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Livres - Page 3

  • Livre - Notre sélection : L’histoire plurimillénaire de l’Afrique racontée par Bernard Lugan

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    Des origines de l’Homme aux conflits d’aujourd’hui, au fil de 250 cartes accompagnées de notices explicatives, cet atlas inscrit sur la longue durée, fait le bilan des connaissances historiques autour du continent africain à travers les permanences et les ruptures qui expliquent les crises actuelles et qui permettent d’annoncer celles de demain.Atlas.jpg

    Cet ouvrage, sans équivalent, est l’outil de référence indispensable à tous ceux qui veulent connaître les constantes historiques et ethniques qui fondent la géopolitique de l’Afrique, ou plus exactement des Afriques, et sans la connaissance desquelles tout ce qui est dit ou écrit sur ce continent relève de l’artificialité.

    Bernard Lugan a écrit plus de 30 ouvrages consacrés à l’Afrique. Il est universitaire et expert auprès du TPIR (ONU). Il fut professeur à l’École de Guerre et aux Écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan. Il dirige la revue par Internet l’Afrique Réelle.

    Bernard Lugan, Atlas historique de l’Afrique , Des origines à nos jours, éditions du Rocher, 424 pages – 25,90 €, Parution 26 septembre 2018.

     

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    L'analyse de Media Presse Info

    L’africaniste Bernard Lugan, expert auprès du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, fut professeur à l’Ecole de Guerre et aux Ecoles de Saint-Cyr-Coëtquidan. Il dirige la revue L’Afrique Réelle et a écrit plus d’une trentaine d’ouvrages consacrés à l’Afrique.

    Son nouvel Atlas historique de l’Afrique est un précieux outil pour mieux comprendre les différentes mutations qui ont rythmé l’histoire du continent africain, des origines à nos jours. 250 cartes commentées par l’auteur permettent d’observer les différences qui caractérisent ce continent (désert, forêts denses, variétés ethno-linguistiques, religions, démographie…) ainsi que de suivre son évolution historique.

    Il y eut d’abord les changements climatiques dont les conséquences ne furent pas les mêmes en Afrique de l’Ouest ou en Afrique orientale et australe, et qui expliquent le “miracle” égyptien avec la vallée du Nil. Puis, aux VIIe et VIIIe siècles, l’islamisation de l’Afrique du Nord entraîna la cassure nord-sud du monde méditerranéen et l’apparition d’un front mouvant entre chrétienté et islam qui ne fut stabilisé qu’au XVIIe siècle. A partir du XVIIIe siècle, on vit apparaître des Etats forts, phénomène qui se produisit dans toute l’Afrique au sud du Sahara et qui présente de grandes différences régionales. Ainsi, dans la région sahélo-soudanaise, le jihad servit de paravent à la volonté impérialiste de sultanats nordistes qui entreprirent de s’étendre aux dépens d’entités animistes sahéliennes, comme les royaumes bambara. Tandis qu’en Afrique centrale ou australe, des empires ethno-centrés furent formés par le rassemblement de tribus ou de clans appartenant aux mêmes ensembles ethniques, comme les royaumes Luba, Lunda, Shona, Zulu ou celui d’Imerina à Madagascar. Dans les années 1880 s’ouvrit la période coloniale, brève parenthèse de moins d’un siècle puisque la décennie 1960 apporta la décolonisation, les anciens dominés de l’époque pré-coloniale héritant généralement des Etats créés par les colonisateurs. Ensuite, durant la guerre froide, l’Afrique devenue indépendante fut contrainte d’adopter une histoire qui n’était pas la sienne en entrant dans la clientèle de l’un ou l’autre bloc. A la disparition de ceux-ci, dans les années 1990, les vrais problèmes se posèrent : ethniques, culturels, politiques et parfois religieux, avant d’être économiques. Bernard Lugan nous montre qu’au moment où l’Afrique aurait pu renouer avec son histoire, elle en fut empêchée par la démocratisation, synonyme de loi du nombre au profit des ethnies les plus nombreuses, débouchant sur des troubles, des émeutes, des guerres, des massacres et même un génocide au Rwanda. L’ouvrage se termine au plus près de l’actualité avec la décomposition de la Libye, le jihadisme sahélien, les questions du Mali, la guerre de Boko Haram et les mutations sud-africaines.

  • Livre - Notre sélection : Roger Nimier. Masculin, singulier, pluriel

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    « Nimier écrit en français direct vivant, pas en français de traduction, raplati, mort » proclamait Céline dans une lettre à un confrère et néanmoins ami, pour dire son estime à l’égard d’un cadet.

    Il est vrai que Roger Nimier (1925-1962), disparu comme Albert Camus ou Jean-René Huguenin dans un accident de voiture, s’était démené sans compter pour sortir Céline du purgatoire. C’est l’une des nombreuses facettes de cet écrivain attachant qu’étudie avec rigueur et sympathie Alain Cresciucci dans une biographie qui est aussi et surtout le portrait d’« une génération heureuse qui aura eu vingt ans pour la fin du monde civilisé ».

