècles, de 790 à la colonisation turque qui débuta en 1554, elle fut, sauf durant quelques décennies à la fin du XIVe siècle et au début du XVe, quasi-constamment sous influence ou sous domination marocaine.

    Là est le non-dit d’ordre psychanalytique sur lequel repose toute la diplomatie algérienne et sur lequel ont buté toutes les tentatives d’union du Maghreb.

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  • Macron demande l’annulation de la dette de l’Afrique ! Lisez le commentaire de Bernard Lugan

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    Lugan.jpgLe président Macron appelle à effacer la dette africaine, étape selon lui « indispensable pour aider le continent africain à travers la crise du coronavirus ». Les PME, les TPE, les professions libérales et les commerçants français qui vont, eux, devoir rembourser  les emprunts qu’ils vont être contraints de faire pour tenter de survivre, apprécieront !

    Trois remarques :

    1) Si une telle mesure était réellement prise pour aider l’Afrique à lutter contre la pandémie, l’on pourrait la juger comme légitime. Mais, au moment où cette unilatérale proposition présidentielle était faite, et fort heureusement, le continent africain était quasiment épargné par le coronavirus.

    2) Depuis des décennies, les pays "riches" ne cessent de consentir à l’Afrique des allègements et des suppressions de dette. Au début des années 2000, les PPTE (Pays pauvres très endettés) ont ainsi bénéficié de considérables remises par les créanciers bilatéraux. Or, à peine sauvés du gouffre de l’endettement, ils y ont replongé...

    3) En plus des remises de dette, l’Afrique engloutit année après année, des sommes colossales versées au titre de l'APD (Aide pour le Développement). De 1960 à 2018, le continent a ainsi reçu en dons, au seul titre de l'APD, près de 2000 milliards de dollars (pour une dette d’environ 400 milliards de dollars dont entre 180 et 200 milliards de dollars de dette chinoise), soit en moyenne 35 milliards de dollars par an.

    En dollars constants, le continent a donc reçu plusieurs dizaines de fois plus que l’Europe du lendemain de la guerre avec le plan Marshall. Or, ces prêts, ces allègements de dette, ces aides et ces dons n’ont servi à rien car, en plus de sa suicidaire démographie, le continent est paralysé par son immobilisme. En effet, en dehors du don de la nature constitué par le pétrole et les minerais contenus dans son sous-sol, l’Afrique ne produit rien, sa part de la valeur ajoutée mondiale dans l’industrie manufacturière est en effet de moins de 2% dont les 9/10e sont réalisés par deux pays sur 52, l’Afrique du Sud et l’Egypte…

    L’annulation de la dette proposée par le président Macron ne changera donc rien à cet état des lieux. D'autant plus que la Chine, prédatrice souriante, est désormais à la manœuvre. Mue par le seul moteur du profit, elle endette chaque jour un peu plus le continent à travers des prêts généreusement octroyés.

    Ces derniers font replonger les pays bénéficiaires dans la spirale de l’endettement dont ils commençaient tout juste à sortir après les considérables allègements consentis dans les années 2000 aux PPTE par les Occidentaux. Comme ces prêts ne pourront jamais être remboursés, Pékin va mettre la main sur les grandes infrastructures données en garantie par ses débiteurs. Ainsi en Zambie où le gouvernement, après avoir été contraint de céder à la Chine la ZNBC, la société radio-télévision, s’est vu contraint d’engager des discussions de cession concernant l’aéroport de Lusaka et la ZESCO, la société  nationale d’électricité.

    Morale de l’histoire : quand la Chine endette l’Afrique, la France propose de renoncer à sa propre créance…

    * Bernard Lugan est un spécialiste reconnu de l'Afrique et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet.

    Source : le blog de Bernard Lugan cliquez ici

  • Une analyse motivée des élections américaines par le professeur Édouard Husson

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    Beaucoup a été dit, est dit et ne manquera pas de faire l'objet de commentaires plus ou moins bien motivés ou justifiés. La chaîne TV Libertés a entendu le professeur Édouard Husson, chroniqueur pour Atlantico et spécialiste de l'Amérique.

    Donald Trump ne s'avoue pas vaincu même s'il a autorisé la mise en œuvre de la transition avec l'équipe Biden. À voir...

    Pour écouter, cliquez  ICI

  • « Congo : les regrettables « regrets » du roi des Belges »

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    Par Bernard Lugan

    Lugan1.jpg« Le mardi 30 juin 2020, pliant à son tour sous l’air du temps, le roi des Belges a présenté « ses plus profonds regrets pour les blessures infligées lors de la période coloniale belge au Congo ».
    Des « regrets » qui n’avaient pas lieu d’être.

    Pour au moins quatre  raisons principales :

    1) En 1885 quand fut internationalement reconnu l’État indépendant du Congo (EIC), les esclavagistes zanzibarites dépeuplaient tout l’est du pays. Ayant largement franchi le fleuve Congo, ils étaient présents le long de la Lualaba, de l’Uélé, dans le bassin de la Lomami, un des affluents majeurs du Congo, et ils avaient quasiment atteint la rivière Mongala.
    Dans cette immense région, de 1890 à 1896, au péril de leur vie, de courageux belges menèrent la « campagne antiesclavagiste ». Au lieu de lassantes et injustifiables excuses, c’est tout au contraire la mémoire de ces hommes que le roi des Belges devrait célébrer.
    Parmi eux, les capitaines Francis Dhanis, Oscar Michaux, van Kerckhoven, Pierre Ponthier, Alphonse Jacques, Cyriaque Gillain, Louis Napoléon Chaltin, Nicolas Tobback et bien d’autres. Pour avoir voulu arracher les malheureux noirs aux esclavagistes musulmans venus de Zanzibar et de la péninsule arabe, Arthur Hodister et ses compagnons ainsi que le lieutenant Joseph Lippens et le sergent Henri De Bruyne furent massacrés. Les deux derniers eurent auparavant  les mains et les pieds coupés par les esclavagistes. Leurs statues vont-elles être déboulonnées ? Probablement, tant l’ethno-masochisme des Européens semble être sans limites.

