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Michel Déon "je suis un écrivain réactionnaire, je le dis tout haut"

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Né à Paris le 4 août 1919, Michel Déon est décédé le 28 décembre dernier. Il appartenait au groupe des Hussards, les hommes libres de la littérature. Il avait publié plus d'une quarantaine d'ouvrages, parmi lesquels Les Gens de la Nuit (1958), les Poneys sauvages (1970), Le Jeune Homme vert (1975) et Un taxi mauve (1973) ou La montée du soir (1987). Il avait été élu en 1978 à l'Académie française.

Nous n'oublions pas qu'il faisait partie du comité de parrainage de Politique magazine.

Bien d'autres se sont chargés de lui rendre hommage. Nous apportons notre contribution en publiant quelques articles qui lui ont été consacrés.

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Le Midi Libre

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FigaroVox

Michel Déon, le jeune homme vert,

s'en est allé

 

 

PHOa6c99df2-2d3c-11e4-9abe-2885da635d83-805x453.jpgÉdouard Michel naquit à Paris le 4 août 1919. Et Michel Déon quelque vingt ans plus tard, quand le jeune homme choisit ce nom de plume pour signer ses premiers articles dans la presse, puis ses romans.

Les images de son enfance sont celles de la Côte d’Azur : son père y est alors conseiller du prince de Monaco. Le petit Édouard va donc au lycée sur le Rocher, puis à Nice. Remontant à Paris, il poursuit sa scolarité à Janson-de-Sailly. Enfin, bac en poche, il attaque son droit. Mais le coup de foudre a lieu dans la bibliothèque paternelle quelques années plus tôt : à 13 ans, l'adolescent découvre Charles Maurras. Le poète de Martigues, animateur de l'Action française, va exercer sur lui une influence considérable. Il restera fidèle à sa mémoire, qu'il estime injustement caricaturée, réduite à des slogans. Interrogé, bien des années plus tard, Déon déclarera : « Lorsqu’on me demande pour qui je vote, je réponds que je suis de toute façon monarchiste depuis ma jeunesse et que je n'en démordrai pas. » « Je suis un écrivain réactionnaire, je le dis tout haut », proclamera même ce stendhalien, avouant pencher « pour une société aristocratique ». En politique, tous le savaient, Déon avançait courageusement, et sans masque…

Mobilisé en 1939, il rejoint la capitale des Gaules en 1942, car c'est à Lyon qu'est repliée la presse parisienne, parmi laquelle L'Action française. Une aubaine pour Déon, qui, confessant ne s'être jamais remis de la défaite de 1940 - « Peut-on oublier la honte ?» - va côtoyer chaque jour le vieux Maurras dont il devient le secrétaire. Dès cette époque, il s'essaie à la littérature.

Après-guerre vient le temps des voyages. Il se sent comme en exil dans la France de la Libération. De 1946 à 1948 : Allemagne, Suisse, Italie, Portugal. En 1944 paraît un premier livre, Adieux à Sheila, qu'il réécrira en 1990, sous le titre Un souvenir. Les années d'apprentissage sont achevées, voici celles de l'amitié, de la littérature, des Hussards : Laurent, Blondin. Tandis que ce dernier écrit L'Europe buissonnière, Déon rédige son premier vrai roman, publié en 1950 : Je ne veux jamais l'oublier. « Blondin me disait toujours : “Toi, t'écris pour les gonzesses.” » Chez Déon, c'est vrai, peu de soûleries prodigieuses, d'amitiés poivrotes, même s'il déclarait : « Les buveurs d'eau me sont suspects. Son monde est plus secret, plus diffus ; l'humour et la charge y sont présents, mais l'analyse psychologique des sentiments, la délicatesse des teintes marquent avant tout.

Il se lie à André Fraigneau, Roland Laudenbach, Kléber Haedens… Du beau monde. Mais les jambes le démangent et, comme Paul Morand, il guette toujours les départs. En 1951, le voici boursier de la Fondation Rockefeller, partant pour les États-Unis. Il n'en continue pas moins de publier régulièrement : La Corrida en 1952, Le Dieu pâle en 1954, Lettre à un jeune Rastignac (libelle), Les Trompeuses Espérances en 1956.