    Nimier.jpgGénie littéraire à la monstrueuse précocité, dont son condisciple Michel Tournier a témoigné, Roger Nimier publia sept livres, cinq romans (dont Le Hussard bleu) et deux essais (dont Le Grand d’Espagne), en cinq ans, avant même d’atteindre la trentaine. Un météore donc, lui aussi, qui, en quelques années, s’impose comme le chef des Hussards, ces impertinents qui se rebellent contre le règne des idéologues marxistes et des pions humanitaires – Sartre et tutti quanti. « Libertin du siècle », comme il se définissait lui-même, Roger Nimier fut le fils spirituel de Georges Bernanos, qu’il rencontra lors de son retour d’exil. Mais aussi de Malraux et de Drieu la Rochelle, et, bien plus haut, de Retz et de La Rochefoucauld. Romancier mélancolique, critique implacable, éditeur d’élite chez Gallimard (Céline et Morand lui doivent leur renaissance), dialoguiste de cinéma (entre autres pour Louis Malle dans le sublime Ascenseur pour l’échafaud), Nimier aurait pu devenir, sans cet accident stupide au volant d’une Aston Martin, l’un des maîtres de sa génération.

    Quinze ans après sa mort, son ami Pol Vandromme, inconsolable, le saluait en ces termes : « Son existence est humble et aristocratique. Il a découvert le rugby dont le goût rejoint bientôt chez lui celui des armes anciennes, du dessin, de la papeterie, des condiments, du champagne et de l’eau fraîche, tout ce qui brûle ou ce qui glace, tout ce qui fait la vie plus sage et plus virile, plus fidèle et plus forte. »

    Christopher Gérard

    Metamag

  • Livre, notre sélection : "Manuel de l'anti-tourisme"

     

    « Le tourisme représente

    la fin de l’aventure »

     

    Entretien avec Rodolphe Christin, auteur du "Manuel de l'anti-tourisme"

     
     

    Dans son dernier livre Manuel de l’anti-tourisme, Rodolphe Christin s’en prend avec témérité à ce qui est devenu l’horizon indépassable de l’accomplissement de nos sociétés occidentales ou économiquement bien portantes : le tourisme.


    Matthieu Delaunay. Pourquoi prendre à rebours la marche du monde qui tend à rendre accessible chaque recoin de la planète qu’on appelait encore récemment ses « confins » ?

    Rodolphe Christin. Ce livre est né du constat, agacé tout de même, de l’ampleur de la mise en ordre touristique du monde. Je tente de comprendre pourquoi et comment le tourisme est devenu la première industrie mondiale. Les Français sont bien placés pour être confrontés à ce genre d’interrogation puisque la France reste une destination de choix. L’objectif du Manuel de l’anti tourisme, est de sortir du consensus dont bénéficiait la machine touristique, y compris dans les milieux les plus contestataires. Le géographe Philippe Bourdeau explique à juste titre que le tourisme, comme industrie du « bien », qui prétend faire du bien, a longtemps été une machine à dépolitiser les réalités qu’elle produit. Je suis tenté de parler au passé car il semble que, depuis quelques temps, les choses changent : on observe ici et là des mouvements d’opposition à des projets touristiques (comme dans la forêt des Chambarans, en Isère, contre l’implantation d’un Center Parcs), ou bien des vagues de contestation dans des grandes villes sur-fréquentées comme Venise, Barcelone ou Dubrovnik. Ces villes n’en peuvent plus : le tourisme rend trop souvent les territoires invivables. Les zones les plus touristiques tendent à se refermer sur elles-mêmes et leurs habitants sont contraints de fuir.

    Depuis que le tourisme existe, le monde n’est pas devenu meilleur.

    Pourquoi les gens voyagent-ils ? Est-ce que c’est seulement à cause de la publicité, ou est-ce que ça a remplacé autre chose ? Comment inciter à voyager moins ? Peut-on voyager mieux ?

    Le voyage est une structure anthropologique de l’imaginaire, pour parler comme l’anthropologue Gilbert Durand. Il signifie une logique du désir fortement enracinée qui pousse certains individus ou groupes à vouloir explorer ce qui existe au-delà de la montagne, de la vallée, de l’océan. Cette pulsion, ancienne comme l’humanité, traverse les époques et les cultures et révèle une disposition humaine au déplacement, à l’acquisition de connaissances et de nouvelles expériences, à l’exploration de nouveaux territoires de vie. Le tourisme, en tant que phénomène historique et social, est plus récent : pour aller vite, il a eu besoin de la révolution industrielle et de la généralisation du salariat pour devenir une modalité incontournable de la société de consommation. Le tourisme est le pur produit du capitalisme. Pour se déployer, ce phénomène a nécessité la création d’infrastructures et de technologies facilitant les déplacements. Pour que le tourisme se développe, le déplacement ne doit plus être une épreuve physique et psychologique. Sur ce plan, le tourisme représente la fin de l’aventure.

    Croyez-vous que la masse de touristes, chaque année plus grande, apprend de ses voyages ?