    2) Dans le Congo belge les services publics fonctionnaient et des voies de communication avaient été créées à partir du néant, tant pour ce qui était de la navigation fluviale, que des voies ferrées, des aérodromes ou des ports. Quant au réseau routier, il était exceptionnellement dense, des pistes parfaitement entretenues permettant de traverser le pays d’ouest en est et du nord au sud en toutes saisons. Après l’indépendance, ces voies de communication disparurent, littéralement « mangées » par la brousse ou la forêt.

    3) La Belgique n’a pas pillé le Congo. Et pourtant, cette colonie fut une de celles dans lesquelles  les profits  furent les plus importants. Mais, à partir de 1908, les impôts payés par les consortiums et les privés furent en totalité investis sur place.  Le Congo belge pouvait donc subvenir à ses besoins, le plan de développement décennal ainsi que les investissements étant financés par les recettes locales tirées de l’impôt des grandes sociétés.

    4) Parmi toutes les puissances coloniales, la Belgique fut la seule à avoir défini un plan cohérent de développement de sa colonie en partant d’une constatation qui était que tout devait y être fait à partir du néant. En matière d’éducation, la France et la Grande Bretagne saupoudrèrent leurs colonies d’Afrique sud-saharienne tandis que la Belgique choisit de procéder par étapes et de commencer par bien développer le primaire, puis le secondaire et enfin seulement le supérieur. Mais, pour que ce plan puisse être efficace, il lui fallait encore une certaine durée.
    Or, il fut interrompu par l’indépendance alors qu’il fallait à la Belgique au moins deux décennies supplémentaires pour le mener à son terme.

    Alors, certes, il y eut une période sombre dans l’histoire de la colonisation belge, avec une politique d’exploitation fondée sur le travail forcé et dénoncée en 1899 par Joseph Conrad dans son livre « Au cœur des ténèbres ».
    Mais ce ne fut qu’une parenthèse de quelques années.
    A partir de 1908, le Congo rentra en effet dans l’Etat de droit et ses ressources ne servirent plus qu’à sa mise en valeur.Voilà pourquoi, en plus d’être  regrettables, les « regrets » du roi des Belges sont une insulte à de grandes figures belges et à l’Histoire de son pays.

    Pour plus de précisions :

    Histoire de l’Afrique des origines à nos jours

  • Vers une nouvelle inflation fiscale

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    Voici comment les Français rembourseront l’emprunt européen :

    création d'un impôt européen !

    Sur TF1, Emmanuel Macron a affirmé que les Français n’auraient pas un euro à débourser pour rembourser l’emprunt européen de 750 milliards d'euros du plan post-Covid. Une affirmation bien audacieuse, selon l'essayiste Eric Verhaeghe.

    Hier soir, c’est un Emmanuel Macron triomphal qui est apparu en duplex à l’antenne de TF1. L’obtention d’un accord à Bruxelles lui donne un peu de grain à moudre dans une actualité morose où les déconvenues, notamment sociales et économiques, ne vont pas tarder à s’enchaîner. Mais c’était aussi l’occasion de lancer quelques affirmations bien téméraires sur la «gratuité» des coronabonds pour le portefeuille des Européens, et singulièrement des Français.

    Penser l’accord historique du 20 juillet 2020

    Le président français ne pouvait évidemment manquer la célébration de ce «travail historique» qu’il a mené pendant plusieurs années en affrontant Angela Merkel pour imposer une étape nouvelle dans l’intégration budgétaire en Europe. Conforme à la doctrine en vigueur dans les élites françaises, l’achèvement de l’Europe passe par le dépassement d’une simple union monétaire, comme le conçoit l’Allemagne (héritière du Zollverein prussien), et par la mise en place d’une union budgétaire avec des impôts communs.

    Sur ce chemin dont l’histoire dira s’il est ou non un miroir aux alouettes (la création d’impôts communs n’ayant pas le même effet partout dans le monde…), l’accord du 20 juillet marque effectivement une étape significative. On jugera en 2022 si les Français la reçoivent comme telle ou pas.

    Vers des impôts européens

    Au-delà des 40 milliards immédiats que cet accord apporte à la France dans des conditions financières contestables, l’innovation majeure de l’accord tient à la création d’impôts européens pour financer cet emprunt de 750 milliards. Si l’accord du 20 juillet est resté évasif sur la question, notamment du fait de la réticence de l’Allemagne, il n’en demeure pas moins que le remboursement devrait être assuré par des taxes.

    La liste de celles-ci semble pour l’instant interminable : taxe sur le plastique, sur le carbone, sur le numérique, etc. Autrement dit, la Commission va se doter d’une administration fiscale, selon toute vraisemblance, pour faire rentrer l’argent de ces impôts sur lesquels personne n’a jugé utile de claironner, à part Emmanuel Macron qui semble y retrouver des mots connus.

    Le fantasme trumpien de la taxe aux frontières

    Avec une forte dose de naïveté, peut-être mêlée à la mauvaise foi, Emmanuel Macron a donc prétendu que ces taxes ne seraient pas payées par les Européens, mais par les «grandes entreprises» et les «acteurs internationaux» qui ne jouent pas le jeu des politiques européennes. Pour le coup, on demande vraiment à voir comment cette affaire va se goupiller dans les mois à venir.

    Doit-on rappeler ici que ce principe de la taxe aux frontières a fait hurler tout ce que l’Europe compte de partisans du libre-échange lorsque Donald Trump l’a avancé pour les Etats-Unis ? Il est assez comique de voir comment, en trois ans, Emmanuel Macron est passé de la dénonciation du protectionnisme à son éloge triomphal.

    L’évolution vaut toutefois d’être notée, car elle montre comment un président «mondialiste» comme Emmanuel Macron est désormais contraint à retourner sa veste dans un monde toujours plus divisé. Finies, donc, les diatribes sur le repli nationaliste qui constitue un danger. A l’épreuve des faits, il faut bien reconnaître des vertus à la taxation aux frontières.

    Les Européens ne paieront pas ? Vraiment ?