De 1958 à 1961, Déon voyage presque constamment. C'est au cours de ces périples qu'il découvre Spetsai, une île grecque. Michel Déon et les îles : une histoire d'amour. « L’insomnie est peut-être une maladie inguérissable, expliquera-t-il. Elle impose l'immobilité, c'est-à-dire, en un sens, la condition essentielle de la paix intérieure. En 1964, il s'installe à Spetsai. Ce départ pour la Grèce change ses perspectives : « J'ai trouvé la pacification intérieure dès que j'ai quitté la France.» De ces années, il tirera des souvenirs : Le Balcon de Spetsai puis Le Rendez-vous de Patmos.

Mais on enferme trop Déon dans l'image du romancier nostalgique, raffiné, décrivant couchers de soleil et fantasques amours. Il fut également un redoutable pamphlétaire, véritable empêcheur de penser en rond. Sa Lettre à un jeune Rastignac est un modèle de libelle à l'adresse des jeunes ambitieux qu'il voyait se pousser avec ironie.

En 1967, ce maurrassien resté antigaulliste publia un texte furieux contre la France du Général : Mégalonose. Saisi par les services de police, le livre mourra au berceau, mais justifiera - si besoin était - l'éloignement de Déon.

Pourtant, des années plus tard, il conservera un regret de ce temps : « Il est permis d'avoir la nostalgie d'une époque où régnait une esthétique de vie, une esthétique politique, un pragmatisme politique, disparus au nom d'un moralisme tout à fait idéaliste. De Gaulle, c'était Sisyphe taillant sa route dans le roc, insensible et vaniteux, vexé à mort parce que son rocher lui retombait sur la tête. »

Prix Interallié et grand prix du roman de l'Académie française

Quelque temps plus tard, les honneurs lui arrivent coup sur coup. En 1970, ses Poneys sauvages obtiennent le prix Interallié. Roman de tous les engagements, Seconde Guerre mondiale, Algérie, guerre des Six-Jours - ce livre n'effraie pas le jury dans une France post-soixante-huitarde ; pas plus que les déclarations de son auteur ne choquent… « Je suis un homme de droite et je n'ai pas honte de l'avouer. Je sais que j'ai été écarté de deux prix à cause de quelques lignes. »

Et la consécration se poursuit : Un taxi mauve reçoit le grand prix du roman de l'Académie française, puis Le Jeune Homme vert (1975) obtient un grand succès public ; enfin, en 1978, Déon rejoint la Coupole, élu au fauteuil de Jean Rostand, en même temps qu'Edgar Faure. « Moi qui ai si longtemps cultivé mes différences, je vais enfin tenter de cultiver mes ressemblances avec des gens qui me sont parfois opposés », remarque-t-il alors.

Il y avait été poussé par ses amis Félicien Marceau, Jean d'Ormesson et Maurice Rheims. Avant eux, Paul Morand le lui avait aussi conseillé. Même en habit vert, Déon n'en revendique pas moins un « certain anarchisme de droite, un pessimisme qui vise à la lucidité ». Mais l'Académie n'est pas un enterrement de première classe. Déon continue à écrire, explorant des régions qui lui sont inconnues, comme le théâtre. Déjà, il avait écrit des pièces radiophoniques : une adaptation du Claire de Chardonne, de la Colette Baudoche de Barrès… et même un opéra-bouffe avec Pierre Petit : Furia italiana. Mais il tenait beaucoup à ses pièces, Ma vie n'est plus un roman (1987) et Ariane, ou l'Oubli (1993).

Dans sa maison d'Old Rectory, en Irlande (une autre île…), il vit avec sa femme, Chantal, élève des chevaux, vient en France signer ses livres, en acheter d'autres, recevoir à l'Académie ses amis Jacques Laurent, Hélène Carrère d'Encausse ou Frédéric Vitoux. Mais il sait encore être mordant quand il doit y faire l'éloge de Jacques de Bourbon Busset, si éloigné de lui.

Avec générosité, une ouverture d'esprit jamais en défaut, il encourage des écrivains débutants nommés Emmanuel Carrère, Jean Rolin, Brina Svit. Il héberge Michel Houellebecq dans sa retraite de Tinagh, intrigué, séduit puis irrité par l'auteur des Particules élémentaires qui se révèle un hôte encombrant.