    Toutes les expériences enseignent quelque chose, les touristes apprennent comme tout le monde. Touristes et opérateurs de tourisme sont beaucoup plus opportunistes et tacticiens qu’idiots.

    Qu’est-ce que le monde peut gagner avec le tourisme ?

    De l’argent. Mais la manne est loin de bénéficier à tout le monde de manière équitable. Le tourisme brasse de l’argent grâce à des flux exogènes aux territoires d’accueil, ce qui rend l’économie touristique fragile et dépendante. Quant à la prétendue ouverture d’esprit que permettrait l’accès touristique au monde, sur ce plan rien n’est prouvé : la Méditerranée, première région touristique mondiale où la culture de l’accueil et de l’échange pourrait en conséquence être forte, est une région où la répression des migrants sait se faire impitoyable. Depuis que le tourisme existe, le monde n’est pas devenu meilleur. Le touriste sait profiter de son prochain en vacances aussi bien qu’au travail. Cette prétendue industrie du bien est une industrie aussi toxique que d’autres cracheuses de fumées.

    Quelle nuance faites-vous, si nuance vous faites, entre le voyage et le tourisme ?

    Le tourisme est le produit d’une époque tandis que le voyage relève d’une dimension anthropologique de l’esprit. Une quête le motive. On ne le trouve plus qu’en creux, au hasard de certaines expériences. En revanche, le tourisme est un acte marchand aujourd’hui incontournable. Aucun voyageur n’y échappe et le voyage n’existe plus que dans le secret de la conscience.

    Que répondez-vous à ceux qui considèrent le tourisme comme un moyen de développement sûr, rapide et efficace des populations pauvres ?

    Le tourisme n’a pas éradiqué la pauvreté, nous le saurions déjà. Son économie est fragile pour la raison avancée plus haut : trop dépendante de flux exogènes, l’économie touristique n’est pas autonome. En outre, son personnel souffre d’une indéniable précarité. Le tourisme est un anti-voyage.

    Vous écrivez que le tourisme est une « modalité du management du monde ». Pouvez-vous l’expliquer ?

    Le tourisme est une manière de faire de l’argent qui intéresse autant les opérateurs privés que les pouvoirs publics. Il est d’ailleurs étonnant de voir comment l’argent du contribuable peut être mis au service d’intérêts particuliers, sans que cela ne provoque le scandale. Le tourisme suppose une modélisation des territoires de manière à les rendre touristiquement accueillants, c’est-à-dire rentables. Le tourisme exige donc un type d’aménagement du territoire adéquat, de manière à les rendre attractifs et achetables, fréquentables pour des nombres importants de visiteurs. Si les touristes s’émancipaient de l’enchantement qui recouvre d’illusions leurs pratiques, s’ils voulaient avoir accès au dessous des affaires, s’ils découvraient qu’ils ne sont que des pions inclus dans des flux qu’il faut gérer pour faire un maximum de profit, il est probable que le plaisir du tourisme s’évanouirait aussitôt. Avec lui, la liberté des vacances est illusoire.

    N’y-a-t-il pas un paradoxe dans le terme « tourisme enfermé » que vous utilisez ?

    Vous avez raison. Si au départ le désir touristique rejoignait le désir de découvrir l’altérité, bien souvent celui-ci s’est retourné sur lui-même : le tourisme devient désir de tourisme qui adore les lieux clos où l’on vit entre soi, à l’écart des autochtones qui ne peuvent intervenir que s’ils sont au service du touriste. Voilà pourquoi je répète que le tourisme est un anti-voyage.

    Considérez-vous qu’il n’est aujourd’hui plus possible de vagabonder librement à travers le monde ? Croyez-vous qu’un voyage gratuit et pur dans ses fondements est encore possible ?

    Le voyage « pur dans ses fondement » n’existe pas, le voyage est le résultat d’un travail philosophique sur le sens de la vie, une mise en interrogation du monde. Quant à la liberté de vagabonder, cela devient difficile de la trouver dans un monde qui préfère faire circuler les marchandises que voir « librement » circuler les individus, à une exception près : tout est possible pour qui possède suffisamment d’argent, et qui donc en rapporte à d’autres.

    Causeur

  • Livre - Notre sélection : "Eric Zémour - Itinéraire d'un insoumis"

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    Par Hilaire de Crémiers

    Politique magazine

    Eric Zemmour a la simplicité du courage vrai, avec en plus ce courage moral qui est devenu aujourd’hui une vertu si rare. Son talent, c’est l’écriture et la parole, une parole qui n’est chez lui qu’une autre forme d’écriture. Tout ce qu’il dit, même à l’emporte-pièce, a déjà été pensé, travaillé dans son esprit et c’est pourquoi il est toujours pertinent. Il l’est même de plus en plus ; c’est le fruit d’une expérience soutenue avec constance, d’une activité intellectuelle continue, d’un souci permanent de l’exactitude et de la justesse, tant dans la connaissance et le jugement que dans l’expression pour la meilleure des compréhensions. Lire ou entendre un billet de Zemmour est un régal pour un Français cultivé, honnête et de bonne foi. Inutile de qualifier ce qui caractérise ses ennemis, ceux qui ne peuvent supporter sa personne ni ses propos.
    Il déplaît comme il plaît et pour les mêmes raisons.