    Le grand fantasme, ou la grande imposture, consiste bien entendu à asséner que ces taxations à la frontière ne sont pas payées par les Européens mais par les entreprises qui doivent acquitter les taxes. Il s’agit là d’une ambiguïté, voire d’un mensonge bien connus des économistes.

    Une taxation aux frontières n’est en réalité rien d’autre qu’une taxe sur le consommation. Elle est donc répercutée sur les prix. Il est vrai que les produits taxés perdent en compétitivité par rapport aux produits non taxés. Mais, dans tous les cas, la taxe est intégrée au prix de vente, et donc perçue sur le consommateur, que ce soit de façon directe ou indirecte.

    Le phénomène sera particulièrement évident pour les géants du numérique. Si leur production est taxé en Europe, ils y majoreront leurs prix avec d’autant moins de gêne qu’ils comptent très peu de concurrents, voire pas du tout de concurrents dans certains cas. La taxe sur les GAFAM ne sera donc pas payée par les GAFAM, mais par leurs clients européens.

    S’agissant des taxes carbones ou plastiques à la frontière, le résultat sera le même : les producteurs augmenteront leurs prix de vente pour récupérer la taxe. Celle-ci sera donc payée par le consommateur.

    Autrement dit, ce sont les Européens qui rembourseront directement les emprunts supposés leur profiter.

    Vers un renchérissement d’internet ?

    Alors qu’on parle de fracture numérique qui constitue une égalité grandissante dans nos démocraties, et singulièrement en France, il est remarquable de voir les gouvernements européens s’apprêter à augmenter les prix des services numériques. Imagine-t-on un Google se mettre à tarifer l’accès à certains sites ou à certains services comme la messagerie ? Imagine-t-on Google distribuer encore plus d’informations gratuites pour concurrencer la presse payante ?

    Nous entrons progressivement dans un autre modèle de consommation et de taxation numérique qui mérite d’être étudié calmement. Alors que les Etats-Unis privilégient la piste du démantèlement anti-trust, l’obsession fiscale française risque de réserver de bien mauvaises surprises.

    Eric Verhaeghe

  • Algérie : quelques rappels historiques à ceux qui exigent repentance

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    « L’école est le lieu de l’assimilation qui est le contraire de la guerre des mémoires et de la repentance… » (Henri Guaino).

     

    Il aura suffi de quelques matchs de « balle au pied » gagnés par l’Algérie, dans le cadre d’un « Championnat d’Afrique du Nord » dont on se fout comme d’une guigne, pour que certaines de nos villes subissent des débordements, des bagarres, des corridas urbaines, des saccages, des pillages, de la part de ressortissants algériens qui n’auraient assurément pas osé faire ça chez eux.
    Et aussitôt, quelques pisse-copies – toujours de gauche – nous ont expliqué que c’était tout à fait compréhensible : les Algériens ont « une revanche à prendre » puisque nous les avons occupés illégalement en 1830, puis, durant 132 ans, nous avons pillé leur pays et détruit leur culture.

    Quand les choses vont mal chez nous, rien ne vaut un coup de repentance  pour culpabiliser le « Souchien » (que ceux d’en face appellent « Sous chien »).
    Je vais donc, une fois de plus, rappeler quelques vérités historiques à ces ignares.

    Rappelons, tout d’abord, que jusqu’à l’arrivée des Français en 1830, l’Algérie en tant que telle n’existait pas et que le nom d’« Algérie » n’existait pas non plus ; il a été inventé, si je puis dire, par une circulaire du ministère de la Guerre, en date du 14 octobre 1839 :
    « Le pays occupé par les Français sera, à l’avenir, désigné sous le nom d’Algérie. Les dénominations d’ancienne régence d’Alger et de possessions françaises dans le nord de l’Afrique cesseront d’être employées dans le cadre des correspondances officielles… »
    La région, avant l’arrivée des Français, c’est une province en totale déshérence politique, en faillite aussi bien humaine que sociale. C’est un vulgaire repaire de pirates qui paie un tribut au sultan de Constantinople. Les relations entre l’Europe et ce coin d’Afrique du Nord ont été, depuis la nuit des temps, des plus tumultueuses.
    Au début du XVIe siècle, un corsaire établi à Alger, Khayr al-Din, dit « Barberousse », a fait allégeance au sultan de Constantinople. Puis les Turcs ont administré la régence d’Alger à laquelle ils ont imposé la présence de leurs garnisons et le paiement d’un tribut annuel par les chefs arabes.

    En 1541, excédé par le développement de la piraterie et par les razzias de chrétiens vendus comme esclaves (ou rendus contre rançon), Charles Quint débarquait avec 20 000 hommes à proximité d’Alger. Cette expédition fut un échec mais l’histoire a retenu qu’un seigneur espagnol, Ponce de Balaguer, dit « Savignac », planta sa dague sur la lourde porte « Bab Azoun » qui fermait la citadelle d’Alger et s’écria : « Nous reviendrons ! ». Cette promesse par bravade sera tenue par les Français en 1830. Mais nous n’en sommes pas là, pas encore…

    Peu après, les Espagnols s’installent à Oran, qu’ils conserveront jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
    Entre-temps, les Marseillais (et les Génois) se sont fait attribuer le monopole du commerce avec la régence d’Alger. Dès 1553, le privilège concédé aux Marseillais a été étendu à « toute la côte de Barbarie » (sic). Cette convention, renouvelée par le sultan en 1582, assurait aux Français la possession de quatre établissements : Bône, La Calle, le Bastion de France et le Cap Rose. Moyennant le paiement d’un tribut de 1 500 écus d’or, on leur garantissait une tranquillité… très relative.
    Les deys d’Alger, en dépit des traités signés, qu’ils n’ont jamais respectés, encourageaient la piraterie – la guerre de course – fort lucrative et qui entraînait peu de représailles.