L'élève est devenu un maître, et un ami ; de nombreux auteurs se reconnaissent en lui : Stéphane Denis, Éric Neuhoff, qui lui consacre une monographie. Et Patrick Besson, lequel écrit : « Déon est un romancier pour une certaine jeunesse, celle qui préfère les femmes mûres aux catamarans et les voyages aux expéditions. Il s'adresse avant tout aux rêveurs de 20 ans et aux rêveuses de 17. »

Déon ne se fait pourtant guère d'illusion sur la littérature de son temps. « Entre 1920 et 1940, il y avait une réelle qualité d'écrivains. L'après-guerre n'a produit aucun chef-d’œuvre. Et de citer Larbaud, Montherlant, Morand, Drieu la Rochelle, Aragon, ces « écrivains qui caressent des secrets, dont l'ombre passe entre les lignes de leurs livres ». Il s'inscrit incontestablement dans leur lignée : « Si j'ai écrit des livres, confessait-il, c'est peut-être pour répondre au besoin de vivre les histoires que d'autres n'ont pas toujours su me raconter. »   

« Lorsqu’on me demande pour qui je vote, je réponds que je suis de toute façon monarchiste depuis ma jeunesse et que je n'en démordrai pas. »  « Je suis un écrivain réactionnaire, je le dis tout haut » Michel Déon

Nicolas d'Estienne d'Orves   (FigaroVox)

 

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Boulevard Voltaire

 

Michel Déon, le dernier Hussard

 

 

 
 
Journaliste, ancien grand reporter à France 3 Alsace

Michel Déon, le dernier « Hussard », le « jeune homme vert », n’avait guère les faveurs des gazettes littéraires bien-pensantes… Un ostracisme qu’il partageait outre-Rhin avec l’un des plus grands écrivains européens du siècle dernier, l’Allemand Ernst Jünger qui, comme lui, restera sans doute à tout jamais l’exemple rare d’une « littérature qui ne se donne pas aux éphémères », selon l’élégante formule de son ami, Dominique de Roux, mort, lui, trop tôt, à 42 ans.

Avant de partir vivre en Grèce, qui lui a inspiré ses plus beaux récits (Le Rendez-vous de Patmos, Le Balcon de Spetsai, etc.), Michel Déon avait partagé durant la guerre à Lyon l’aventure éditoriale de Charles Maurras, comme secrétaire de rédaction de l’Action française.

Dans les années 50, Michel Déon, bien qu’il s’en défendît parfois, avait rejoint « ce groupe de jeunes écrivains que, par commodité, je nommerai fascistes », comme les diabolisa Bernard Frank, dans Les Temps modernes, les affublant néanmoins du joli nom de « Hussards » qui passera à la postérité. L’amour du style, un style bref, cinglant (« à chaque phrase, il y a mort d’homme ») caractérisaient ces « Hussards » réunis autour de Roger Nimier, le plus brillant d’entre eux, Blondin, le plus insolent, François Nourissier, Félicien Marceau ou encore Jacques Laurent, plus grand public.

Hétéroclites certes, hérétiques virulents dans leur négation de l’existentialisme ambiant, ils ferraillaient contre l’intellectualisme engagé de Saint-Germain-des-Prés. Dans leur ligne de mire, le « pape » de l’existentialisme, Jean-Paul Sartre, et Simone de Beauvoir, qu’Antoine Blondin, en singe désaltéré, rhabilla pour l’hiver : « Un agrégé replet et une amazone altière troussaient des concepts en toute simplicité à deux pas du croquant, comme on fabrique des gaufres. »

La plupart des Hussards, Roger Nimier en tête, militeront pour l’Algérie française, manifestant ouvertement leur hostilité à la politique du général de Gaulle en Algérie. Michel Déon retrace cette épopée dans Les Gens de la nuit, dont le grand prêtre fut sans conteste Antoine Blondin : « Le noctambule qui découvre, chaque nuit, une métaphysique dans la machine à sous d’un bar tabac de la rue du Bac. »

Puis Michel Déon s’éloigna de ces nuits trop arrosées pour la lumière de la mer Égée où il partagea la vie du peuple grec qui, aujourd’hui comme hier, « mange, boit, chante, danse, peine, souffre, et un jour meurt, passant du rire aux larmes aussi vite qu’il passe des larmes au rire ».