    Alors, pourquoi plaît-il ? Cette question suffit et la réponse vaudra de même pour l’interrogation contraire. Pour le savoir il suffit de lire le remarquable essai que Danièle Masson lui consacre. C’est plus et mieux qu’une biographie, avec ces mêmes qualités d’intelligence, de clarté, de style juste et direct pour analyser ce qu’il convient d’appeler « le cas Zemmour ». En chapitres rapides, précis, elle traite de son sujet qui l’a, par sa singularité, « interpellée » pour reprendre le mot du jargon actuel, en fait étonnée, intéressée, à la vérité captivée. La vie et l’œuvre de Zemmour passent sous son regard attentif, aigu et bienveillant, aussi admiratif qu’amusé. Danièle Masson est philosophe sans le dire ; elle a côtoyé Gustave Thibon et Maurice Clavel ; nul mieux qu’elle ne connaît Simone Weil et, élève de Jacqueline de Romilly et de Pierre Grimal, rien de la pensée antique ne lui échappe – « rien de ce qui est humain ne lui est étranger » – , pas plus que de la pensée moderne qu’elle a analysée et critiquée. C’est toute notre tradition helléno-latine et française qui, en quelque sorte, à travers elle, regarde Zemmour, et qui se réjouit finalement du seul fait qu’il existe et tel qu’il est. Il fallait rien moins qu’un fils de famille juive d’Algérie, né à Montreuil, grandi dans le peuple et avec le peuple, au milieu des Français de souche et des Maghrébins, qui sait donc tout de la société en vérité et qui n’a cessé d’approfondir comme naturellement, mais en une longue persévérance, son amour de la France, de l’histoire, de la littérature, de la vie de son pays.

    C’est ce qui fait toute la force de son jugement qui n’en devient que plus redoutable. Il dit tout haut ce que la France, la vraie France, pense tout bas. Et toute la bande des bourgeois qui prétendent mener la France, gouverner les Français, penser pour eux, tous élevés dans les bonnes écoles, tous profiteurs de la société, tous renégats de leur religion, de leur histoire, de leurs familles, de leur patrie, ne peuvent pas le supporter, évidemment. Il leur dit la vérité, leur vérité. Il les a dépeints tels qu’ils sont : répugnants et ridicules. Tous amis de la trahison, au cours des quarante dernières années de décadence où ils se sont servis !

    Et, cependant, Zemmour n’est pas un bloc figé de pensées et d’attitudes : son œuvre et sa vie en témoignent. Il aime Napoléon qui a pu incarner – mais trop à sa manière – une force et une gloire françaises ; et de Gaulle pareillement ; mais, il aime de plus en plus, à l’école de Bainville, les quarante rois qui, en mille ans, ont fait la France. Danièle Masson, dans les derniers chapitres de son essai, note sa réflexion religieuse. Éric Zemmour est si français qu’il attache la plus extrême importance à la conservation du catholicisme traditionnel qui est l’âme de la France. Il se désespère de voir l’islam conquérir peu à peu et inexorablement notre pauvre pays avec la complicité active de dirigeants politiques et religieux d’une lâcheté et d’une imbécillité inqualifiables. Il est triste pour la France. Il voit, il dit, il prédit : il y a du prophète chez Zemmour.

    Éric Zemmour, Itinéraire d’un insoumis, Danièle Masson, Essai, Pierre Guillaume de Roux, 258 p, 23 €
  • Charles Maurras, à lire avant de juger

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    Par Jean Sévilla dans Figaro magazine

    Sévilla.jpgLe 28 janvier dernier, le ministère de la Culture annonçait le retrait de la notice consacrée à Charles Maurras, né il y a cent cinquante ans, dans le Livre des commémorations nationales de 2018, à la suite de protestations contre la mention dans ce document officiel d'un écrivain réputé pour son antisémitisme. « Commémorer Maurras, ce n'est pas le célébrer », répliquaient les historiens du Haut Comité des commémorations nationales, avant que dix des douze membres de ce comité ne présentent collectivement leur démission. Pendant plusieurs semaines, le nom de Maurras alimenta la polémique. « Doit-on republier l'infâme ? », s'interrogea Libération (2-3 février 2018), à propos de la parution d'une anthologie de Maurras. Dans Le Nouveau Magazine littéraire (mars 2018), Claude Askolovitch vitupéra sur quatre pages « le retour d'une icône fasciste ».

    Déroulées mécaniquement, ces charges laissaient cependant l'impression que certains se donnaient bonne conscience en vilipendant un personnage dont, en réalité, ils ne savaient rien. Peu après l'entrée de François Hollande à l'Elysée, en 2012, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui avait été la porte-parole de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, avait déjà fait le coup en mettant en cause Patrick Buisson, le conseiller du candidat battu, l'accusant d'avoir travaillé non au succès du président sortant, mais d'avoir voulu « faire gagner Charles Maurras ». Si on avait demandé à l'ancienne ministre d'expliquer en détail qui était celui-ci, sans doute aurait-elle été embarrassée.