    En 1664, Colbert chargea le duc de Beaufort d’occuper une partie des côtes algériennes, sans grand résultat. En 1683, Duquesne vint bombarder Alger. En guise de réponse, les Algériens attachèrent le père Le Vacher, qui faisait fonction de consul de France, à la bouche d’un canon et ouvrirent le feu… En 1690, des envoyés du dey viennent à Versailles pour rassurer le Roi Louis XIV : les choses semblent s’arranger mais à Alger, les Barbaresques continuent à rançonner les navires européens. Pendant tout le XVIIIe siècle, Français, Anglais et Hollandais vinrent bombarder, toujours sans la moindre efficacité, les côtes algériennes.
    En 1767, ce fut le tour des Vénitiens, suivis des Danois en 1770 et 1772. En 1774, l’Espagne envoya 20 000 hommes. Cette expédition n’eut pas plus de résultat que celle de Charles Quint.

    Finalement, la Hollande, le Portugal, le Royaume de Naples, la Suède, le Danemark et même les États- Unis, payèrent tous les deux ans un tribut au dey d’Alger pour assurer à leurs navires une relative immunité. L’Angleterre et la Hollande fournissant au dey des armes et des munitions (1).
    En 1790, il fut question de renouveler le traité de paix (non respecté par Alger) conclu cent ans auparavant avec Louis XIV. À cette occasion le comte de Kercy, consul de France, écrira :
    « Les temps ne sont pas éloignés où la France élèvera enfin la voix et, au lieu de se soumettre aux demandes du dey, osera elle-même en faire ».

    En 1801, enfin, un nouveau traité de paix était conclu entre Alger et Paris. Il stipulait la liberté du commerce et la suppression de l’esclavage. Il n’eut pas plus d’effet que les précédents. Quelques mois plus tard, la piraterie recommençait avec la capture de deux bricks français.
    Bonaparte se fâcha et envoya une division navale devant Alger avec une lettre pour le dey :
    « J’ai détruit l’empire des Mameluks parce qu’après avoir outragé le pavillon français, ils osaient demander de l’argent… Craignez le même sort… Si vous refusez de me donner satisfaction, je débarquerai 80 000 hommes sur vos côtes et je détruirai votre régence. Ma résolution est immuable ».

    Le dey adopta un profil bas mais, dès 1807, les relations se gâtent à nouveau entre Alger et la France. Dans un courrier, Napoléon informe les Russes, devenus ses alliés, qu’il est « décidé à en finir avec les Barbaresques ». Il charge un officier du génie, le commandant Boutin, d’étudier les possibilités d’un débarquement. C’est Boutin qui proposera la baie de Sidi-Ferruch, à une trentaine de kilomètres à l’ouest d’Alger.

    La piraterie en Méditerranée est évoquée par les États européens, à Londres en 1816, puis à Aix-la-Chapelle en 1818 et les bombardements reprennent. En 1816, Lord Exmouth, à la tête d’une escadre anglaise, coule la plupart des navires algériens et envoie 34 000 boulets de canon sur la ville.
    Le dey ruse encore : il relâche aussitôt 1 200 captifs chrétiens et promet d’abolir la guerre de course. Cette promesse, comme les précédentes, ne sera pas tenue.

    Deux ans plus tard, les Algériens se saisissent de deux navires battant pavillon pontifical (2), puis ils arraisonnent deux navires français. Le roi Charles X, furieux, décide d’intervenir.
    Le 29 octobre 1826 la frégate La Galatée apporte un ultimatum au dey, qui, une nouvelle fois, fait semblant de s’amender… mais la piraterie continue.
    On a écrit que la conquête (en juillet 1830) avait été décidée à la suite d’un malencontreux coup d’éventail donné à un consul affairiste en… 1827.

    C’est absolument faux ! Les auteurs sérieux disent tous qu’il fallait saisir un prétexte pour faire cesser les actes de piraterie. La décision de conquérir Alger résulte, en fait, d’une imbrication de motifs politiques : la relance de la piraterie, en 1821, qui demande des tributs aux États européens et impose le droit de visite des bateaux. Puis le pillage et la confiscation de notre comptoir de la Calle…

    Les buts définis par le ministre Polignac sont d’ailleurs très clairs : « Destruction de l’esclavage, de la piraterie et des tributs… sécurité de navigation… rendre le rivage de cette mer à la production, à la civilisation, au commerce, à la libre fréquentation de toutes les nations… ».
    C’est on ne peut plus normal ! Et c’est parfaitement louable !

    Si l’Algérie est devenue un pays prospère – du moins jusqu’à son indépendance – elle le doit à la France. Et si les Franco-Algériens – ces « Français de papiers » qui ne manquent pas une occasion de se dire plus algériens que français – pensent le contraire, qu’ils retournent vivre en Algérie.
    S’ils préfèrent la Chorba (c’est leur droit après tout !), qu’ils aillent la manger chez eux et qu’ils arrêtent de cracher dans NOTRE soupe !

    Éric de Verdelhan

    1)- Pendant sa lutte contre les Français, Abd el-Kader bénéficiera d’un approvisionnement important en fusils et munitions de l’Angleterre. Les historiens n’en parlent jamais, pourquoi ?
    2)- Le « Sant’Antonio » et le « San Francesco de Paolo ». Le dey s’était pourtant engagé à respecter les navires du pape.

  • Jean Sévillia: «Emmanuel Macron a une lecture anachronique de la colonisation»

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    FIGAROVOX.- En souhaitant «bâtir une nouvelle page» avec les pays africains, Emmanuel Macron a estimé dans une conférence de presse à Abidjan que le colonialisme est «une faute de la République». L’histoire de la colonisation française est-elle si simple?

    Sevillia2.jpgJean SÉVILLIA.- Cette expression est d’abord très maladroite sur le plan historique, car affirmer que la République a commis une faute en colonisant l’Afrique est une vision anhistorique, qui consiste à découper l’histoire de France en tranches, selon les régimes. Mais alors, où Emmanuel Macron place-t-il le curseur? Est-ce en 1880, alors que la République hérite déjà à cette époque d’un empire colonial constitué des vieilles colonies de l’Ancien Régime (les Antilles, les comptoirs des Indes, la Réunion, la Guyane...), ainsi que de l’Algérie acquise sous la Restauration et la monarchie de Juillet? Napoléon III avait de son côté colonisé la Nouvelle-Calédonie ; le Second Empire met aussi le pied au Sénégal, au Gabon, à Madagascar, en Cochinchine, au Cambodge... Vient enfin, c’est vrai, la IIIe République: Jules Ferry, dans les années 1870-1880, lance une grande politique coloniale, met la Tunisie sous protectorat, ainsi que le Tonkin et l’Annam en Indochine, puis s’aventure en Afrique, à partir du Sénégal et du Congo... Mais la colonisation n’est pas seulement l’œuvre de la République.