Et même s’il a voulu en faire abstraction, la mythologie l’a souvent rattrapé, omniprésente dans la vie quotidienne :

« Depuis Ulysse et Thésée, nous savons que les Grecs ont plusieurs vérités mais ce qui est en cause ce n’est pas leur sincérité, c’est leur double appartenance : à l’Occident par le goût et parce qu’ils lui ont donné une civilisation, à l’Orient par nature et parce que la géographie les oblige. »

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Entretien réalisé par José Meidinger.

Michel Déon a fait découvrir et aimer la Grèce à des générations de philhellènes. Livres à la main, nous avons couru et courons encore ces îles magiques qu’il a arpentées inlassablement avant de se retirer en Irlande, « la Grèce du Nord ». À 94 ans, le dernier Hussard, compagnon de Nimier, Blondin et Laurent, n’a rien renié de son « histoire d’amour avec la Grèce » Extraits de l’entretien qu’il nous avait accordé pour Bonjour Athènes.

 

Un jour, Michel Déon, vous avez quitté le soleil de Spetsai pour les brumes de l’Irlande, vous avez déserté, oui déserté, la Grèce…

D’abord, je n’ai pas « déserté » la Grèce, mais après une dizaine d’années sans guère quitter mon île de Spetsai, j’ai dû, pour mon travail et l’éducation de mes enfants, passer un hiver au Portugal, puis des hivers en Irlande.

Le parfum de ces îles, Spetsai, Patmos, Hydra, leur séduction n’opéraient plus, un peu comme une histoire d’amour qui se terminait ?

C’est vrai que je me suis installé ailleurs sur la pression des changements qui s’opéraient autour du Paleo Limani (vieux port) de Spetsai. Là où nous étions quelques complices à peupler ce cap admirable et, autrefois, désert, sont venus se coller à grands frais et grands bruits de puissantes et vulgaires fortunes sans aucun respect pour les traditions et l’architecture de l’île. […] Mais je peux vous garantir que, même si je n’y vis plus, la Grèce est en moi et dans mes livres jusqu’à mon dernier souffle. Mes écrits en témoignent avec la même ferveur qu’à la première révélation.Une histoire d’amour qui n’aura pas de fin…

Ici comme ailleurs, le temps de la « splendeur nue » est révolu. Même défigurée, la vie grecque garde-t-elle une partie de sa magie ?

Naturellement, la vie grecque a gardé de sa magie. Il suffit de s’éloigner des centres touristiques, de choisir sa saison (les hivers et les printemps sont sublimes), ses amis et, surtout, d’emporter avec soi quelques livres essentiels qui abolissent les siècles. Et fuir le kitsch, le toc, le préfabriqué, le luxe grossier des nouveaux riches, les moteurs, une triste architecture moderne. Je hurle quand à une question posée en grec on me répond en pidgin anglais…

Les dieux ont quitté la Grèce, Apollon s’est-il suicidé ?

Oubliez ça et trouvez dix minutes de silence sur l’Acropole, au cap Sounion, à Patmos, face à un coucher de soleil ou à une aube radieuse. Alors, vraiment oui, les dieux existent encore et nous sommes leurs enfants.

J’ai lu quelque part que « l’âpre Irlande convenait mieux à votre désenchantement stendhalien »

« L’âpre Irlande » n’a rien à voir avec ce que vous appelez un « désenchantement stendhalien ». C’est un pays assez rude malgré ses fées et ses fantômes qui me tiennent éveillé. J’aime être fouetté par le vent et la pluie, pincé par le froid qui donnent l’illusion d’exister.

Irlande ou Patagonie, il ne reste plus beaucoup de terres sauvages pour les hommes assoiffés de liberté…

En ce qui concerne la liberté, il y a longtemps que j’en ai fait mon affaire personnelle et ne me suis pas trop mal défendu dans ce monde où, chaque jour, on attente je ne dirais pas à notre liberté mais à nos libertés.

Commentaires

  • Bonne et heureuse année 2017 aux conseillers départementaux. Je leur souhaite tout particulièrement une solide santé pour continuer à assurer leur mandat face à l'assaut de la
    coalition PS/LR

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