    Dans Le Monde du 18 novembre 1952, deux jours après la mort de Maurras, André Fontaine écrivait ces lignes : « Devant cette tombe ouverte, devant le corps d'un homme qui, cinquante ans durant, a honoré les lettres et le génie français, ne serait-il plus possible de tenter d'être juste ? » Pour le centième anniversaire de sa naissance, le même journal, le 20 avril 1968, consacrait une double page à Charles Maurras, avec un article critique de l'académicien Pierre-Henri Simon (« Puissance et fissures d'une pensée »), et un autre de Gilbert Comte, un journaliste maison, qui invitait à redécouvrir, au-delà du « Maurras intraitable des quinze dernières années, durci par le malheur, figé dans son orthodoxie », le « jeune prophète conquérant du renouveau royaliste ». En 2018, là est le paradoxe : l'aversion à l'égard de Maurras est inversement proportionnelle à son éloignement dans le temps.

    Admiré par Proust, Bergson, Péguy, Bernanos, Lacan

    Journaliste, philosophe politique, critique littéraire et poète, Maurras a été pendant la première moitié du XXe siècle une figure de la vie intellectuelle française. Proust, Apollinaire, Péguy, Malraux, Gide, Claudel ou Montherlant ont salué son talent. Outre Léon Daudet et Jacques Bainville, ses compagnons de l'Action française, la liste est longue de ceux qui ont été un jour maurrassiens : les philosophes Jacques Maritain, Gustave Thibon, Louis Althusser et Pierre Boutang, les historiens Pierre Gaxotte, Philippe Ariès et Raoul Girardet, les romanciers Georges Bernanos, Roger Nimier, Michel Déon et Jacques Laurent, les acteurs Pierre Fresnay et François Périer, le psychanalyste Jacques Lacan ou le linguiste Georges Dumézil. Si Maurras avait incarné le mal absolu, pourquoi ces esprits brillants se seraient-ils reconnu une dette envers lui ?

    Tout penseur doit être soumis à un bilan critique, ce qui suppose de connaître son œuvre. Entreprise malaisée, dans le cas de Maurras, auteur de milliers d'articles et d'une centaine de livres introuvables ailleurs que chez les bouquinistes. Or, voici enfin la possibilité de le lire grâce à la publication, dans la collection « Bouquins » de Robert Laffont, d'un volume de près de 1300 pages reprenant un choix de ses textes philosophiques, littéraires et politiques, et de ses poèmes. Cette édition, établie et présentée par Martin Motte, directeur d'études à l’École pratique des hautes études, est préfacée par Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint de la rédaction du Figaro Magazine, qui signe une utile introduction à la vie et à l'action d'un homme souvent cité, mais si peu connu.

    Simultanément, les Editions Pierre-Guillaume de Roux rééditent un essai du journaliste Jacques Paugam, L'Age d'or du maurrassisme, centré sur les débuts de Maurras. Dans ce livre, initialement paru en 1971, l'auteur, gaulliste et chrétien-démocrate, faisait « une formidable démonstration d'honnêteté intellectuelle », observe Michel De Jaeghere, directeur du Figaro Hors-série et du Figaro Histoire, qui préface cette réédition en ne négligeant chez Maurras « ni les zones d'ombre ni - c'est plus exceptionnel - les traits de lumière ».

    Né à Martigues, près de Marseille, en 1868, dans une famille de petite bourgeoisie, Charles Maurras, orphelin de père à 6 ans, grandit avec sa mère et son frère à Aix-en-Provence où il entreprend ses études au collège catholique. A 14 ans, atteint d'une surdité incurable, il est tenté par le suicide et perd la foi. Un de ses professeurs, l'abbé Penon, futur évêque de Moulins, prend en charge la direction morale du jeune homme : leur correspondance est une clé indispensable pour comprendre la vérité personnelle et privée de Maurras. Après son baccalauréat, en 1885, il gagne Paris où, sa surdité lui interdisant l'université, il passe des heures dans les bibliothèques et se lance dans la critique littéraire, se liant avec Maurice Barrès, Anatole France, Frédéric Mistral.

    Au cours des années 1891-1895, ayant vaincu son nihilisme, il fonde sa pensée sur l'idée que l'homme n'est pas la mesure de toute chose : il y a un ordre du monde auquel il doit se soumettre. Parallèlement, fondateur en poétique de l'Ecole romane, avec Jean Moréas et Raymond de la Tailhède, il élabore une esthétique classique. A travers le cas de George Sand et Alfred de Musset, Maurras dénoncera, dans Les Amants de Venise, l'amour romantique, dérèglement d'un sentiment qui n'a d'autre fin que lui-même.