    Surtout, le contexte de la colonisation est alors international: la France n’est pas la seule puissance coloniale au XIXe siècle, puisqu’elle est en concurrence avec les Britanniques, les Allemands, les Belges... À la Conférence de Berlin en 1885, les Européens se partagent le continent africain. L’entreprise coloniale est un phénomène de mondialisation: l’Europe est alors en pleine expansion économique, et se donne le droit, avec bonne conscience, d’exercer un droit de puissance sur des civilisations moins développées. Cette bonne conscience est partagée par toutes les puissances européennes. Ce n’est pas le fait de la seule République française.

    Adopter un jugement moral comme le fait Emmanuel Macron est donc anachronique. Au XIXe siècle, on a considéré la colonisation comme un phénomène normal, de même que l’emploi de la force dans les relations internationales était tout à fait banal. C’est un projet républicain, d’ailleurs à l’époque la droite, qui a les yeux rivés sur la ligne bleue des Vosges, est plutôt réticente. Mais la vision républicaine de Jules Ferry est une vision géopolitique et économique. Il y a des marchés à conquérir! Et enfin, il y a bien sûr une dimension idéologique, humanitaire: la gauche républicaine pense qu’il faut exporter les droits de l’homme et l’éducation sur d’autres continents.

    Il faut dire aussi ce que la colonisation a apporté au continent africain.

    Dire que c’est une «erreur» est un point de vue manichéen : l’histoire ne peut souffrir de jugements binaires, car le monde ne se divise jamais parfaitement entre le bien et le mal. La colonisation est évidemment un rapport de force, qui a eu sa part de violences et d’injustices. Mais il faut dire aussi ce qu’elle a apporté au continent africain, sur le plan économique, mais aussi en matière de santé ou d’éducation. Il ne faut pas oublier non plus que l’un des grands motifs de la colonisation au XIXe siècle était d’abolir définitivement l’esclavage, qui déchirait le continent africain depuis des siècles, bien avant l’arrivée des Blancs!

    La construction d’une ligne de chemin de fer au Congo a coûté la vie à 17 000 ouvriers noirs employés dans des conditions sanitaires effroyables ; mais cette construction a permis le développement de régions qui autrefois étaient inaccessibles. Le seul pays d’Afrique qui n’ait jamais été vraiment colonisé est l’Éthiopie (mis à part, très brièvement, par Mussolini plus tard : c’est aujourd’hui le pays qui souffre du plus important retard de développement sur tout le continent africain...

    Emmanuel Macron parle de «colonialisme», faisant référence à une mentalité ou une idéologie. Justement, aujourd’hui dans les facultés de sciences humaines, les tenants des études «post-coloniales» considèrent que cette mentalité est encore présente et que la France n’a jamais vraiment «guéri» de son passé colonial...

    La colonisation, qui continue d’être un grand projet républicain de gauche jusque dans les années 30 et même pendant la guerre et l’immédiat après-guerre, prend fin à partir de 1946 et de la création de l’Union française qui amorce le processus de décolonisation. Mais jusque dans les années 1950, la colonisation n’est toujours pas regardée d’un point de vue moral. Puis, sous la Ve République, la colonisation est un non-sujet, hormis chez quelques nostalgiques, notamment de l’Algérie française.

    L’extrême-gauche cherche un substitut à la classe ouvrière qui lui a échappé, et elle le trouve dans les populations issues de la diversité.

    Ensuite, en effet, la question coloniale revient sous la vision indigéniste et tiers-mondiste: l’extrême-gauche cherche un substitut à la classe ouvrière qui lui a échappé, et elle le trouve dans les populations issues de la diversité, fussent-elles de nationalité française. Ces gens sont ramenés à leurs origines «ethniques», c’est une vision communautaire de la société française, qui revient à créer une nouvelle dialectique. La «lutte des races» succède à la lutte des classes. Cette vision est gravissime, car elle met à mal la notion de communauté nationale. Les divisions sont même ethnico-religieuses, puisque l’on traite l’islam presque comme une «race», en interdisant toute forme de critique à son endroit. Ce phénomène se nourrit de tout le discours habituel de l’anti-colonialisme: c’est le «sanglot de l’homme blanc», comme l’écrit très justement Pascal Bruckner dès 1983.

    Reste que cette vision post-coloniale est tout à fait fantasmatique, car la société française d’aujourd’hui n’est absolument pas organisée selon une stratification sociale post-coloniale. Ces militants anti-racistes prennent la couleur de peau ou l’origine «ethnique» comme un critère de discrimination, et ce faisant raisonnent eux-mêmes de manière raciste, c’est là tout leur paradoxe.

    L’histoire de la colonisation française pourra-t-elle à nouveau un jour être abordée de manière apaisée? N’est-ce pas le rôle des historiens de nous y aider?

    L’histoire est une œuvre de très longue haleine... L’ennui est qu’il existe dans le monde universitaire un véritable terrorisme intellectuel. Les historiens qui travaillent sur l’histoire coloniale sans être dans une logique d’accusation permanente de la France sont une petite poignée, car le système est fait pour éliminer ceux qui pensent à côté. Ainsi, les chercheurs préfèrent parfois se diriger vers d’autres périodes, car il est très difficile aujourd’hui d’être historien de la colonisation. Daniel Lefeuvre était excellent, mais il est malheureusement décédé il y a quelques années. Il faisait partie des rares universitaires à réaliser un véritable travail de recherche, non pas pour exalter la colonisation, mais pour raconter cette histoire, entremêlée de faces positives et d’autres plus négatives. C’est une histoire complexe, et le combat pour la vérité est extrêmement difficile.

