Cent quatre-vingt dix-neuvième anniversaire de la mort de l’empereur : « Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il eût probablement mieux valu qu’il n’eût pas existé ! » (Jacques Bainville)
Le 5 mai 1821, sur l’île de Sainte-Hélène s’éteignait l’empereur des Français. Celui qui avait fait trembler l’Europe pendant plus d’une décennie désirait que ses cendres reposassent « sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j'ai tant aimé ». Le vœu fut exaucé dix années plus tard lorsqu’à la tête de l’expédition La Belle Poule, le prince de Joinville, fils de Louis-Philippe, ramena de Sainte-Hélène la dépouille de l’empereur qui fut placée dans le caveau central des Invalides.
Ainsi s’achevait l’épopée impériale, funeste sur le plan politique mais source intarissable d’inspiration sur le plan littéraire. « Ô Corse à cheveux plats ! Que ta France était belle au grand soleil de messidor ! » chantait le poète Auguste Barbier. Une France qui, à l’apogée de l’Empire en 1811, totalisait 130 départements, des Bouches de l’Elbe au Latium. De quoi faire éternellement rêver ce cher Éric Zemmour toujours fasciné par la puissance d’une nation, surtout devant le spectacle de la décomposition qu’elle offre actuellement. Mais la puissance, pourquoi faire ? pourrait-on lui répondre, paraphrasant ainsi Bernanos. En effet, la puissance est pour une nation un moyen et non une fin. Il ne sert à rien d’être puissant si c’est pour servir un destin funeste. Hitler était très puissant en 1942 et Staline en 1945. Le principe d’une nation demeure avant tout le service du bien commun et non l’appétit de puissance.
Quant à Napoléon, il reste, malgré son génie indépassable, celui qui culbuta l’Europe à toute bride, passant sur le ventre des nations, supprima le Saint Empire Romain Germanique vieux de mille ans, prétendit libérer les peuples en les asservissant sous le joug de la Grande Armée et répandit par le fer et le sang l’idéal révolutionnaire qui devait réveiller le sentiment national tout au long du XIXe siècle et déboucher notamment sur l’unité allemande, pour le plus grand péril de l’équilibre européen. Il est enfin celui qui, sur le plan intérieur, permit à l’utopie révolutionnaire de s’enraciner durablement dans nos institutions, ce dont nous pâtissons toujours. Comme l’écrit Jacques Bainville, « sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il eût probablement mieux valu qu’il n’eût pas existé ! »
Par Benoît Dumoulin
L'Incorrect