    En 1896, il visite la Grèce et l'Italie. De ce voyage, il retient que la beauté n'est pas dans le nombre, qui peut s'accroître à l'infini, mais dans la composition. Le jeune écrivain, dont les racines sont méditerranéennes, voit a contrario dans la philosophie allemande la source des barbaries modernes. Contre Luther, Maurras pense que le libre examen est un principe anarchique ; contre Kant, que la loi morale ne peut être déterminée par la conscience individuelle ; contre Rousseau, que la base de la société n'est pas l'individu, mais la famille. Agnostique, il loue le catholicisme qui, selon lui, organise l'idée de Dieu, l'Eglise catholique restant à ses yeux un fondement de la civilisation occidentale.

    L'affaire Dreyfus

    Dès son arrivée à Paris, ayant souffert de la séparation d'avec la Provence, il avait fondé le Jeune Félibrige avec son ami Frédéric Amouretti, affirmant sa première idée politique : la nécessité de la décentralisation pour libérer le pays du carcan parisien. De Grèce, il était revenu avec deux certitudes. Primo, puisque la lutte des partis a précipité la fin d'Athènes, la démocratie n'est pas le meilleur des régimes. Secundo, le XXe siècle sera celui des nationalismes qui se sont exprimés aux nouveaux Jeux olympiques auxquels il a assisté à Athènes.

    L'affaire Dreyfus est la première bataille politique à laquelle Maurras prend part. Persuadé de la culpabilité du capitaine et de la régularité de sa condamnation, il estime que la France, son armée et ses lois doivent être au-dessus des malheurs d'un individu. Il résumera son sentiment par une boutade : « Si Dreyfus est innocent, il faut le faire maréchal de France, et fusiller ses dix premiers défenseurs.»

    En 1899, il rejoint L'Action française, une revue mensuelle au sein de laquelle il prend l'ascendant, gagnant ses fondateurs à ses propres idées. Devenu royaliste, Maurras entreprend en 1900 une Enquête sur la monarchie, d'abord auprès des représentants du prétendant au trône, le duc d'Orléans, puis auprès de personnalités nationalistes, recevant des adhésions, comme celle de Jacques Bainville, ou échouant à convaincre d'autres amis, comme Maurice Barrès, qui restera républicain.

    Pour Maurras, la République parlementaire, jouet des groupes de pression et de la démagogie électorale, n'assure pas le bien commun de la nation, instituant un Etat faible autour du personnel du régime, le «pays légal», qui se superpose au «pays réel» dont la représentation devrait être assurée au sein d'instances régionales, professionnelles et morales diversifiées. « L'autorité en haut, les libertés en bas », assure le nouveau théoricien royaliste.

    Désormais, la doctrine de Maurras est fixée, et sa vie se confond avec l'Action française, mouvement politique et journal quotidien à partir de 1908. Le volume de la collection « Bouquins » permet de suivre l'approfondissement de cette pensée, notamment ses points forts, comme L'Avenir de l'intelligence, essai où Maurras médite sur la situation des intellectuels à « l'âge de fer » du XXe siècle, ou Kiel et Tanger, livre qui inspirera la politique étrangère du général de Gaulle et que citera Georges Pompidou lors d'un discours à Sciences-Po, en 1972, et dans lequel Maurras expliquait que le rôle de la France était de fédérer les nations petites et moyennes pour équilibrer les coalitions réalisées autour des grandes puissances.

    Lire Maurras, cependant, c'est aussi rencontrer ses limites, ses apories, ses aveuglements et ses mots qui choquent, part indéfendable dont l'anthologie « Bouquins » ne dissimule rien. Elu à l'Académie française en 1938, n'ayant cessé de mettre en garde contre l'Allemagne (« Le racisme hitlérien nous fera assister au règne tout-puissant de sa Horde », avertissait-il en 1939), Maurras se ralliera au maréchal Pétain en 1940, persuadé que le maintien d'un État français laissait la possibilité d'un relèvement futur. Mais, enfermé dans cette position au fur et à mesure que Vichy perdait les éléments de souveraineté que lui avait laissés l'armistice, mal informé de la marche du monde, le vieil homme allait se discréditer en paraissant passif devant une occupation allemande qui lui faisait pourtant horreur, quand nombre de ses disciples s'engageaient dans la Résistance. Ces années noires vaudront à Maurras, en 1945, d'être condamné à la réclusion à perpétuité, arrachant ce mot au gaulliste François Mauriac : « Intelligence avec l'ennemi ? C'est bien la seule forme d'intelligence qu'il n'ait jamais eue

    Les préfaces respectives des deux ouvrages qui paraissent aujourd'hui analysent l'antisémitisme de Maurras qui, pour n'être pas stricto sensu racial - en octobre 1918, l'écrivain s'inclinera devant le sacrifice de Pierre David, « héros juif d'Action française » - et si peu consubstantiel à son système politique qu'il est absent de la pensée de son ami l'historien Jacques Bainville (mort en 1936), n'en relève pas moins, écrit Michel De Jaeghere, « d'un préjugé étrange, qu'on s'étonne de trouver si persistant et si vivace dans un esprit aussi large, aussi profond.»