    Ce d’autant plus que le débat d’idées est aujourd’hui judiciarisé: on se demande parfois si l’on ne va pas aller devant les tribunaux, pour avoir osé dire qu’il y a des choses positives dans la colonisation française!

    Journaliste, écrivain et historien, Jean Sévillia est chroniqueur au Figaro Magazine et membre du conseil scientifique du Figaro Histoire. Il a récemment dirigé l’ouvrage collectif  L’Église en procès. La réponse des historiens(Tallandier/Le Figaro, 2019).

  • Bernard Lugan : "Emmanuel Macron a désigné les vrais responsables de la colonisation"

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    Que pourrait avoir voulu dire Emmanuel Macron en parlant du colonialisme comme d’une « faute de la République » ?

    Le 21 décembre 2019, à Abidjan, en dénonçant le « colonialisme « faute de la République » et non de la France (à moins que, pour lui, France=République), Emmanuel Macron a désigné les vrais responsables de la colonisation, ce « péché » qui sert aujourd’hui à désarmer la résistance au « grand remplacement ».

     

    État de la question :

    1) Dans les années 1880-1890, l’idée coloniale fut portée par la gauche républicaine alors que la droite monarchiste et nationaliste majoritaire dans le pays s’y opposait [1][1].

    2) Les chefs de cette gauche républicaine étaient profondément imprégnés par les idées de la révolution de 1789. Pour eux, la France républicaine, « patrie des Lumières » se devait, en les colonisant, de faire connaître aux peuples qui l’ignoraient encore le message universaliste dont elle était porteuse. La dimension économique était initialement secondaire dans leur esprit car, à l’époque, l’on ignorait que l’Afrique encore très largement inexplorée pouvait receler des richesses. Et quand Jules Ferry parlait du futur Empire comme d’une « bonne affaire », ce n’était qu’un souhait (voir à ce sujet les travaux de Jacques Marseille).

    3) Dans la réflexion de la gauche républicaine, la dimension idéologique et morale de la colonisation a tenu une part considérable et même fondatrice. L’on trouve ainsi chez Jules Ferry la notion de « colonisation émancipatrice », idée qui fut parfaitement résumée en 1931 lors du congrès de la Ligue des droits de l’Homme qui se tint à Vichy, quand Albert Bayet, son président, déclara que la colonisation française était légitime puisqu’elle était porteuse du message des « grands ancêtres de 1789 ». Dans ces conditions ajouta-t-il, en colonisant, c’est-à-dire en faisant :

    « (…) connaître aux peuples les droits de l’homme, ce n’est pas une besogne d’impérialisme, c’est une tâche de fraternité »

    4) La gauche républicaine coloniale utilisa à l’époque des arguments qui, aujourd’hui, conduiraient directement leurs auteurs devant les tribunaux. Dans son célèbre discours du 28 juillet 1885, Jules Ferry déclara ainsi :« Il faut dire ouvertement qu’en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures ; mais parce qu’il y a aussi un devoir. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures »

    Le 9 juillet 1925, l’icône socialiste Léon Blum affirma devant les députés :« Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d'attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l'industrie. »

    Les bonnes consciences humanistes peuvent cependant être rassurées puisque Jules Ferry avait pris le soin de préciser que :« La race supérieure ne conquiert pas pour le plaisir, dans le dessein d’exploiter le faible, mais bien de le civiliser et de l’élever jusqu’à elle ».        

    5) La maçonnerie à laquelle appartenaient la plupart des dirigeants républicains voyait dans la colonisation le moyen de mondialiser les idées de 1789. En 1931, toujours à Vichy, lors du congrès annuel de la Ligue des droits de l’homme dont j’ai parlé plus haut et dont le thème était la question coloniale, Albert Bayet déclara :

     « La colonisation est légitime quand le peuple qui colonise apporte avec lui un trésor d’idées et de sentiments qui enrichira d’autres peuples (…) la France moderne, héritière du XVIIIe siècle et de la Révolution, représente dans le monde un idéal qui a sa valeur propre et qu’elle peut et doit répandre dans l’univers (…) Le pays qui a proclamé les droits de l’homme (…) qui a fait l’enseignement laïque, le pays qui, devant les nations, est le grand champion de la liberté a (…) la mission de répandre où il peut les idées qui ont fait sa propre grandeur ».

     6) Alors que toute la philosophie qui animait ses membres reposait sur le contrat social, la colonisation républicaine s’ancra sur une sorte de racisme philanthropique établissant une hiérarchie entre les « races » et les civilisations. Au nom de sa supériorité philosophique postulée, la république française avait en effet un devoir, celui d’un aîné devant guider, grâce à la colonisation, ses cadets ultra-marins non encore parvenus à « l’éclairage des Lumières ».

    7) Pour ces hommes de gauche, la conquête coloniale n’était brutale qu’en apparence puisqu’il s’agissait in fine d’une « mission civilisatrice ». D’ailleurs, la république égalisatrice n’avait-t-elle pas fait de même en transformant les Bretons, les Occitans, les Corses et les Basques en Français, c’est-à-dire en porteurs du message émancipateur universaliste ? La gauche républicaine coloniale se devait donc de combattre tous les particularismes et tous les enracinements car il s’agissait d’autant de freins à l’universalisme. Coloniser était donc un devoir révolutionnaire et républicain. D’autant que la colonisation allait permettre de briser les chaînes des peuples tenus en sujétion par les « tyrans » qui les gouvernaient. La colonisation républicaine fut donc d’abord le moyen d’exporter la révolution de 1789 à travers le monde.

