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La France et le bourbier libanais

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Emmanuel Macron a changé de ton au sujet de l’accord sur le nucléaire iranien, qu’il souhaite désormais renégocier, à l’instar de Donald Trump. Le Président français veut maintenant y inclure une négociation sur l’activité balistique de l’Iran qui jusqu’alors était exclu de l’accord nucléaire conclu entre l’Iran et les six grandes puissances (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie), également connu sous l’acronyme JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action). Si le président français a réaffirmé son souhait de voir le JCPOA «préservé», il a pour la première fois envisagé de le compléter «avec deux piliers».

Les deux piliers iraniens de Macron

A l’instar du président américain, Emmanuel Macron a annoncé comme « premier pilier » qu’il voulait ajouter à l’accord «une négociation sur l’activité balistique de l’Iran, avec des sanctions si besoin». Une disposition qui n’existait pas jusque-là puisque le JCPOA n’interdit pas les activités balistiques de l’Iran, demandant simplement à Téhéran de ne pas mener d’activités pour développer des missiles conçus pour porter des têtes nucléaires, ce à quoi Téhéran s’est toujours conformé, comme l’a vérifié l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à huit reprises.

Le second pilier évoqué est plus flou mais marque une prise de position forte dans le conflit qui oppose Riyad et Téhéran, le président français ayant fait part de son souhait «d’encadrer l’hégémonie iranienne dans toute la région». C’est un gage apporté à l’Arabie saoudite et qui apparaît comme le triste résultat d’un marchandage secret pour pouvoir sauver et extrader Hariri, le grand ami de la France et logeur de Chirac à Paris.

En Arabie Saoudite, il y aurait donc bien eu négociation sur fond de prise d’otage diplomatique. Le président français a bien marchandé avec le nouvel homme fort du pays, le prince héritier Mohammed ben Salmane, l’extradition de Hariri à Paris puisqu’avant cette visite impromptue, début novembre, Macron déclarait haut et fort qu’il ne voulait pas qu’on révise le JCPOA. On dit d’ailleurs qu’à son initiative, Macron s’était entretenu avec Vladimir Poutine par téléphone pour discuter du sujet et que les deux chefs d’Etat étaient tombés d’accord sur ce point. Le Kremlin avait publié à cet effet un communiqué de presse dans lequel il notait que les deux dirigeants s’étaient prononcés «pour la réalisation stricte du Plan global d’action conjoint sur le programme nucléaire iranien», soulignant «le caractère inadmissible d’une révision unilatérale de cet accord extrêmement important». Ce qui surprend c’est que le revirement de la position française sur la question iranienne s’est déroulé en quelques jours.

Or rappelons que la démission du Premier ministre libanais a été faite depuis Riyad où il n’était apparemment plus totalement libre de ses mouvements, ce qui confirmerait bien les spéculations d’une mission des Saoud qui l’aurait contraint à prendre cette décision. L’Arabie saoudite avait ensuite immédiatement annoncé que le Liban lui avait déclaré la guerre en raison de ce qu’elle considère comme des agressions commises dans le royaume par le Hezbollah libanais – soutenu par l’Iran – et avait demandé à ses ressortissants à Beyrouth de quitter au plus vite le pays. Les événements comme à chaque fois qu’on fait bouger des pions aux échecs se sont donc déroulés rapidement et il s’agissait pour le camp israélo-américano-saoudien de faire bouger les choses après la victoire russe en Syrie.

De fait, la volonté nouvelle de la diplomatie française de négocier le programme balistique iranien a été accueillie froidement par Téhéran qui y a apporté une fin de non-recevoir sans équivoque. Un conseiller du numéro un iranien s’en est pris directement à la France, le 18 novembre, affirmant que le programme balistique de son pays ne regardait pas le président Emmanuel Macron (déclaration d’Ali Akbar Velayati, porte-parole de la diplomatie iranienne à la télévision d’État). Le 17 novembre, l’Iran avait déjà critiqué la France après les déclarations du chef de sa diplomatie, Jean-Yves Le Drian qui avait prêté à Téhéran des «tentations hégémoniques» au Moyen-Orient. Le porte-parole de la diplomatie iranienne avait affirmé que la «partialité» de la France était en train d’aggraver les crises régionales.

Israël a prévenu qu’elle n’hésitera pas à agir seul contre Téhéran (discours prononcé par visioconférence devant l’assemblée générale de la Fédération juive d’Amérique du Nord à Los Angeles le 14 novembre), évoquant la possibilité d’une action militaire israélienne unilatérale contre l’Iran. Or, il est clair que dans une telle action, Israël demandera le soutien d’autres Etats pour contrer les intentions supposées de l’Iran. On comprend ainsi que malgré les efforts américains et russes pour instaurer un cessez-le-feu en Syrie (communiqué conjoint du 11 novembre), Israël veut la guerre et cherche à continuer son action sur le territoire syrien, notamment au sud du pays où d’ailleurs, elle mène sans répit des opérations aériennes (une centaine de frappes) en violation du droit international. La France devra peser ses décisions dans la région car toutes ses déclarations l’engageront à terme : la chute de Daesh ne marque pas  la fin du conflit dans la région et la reprise de combats au Liban pourrait être imminente.

Dans ce jeu controversé (Etats-Unis, Israël, Arabie Saoudite, France), la Turquie, membre des Frères Musulmans s’engage  à soutenir le Qatar, pays phare des Frères Musulmans. Pendant que Donald Trump et Emmanuel Macron visitaient Ryad, Erdogan était  au Qatar (deuxième visite officielle du président turc depuis le début des tensions entre Ryad et Doha). Le dictateur turc Erdogan a promis au Qatar qu’Ankara continuerait à apporter une aide militaire à ce pays. Il a aussi indiqué que le secteur privé turc était prêt à aider Doha dans les projets en construction dans le cadre des préparatifs pour la Coupe du monde 2022 qu’organise le Qatar (cette coupe aura-t-elle d’ailleurs vraiment lieue ?). Cette visite ottomane souligne le soutien continu de la Turquie à l’État du Qatar dans tous les domaines mais tout spécialement industriel et militaire.

Quelle est donc la position de la France face au Qatar et surtout à la Turquie ? En se positionnant comme elle le fait , n’ouvre-t-elle pas aussi sur son propre territoire, en raison de la diaspora turque, un nouveau front civil ?

Michel Lhomme ♦
Philosophe, politologue

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