    Mort en 1952, Maurras s'éloigne. Le lire, c'est distinguer chez lui l'essentiel et l'accessoire, l'inacceptable et ce qui, dégagé de la gangue de son temps, pourrait être fécond s'il était accordé aux enjeux de notre époque. Jean-Christophe Buisson souligne que Maurras est « un prophète du passé », mais que la modernité n'a pas englouti celui-ci puisque certains sujets qu'il a abordés « résonnent dans notre monde contemporain avec une troublante familiarité ».   

  • Livre - Notre sélection : Charles Maurras

     

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    L’œuvre de Maurras est aussi vaste que diverse. Outre la politique abordée sous l'angle d'une anthropologie fondamentale -notamment dans la Politique naturelle- ou dans les commentaires au jour le jour de l'Action française, elle comprend des essais critiques littéraire et philosophique, des récits autobiographiques, des récits de voyage, des nouvelles, un roman, de la poésie...

       Ce volume réunit les textes fondamentaux du directeur de l'Action française.

        Le choix opéré a été guidé par l'ambition de couvrir le champ le plus large possible, des textes fédéralistes de jeunesse à la somme de références que constitue Mes idées politiques (reprises presque in-extenso) en passant par la réflexion sur les rapports entre littérature et politique (L'Avenir de l'intelligence, Trois idées politiques) en philosophie et politique (Auguste Comte), mais aussi la politique étrangère et la géopolitique, avec de larges extraits de Kiel et Tanger, et le testament politique constitué par Votre bel Aujourd'hui, dans lequel Maurras revient sur la Seconde Guerre mondiale et adapte sa pensée au contexte de la guerre froide naissante, de la dissuasion nucléaire... Quant à la vingtaine d'articles de L'Action Française retenue, elle couvre les moments forts de l'analyse maurrassienne et en montre tant les grandeurs -dont la dénonciation du péril nazi dès le milieu des années 1920, non seulement comme menace géopolitique mais aussi comme aberration mentale- que les idées moins enthousiasmantes... Des extraits du procès de Maurras viennent compléter ce point.

       La partie autobiographique comprend les Quatre Nuits de Provence où Maurras conte à la fois son enfance et son initiation métaphysique, la préface à Sans la muraille des cyprès, confession d'une expérience traumatique qui lui inspire une leçon politique, la Confession de Denys Talon et des extraits d'Au signe de Flore, autobiographie politique où il explique la naissance de l'Action française.

    On trouve aussi dans le volume des textes consacrés aux arts et à la critique d'art, des récits de voyage, des méditations sur l'évolution du paysage à l'ère industrielle, de larges extraits des Amants de Venise (livre sur l'amour romantique appréhendé à travers la liaison de Musset et George Sand et même un long texte sur la cuisine provençale, et enfin la monographie consacrée à Frédéric Mistral dont il a été le maître et l'ami....

  • Notre sélection : "Réflexions sur la création théâtrale en France, 1981 - 2016". Un livre à ne pas laisser passer !

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    RÉFLEXIONS SUR LA CRÉATION THÉÂTRALE EN FRANCE 1981-2016 
     
    Pour une renaissance du drame
     
    Jean-Pierre Pelaez
    Préface de Christian Combaz
    LITTÉRATURE  ÉTUDE THÉÂTRALE 
     
     
    Dans cet ouvrage, à la fois essai, pamphlet et réflexion sur le théâtre de ces trente-cinq dernières années, l'auteur décrit les dérives d'une politique ministérielle technocratique, idéologiquement sectaire et qui a transformé le théâtre en un refuge pour une pseudo-élite. De faux iconoclastes et vrais carriéristes qui ont oublié que le vrai théâtre, fondé sur le drame, s'adresse à des publics, naïfs ou éclairés, plutôt qu'à des adeptes culturels.

    Jean-Pierre Pelaez, auteur dramatique, chroniqueur, a écrit de nombreux ouvrages dont Le Barillet qui a fait l'objet de milliers de représentations en France et dans une dizaine de pays étrangers. Plus récemment Le Tartuffe nouveau a été l'un des grands succès du Festival d'Avignon 2014.

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    Nous avons le plaisir de vous informer de la parution du dernier livre de Jean-Pierre Pelaez sur le théâtre actuel : c'est à la fois un pamphlet sur ses institutions, leur politisation et la censure qu'elles pratiquent, un essai et un plaidoyer pour un théâtre populaire et une renaissance du drame, étouffé par le culte de la mise en scène, et un témoignage sur le métier d'auteur dramatique aujourd'hui...
     
    Disponible directement sur commande aux Éditions de l'Harmattan - Paris (lien ci-dessous), ou en librairie (à Béziers, Librairie Clareton des Sources)
     
    http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=59341

    Broché - format : 13,5 x 21,5 cm

     

     

    ISBN : 978-2-343-14364-4 • 26 mars 2018 • 210 pages 
    EAN13 : 9782343143644

     

     

     Deux pages d'extrait. Cliquez ci-dessous

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  • Livre : notre sélection

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    Voilà un livre révélateur. Le féminisme « façon mai 68 » est en train d’agoniser.