       Jusque dans les années 1890, la position de la droite monarchiste, nationaliste et identitaire fut claire : l’expansion coloniale était une chimère détournant les Français de la « ligne bleue des Vosges » et les aventures coloniales étaient donc considérées à la fois comme une trahison et un ralliement aux idées républicaines. Le 11 décembre 1884, devant le Sénat, le duc de Broglie, sénateur monarchiste, déclara ainsi :

     « (…) Les colonies affaiblissent la patrie qui les fonde. Bien loin de la fortifier, elles lui soutirent son sang et ses forces. »

     Cet anticolonialisme de droite fut bien représenté par Paul Déroulède et par Maurice Barrès. Pour Déroulède, le mirage colonial était un piège dangereux tendu par les ennemis de la France. Dans une formule particulièrement parlante, il opposa ainsi la chimère de « la plus grande France », c'est-à-dire l’Empire colonial, qui menaçait de faire oublier aux Français le « relèvement de la vraie France ».

    En dehors des milieux d’affaires « orléanistes » qui, à travers les Loges, avaient adhéré à la pensée de Jules Ferry, la « droite » fut anticoloniale quand la « gauche », à l’exception notable des radicaux de Clemenceau, soutenait massivement l’expansion ultramarine.

     Et pourtant, quelques années plus tard, à quelques très rares exceptions, monarchistes, nationalistes et catholiques se rallièrent à la vision coloniale définie par la gauche républicaine, donc aux principes philosophiques qu’ils combattaient depuis 1789… La fusion fut effective en 1890 quand, par le « toast d’Alger », le cardinal Lavigerie demanda le ralliement des catholiques à la République. La boucle révolutionnaire fut alors bouclée. Les Lumières l’avaient emporté sur la Tradition.

    Par « devoir patriotique », la droite militaire et missionnaire partit alors conquérir les « terres de soleil et de sommeil ». Elle s’y fit tuer avec courage et abnégation, en ne voyant pas que son sang versé permettait la réalisation des idéaux philosophiques de ses ennemis de toujours… Ces derniers demeurèrent quant à eux confortablement en France, attendant de chevaucher ultérieurement les chimères idéologiques de l’anticolonialisme au nom duquel ils dénonceront et combattront férocement et implacablement une droite suiviste devenue coloniale quand eux ne l’étaient plus…

     En parlant de « faute de la République » et non de faute de la France, le président Macron a donc (involontairement ?), mis la gauche républicaine face à ses responsabilités historiques. Car, et nous venons de le voir, ce furent des républicains, des hommes de gauche, des laïcs et des maçons, qui lancèrent la France dans l’entreprise coloniale qui l’épuisa, la ruina et la divisa.

    Leurs héritiers qui dirigent aujourd’hui la France politique, judiciaire, médiatique et « morale » ont curieusement oublié cette filiation. Plus encore, ayant adhéré à une nouvelle idéologie universaliste, celle du « village-terre » et de l’antiracisme, ils font réciter ad nauseam aux Français le credo de l’accueil de « l’autre » afin d’achever de diluer les derniers enracinements dans l’universel. Et ils le font au prétexte de la réparation de la « faute » coloniale commise hier par leurs maîtres à penser …


    [1] Je développe cette idée dans mon livre « Mythes et manipulations de l’histoire africaine »

  • Brexit, quand des journalistes prennent leurs désirs pour une réalité

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    Le 23 juin 2016, les britanniques votaient majoritairement en faveur de la sortie de leur pays de l’Union Européenne. Le peuple a été consulté et s’est prononcé pour la souveraineté. Le référendum a rappelé opportunément qu’un pays pouvait choisir d’entrer dans l’Union Européenne, mais aussi d’en sortir. De nombreux journalistes français ont contesté ce choix et ont affirmé que l’opinion publique avait été manipulée.

    Les récentes élections générales en Grande Bretagne ont porté au Parlement une majorité écrasante de députés d’un parti dont le leader, Boris Johnson, a clairement affiché sa volonté de sortir de l’Union. L’analyse rétrospective des commentaires de nombreux journalistes sur le Brexit met en lumière un engagement politique aveugle.

    Le vote sur le Brexit contesté dès la sortie des urnes

    La chaine publique France Inter a été en pointe dans l’engagement militant de certains de ses journalistes contre le Brexit.

    Avant même le référendum, Charline Vanhoenacker nous mettait en garde le 20 juin 2016 dans un billet intitulé « ne nous brexitons pas ! ». « Le camp du Brexit a essentiellement peur de l’afflux de réfugiés. Pour un pays qui en a colonisé des dizaines d’autres, vous fonctionnez un peu à sens unique, non ? ». Critiquer le Brexit en assimilant l’immigration à une colonisation, il n’y a que l’humoriste belge qui se permet de le faire sur les ondes publiques…

    Une fois le résultat connu, le journaliste Thomas Legrand titrait son édito du 28 juin 2016 : « Le référendum, objet démocratique ? ». Ses doutes étaient vite levés : « le problème, c’est que le non ne génère pas de solutions alternatives cohérentes ». Patrick Cohen renchérissait « Le référendum ne serait pas si démocratique que cela ? ». « Ben non » répondait Thomas Legrand. « Il va même souvent à l’encontre de la démocratie participative ». Demander l’opinion au peuple, vous n’y pensez pas…

    Après la publication du résultat du vote sur le Brexit, il était difficile de trouver un titre positif d’une émission ou d’un reportage de France Inter à ce sujet : « Le Brexit inquiète aussi la communauté scientifique », « L'Irlande ébranlée par le Brexit », « Brexit : les patrons britanniques peinent à recruter », « Brexit : choc financier pour le budget de l’Union européenne », « Brexit : une facture salée pour le monde maritime français », « Optimisation fiscale : McDonald’s profite du Brexit pour s'installer au Royaume-Uni », etc. Tout était à l’avenant.

    Plus proche de nous, le 8 août 2017, Catherine Chatignoux, journaliste des Échos, s’interrogeait dans l’Edito éco de la chaine publique : « La sortie de l’Europe, est-ce la fin du monde ? ». Elle nous livre une réponse toute en nuance : « Un peu quand même ».

    Le 31 août 2017, dans « Un jour dans le Monde », Olivier Poujade évoquait sur France Inter avec clairvoyance David Cameron « qui gère comme il peut son statut d’homme le plus détesté d’Angleterre, depuis le jour du référendum sur le Brexit, un projet politique calamiteux, (…) un diabolique engrenage ». « La classe politique anglaise est aujourd’hui en lambeaux ». « Après moi le déluge » reprend Fabienne Sintes. En conclusion le référendum est qualifié par Olivier Poujade de « gigantesque bourde politique ».

