G-BDQD17ZWM0

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le 14 juillet 1789 ne fut pas un jour de gloire

Pierre Chaunu-La révolution.jpg

Il est de bon ton de fêter chaque année, la date du 14 juillet, considérée comme fondatrice de notre République. L’État montre sa puissance en organisant un important défilé militaire, les collectivités locales, même les plus petites, y vont de leurs concerts, bals et autres feux d’artifice pour glorifier l’événement. Il s’agit bien d’un jour de célébration, visant à démontrer la communion des citoyens aux « valeurs de la République ».

On a peu à peu instillé dans la tête des Français que la fête du 14 juillet célébrait l’anniversaire de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. Il n’en est rien. La commémoration du 14 juillet, qui fut votée par les sénateurs le 6 juillet 1880, n’a pas fait, loin de là, l’unanimité au début des discussions. Beaucoup estimaient qu’elle commémorait un épisode trop violent et sanglant pour symboliser l’Unité de la Nation. La date fut cependant conservée quand il fut expliqué que c’était en réalité la date du 14 juillet 1790 qui était célébrée, c’est-à-dire la fête de la Fédération au cours de laquelle se succédèrent procession militaire, messe célébrée par Talleyrand, serment du Roi à la Constitution et serment de La Fayette au Roi, avec adoption de la nouvelle devise : « La Nation, la Loi, le Roi ». Les organisateurs avaient voulu donner à cette fête le sentiment d’unité nationale après les massacres de l’année précédente. Ces bonnes intentions ne durèrent pas très longtemps…

Mais revenons à cette date du 14 juillet 1789, prise de la Bastille, symbole déclaré de la fin de « l’absolutisme royal ». Elle est infiniment importante puisqu’elle semble symboliser le commencement de l’installation de la République. La vérité historique est autrement plus sombre.

Dès le printemps 1789, la terreur commence à se développer un peu partout en France : assassinats incontrôlés, maisons et châteaux pillés ou brûlés, fonctionnaires royaux malmenés, cela dans presque toutes les régions de notre pays. Les États généraux, réunis à Versailles, soufflent sur les braises de la révolution qui a démarré. Le 14 juillet, Camille Desmoulins commence à haranguer les promeneurs du jardin des Tuileries. L’attroupement grossit peu à peu, et lorsque la foule lui semble suffisamment nombreuse, Desmoulins la dirige vers les Invalides pour l’armer, avec des armes volées en masse, jusqu’à la Bastille. La forteresse avait les moyens de résister, mais son gouverneur, fort de la parole des émeutiers accordant la vie sauve à ses défenseurs comme à ses quelques prisonniers, ouvre les portes de la bâtisse : tous les occupants sont sauvagement massacrés, et la tête du malheureux gouverneur promené sur une pique dans un Paris survolté.

Ce funeste jour de violence marque un tournant décisif dans le processus révolutionnaire. En effet, jusqu’à ce jour, la terreur en était à ses premiers balbutiements, actes d'excités plus ou moins isolés. Le 14 juillet, la violence la plus sauvage prend un tour officiel. Les dirigeants des émeutiers, directement liés aux députés révolutionnaires de Versailles, donnent un signal puissant à la France tout entière : désormais, rien ne va arrêter le processus, long et tragique cortège de violences et de massacres. De grands serviteurs du royaume sont assassinés, à Paris et en province, dès que le massacre de la Bastille est connu et glorifié.

La mise en place de la Terreur officielle date bien de ce jour, et sera poursuivie par les épouvantables tragédies des années suivantes ; pour aboutir finalement à un Empire autoritaire et guerrier auprès duquel « l’absolutisme royal » apparaît comme un conte sympathique pour enfants sages.

Commémorer le 14 juillet pose donc question, tant sur le plan historique que sur les plans philosophique et moral. La vérité historique, remplacée désormais par un romantisme insipide et mensonger, impose pour le moins, de relever que cette sombre journée du 14 juillet 1789 ne fut pas un jour de gloire.

Henri Bec

Écrire un commentaire

Optionnel