    Les élections générales du 12 décembre et la victoire incontestée d’un parti pro brexit

    Les derniers mois n’ont été qu’une succession de « refus de saut » des députés britanniques face au vote sur la sortie de l’union européenne. Le 12 décembre 2019, des élections générales ont été organisées en Grande Bretagne. Ceci afin de clarifier la situation politique dans un contexte où le vote sur le Brexit a été largement contesté. Le parti conservateur pro Brexit emmené par Boris Johnson a remporté un succès éclatant.

    Le vote pro Brexit des britanniques du 23 juin 2016 avait été présenté comme impulsif et manipulé. A tel point que de nombreux journalistes français ont appelé de leurs vœux un nouveau vote qui ne pourrait qu’être favorable au maintien dans l’union européenne.

    Après la victoire du parti de Boris Johnson, le Salon beige et Marianne ont exhumé des déclarations bien peu visionnaires de nombreux journalistes. C’est un véritable festival.

    Observatoire du journalisme

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  • Opération Barkhane : une mise au point nécessaire

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    Par Bernard Lugan

    Lugan1.jpgLes pertes cruelles que viennent de subir nos Armées -et qui ne seront hélas pas les dernières-, ont donné à certains l’occasion de s’interroger sur le bien-fondé de la présence militaire française au Sahel. Cette démarche est légitime, mais à la condition de ne pas sombrer dans la caricature, les raccourcis ou l’idéologie.

     

    J’ai longuement exposé l’état de la question sur ce blog, notamment dans mon communiqué en date du 7 novembre 2019 intitulé « Sahel : et maintenant quoi faire ?» , ainsi que dans les colonnes de l’Afrique Réelle et dans mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours qui replace la question dans sa longue durée historique et dans son environnement géographique. Je n’y reviens donc pas. Cependant, trois points doivent être soulignés :

    1) Dupliquées d’un logiciel datant des années 1960-1970, les accusations de néocolonialisme faites à la France sont totalement décalées, inacceptables et même indignes. Au Sahel, nos Armées ne mènent en effet pas la guerre pour des intérêts économiques. En effet :

    - La zone CFA dans sa totalité, pays du Sahel inclus, représente à peine plus de 1% de tout le commerce extérieur de la France, les pays du Sahel totalisant au maximum le quart de ce 1%. Autant dire que le Sahel n’existe pas pour l’économie française.
    - Quant à l’uranium du Niger, que de fadaises et de contre-vérités entendues à son sujet puisqu’en réalité, il ne nous est pas indispensable. Sur 63.000 tonnes extraites de par le monde, le Niger n’en produit en effet que 2900…C’est à meilleur compte, et sans nous poser des problèmes de sécurité que nous pouvons nous fournir au Kazakhstan qui en extrait 22.000 tonnes, soit presque dix fois plus, au Canada (7000 t.), en Namibie (5500 t.), en Russie (3000 t.), en Ouzbékistan (2400 t.), ou encore en Ukraine (1200 t.) etc..
    - Pour ce qui est de l’or du Burkina Faso et du Mali, la réalité est qu’il est très majoritairement extrait par des sociétés canadiennes, australiennes et turques.

    2) Militairement, et avec des moyens qui ne lui permettront jamais de pacifier les immensités sahéliennes, mais là n’était pas sa mission, Barkhane a réussi à empêcher la reformation d’unités jihadistes constituées. Voilà pourquoi, pariant sur notre lassitude, les islamistes attaquent les cadres civils et les armées locales, leur objectif étant de déstructurer administrativement des régions entières dans l’attente de notre départ éventuel, ce qui leur permettrait de créer autant de califats. Notre présence qui ne peut naturellement empêcher les actions des terroristes, interdit donc à ces derniers de prendre le contrôle effectif de vastes zones.3) Nous sommes en réalité en présence de deux guerres :

    - Celle du nord ne pourra pas être réglée sans de véritables concessions politiques faites aux Touareg par les autorités de Bamako. Egalement sans une implication de l’Algérie, ce qui, dans le contexte actuel semble difficile. Si ce point était réglé, et si les forces du général Haftar ou de son futur successeur tenaient effectivement le Fezzan, les voies libyennes de ravitaillement des jihadistes auxquelles Misrata et la Turquie ne sont pas étrangères, seraient alors coupées. Resterait à dissocier les trafiquants des jihadistes, ce qui serait une autre affaire…

    - Au sud du fleuve Niger les jihadistes puisent dans le vivier peul et dans celui de leurs anciens tributaires. Leur but est de pousser vers le sud afin de déstabiliser la Côte d’Ivoire. Voilà pourquoi notre effort doit porter sur le soutien au bloc ethnique mossi. Aujourd’hui comme à l’époque des grands jihad peul du XIXe siècle ( là encore, voir mon livre sur les guerres du Sahel), il constitue en effet un môle de résistance. Le renforcement des défenses du bastion mossi implique d’engager à ses côtés les ethnies vivant sur son glacis et qui ont tout à craindre de la résurgence d’un certain expansionnisme peul abrité derrière le paravent du jihadisme. Cependant, si les jihadistes régionaux sont majoritairement Peul, tous les Peul ne sont pas jihadistes. Ceci fait que, là encore, il sera nécessaire de « tordre le bras » aux autorités politiques locales pour que des assurances soient données aux Peul afin d’éviter un basculement généralisé de ces derniers aux côtés des jihadistes. Car, et comme je l’ai écrit dans un ancien numéro de l’Afrique Réelle « Quand le monde peul s’éveillera, le Sahel s’embrasera ». Il y a donc urgence.

    Par-delà les prestations médiatiques des « experts », une chose est donc claire : la paix au nord dépend des Touareg, la paix au sud dépend des Peul. Tout le reste découle de cette réalité. Dans ces conditions, comment contraindre les gouvernements concernés à prendre en compte cette double donnée qui est la seule voie pouvant conduire à la paix ?

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