    Marianne Durano, normalienne et mère de famille, montre à quel point la révolution sexuelle post-soixante-huitarde et la « libération de la femme » ont, en réalité, asservi les femmes à une nouvelle oppression : la dictature médicale du tout-contraception et la dictature pornographique qui réduit leur corps à un objet de plaisir.

    Mais ce livre n’est pas seulement révélateur de la naissance d’un nouveau féminisme, respectant les femmes au lieu d’en faire « des hommes comme les autres », mais aussi d’une nouvelle écologie, beaucoup plus proche des valeurs de droite que de l’utopie libertaire. Les temps changent !

    4ème de couverture :

    Et si les grandes victoires du féminisme renforçaient la domination masculine ?
    C'est en entendant les femmes témoigner de leur vécu que Marianne Durano a pris conscience de la nécessité d'un nouveau féminisme. Un féminisme qui prendrait soin de leur corps avec la même urgence que celle que l'on accorde à la protection de notre environnement. Pourquoi le corps féminin, maternel et la grossesse, par exemple, sont-ils oubliés, niés, bannis de l'émancipation des femmes ?
    Marianne Durano témoigne de son expérience personnelle de mère et de philosophe et bat en brèche le discours dominant. Une vision désincarnée de la liberté. L'auteure en appelle à une reprise en mains du corps des femmes par les femmes.
    Pour une véritable révolution.

  • Qu'on le veuille ou non, Le Pen, c'est notre histoire

    Pourquoi il faut lire les

    Mémoires de Jean-Marie Le Pen

    En près de 500 pages, le fondateur du Front national revient sur son enfance, la résistance, l'Algérie, Suez, de Gaulle et Mitterrand.

    Par Saïd Mahrane - LE POINT

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    Le livre est lourd de son poids (450 pages), comme le dossier de Jean-Marie Le Pen épais de ses condamnations et de ses frasques politiques. Mais enfin, ils sont là, ces Mémoires que beaucoup n'attendaient plus et qui finalement paraissent avec pour titre Le Fils de la nation (éditions Muller). Dans un discours mémorable contre les frontières prononcé à l'Unesco, Jean-Paul II s'était proclamé « fils de la nation » polonaise. Les intentions du mémorialiste qui nous occupe, pupille de la nation, ne sont pas de même nature, on le sait. De Jean-Marie Le Pen on croit d'ailleurs tout savoir, du pire au pire, sans jamais voir ce qu'il y a d'autre chez ce monsieur qui anime notre vie politique, même retiré, depuis plus de 50 ans. Alors, on est comme tourmenté quand, à la lecture de son livre, on en vient à avoir quelque émotion pour ce petit Breton qui, la main dans celle de sa mère, les larmes aux joues, s'en va reconnaître le corps de son père sur la plage de Saint-Gildas-de-Rhuys, après que son embarcation a sauté sur une mine : « Malgré maman, j'ai voulu voir et c'était horrible. Le visage n'est qu'une plaie livide, méconnaissable. » On est pris d'un sentiment étrange parce que rattrapé par cette idée, peut-être injuste, y compris lorsqu'il évoque la disparition de sa mère à 60 ans, victime d'un « collapsus », que Jean-Marie Le Pen est de ces personnages pour lesquels on ne saurait montrer la moindre empathie, car eux-mêmes n'en sont pas capables. C'est bête, en effet. Un fait vaut pour ce qu'il est. Un père qui meurt est un père qui meurt. Gageons que certains liront ces Mémoires avec une répugnance sincère ou surjouée, non pour ce qui y est écrit noir sur blanc, mais pour l'identité de celui qui tient la plume, forcément trempée dans une encre d'un noir maléfique. Qu'importe que ce texte, entamé un jour d'ennui dans le Pacifique, à 47 ans, soit bien composé, par moments lyrique et instructif quant à certaines périodes historiques, il est l'œuvre d'un facho. Dommage... Dommage de passer à côté d'un document aussi important. Car, qu'on le veuille ou non, Le Pen, c'est notre histoire. Dans le futur, un professeur de sciences politiques ferait une faute majeure en occultant l'influence, absolument capitale, du fondateur du FN sur nos esprits et notre représentation de la société. Des générations ont regardé le monde en prenant Le Pen comme un antimodèle. On ne compte plus le nombre de femmes et d'hommes qui se sont engagés en politique contre lui et, plus tard, contre sa descendance. 1984 et son Heure de vérité, 1986 et son entrée à l'Assemblée, 1987 et son « détail », le 21 avril 2002... et des bataillons de militants antiracistes dans les bras du Parti socialiste. Il fait rire ? Il faisait peur.

     

    Raconter l'histoire d'un Breton poussé dans la grande France.

    Le Pen-Fiancée.jpgOn parle ici d'un homme, maintes fois portraituré par d'autres, avec justesse ou des envies de démolition, né sous la IIIe République et qui a vécu la Seconde Guerre mondiale, combattu en Indochine, en Algérie ; qui a croisé et vilipendé le général de Gaulle – qui lui a d'abord paru... « laid » : « Un héros doit être beau » – et François Mitterrand. C'est cet homme aujourd'hui isolé et déchu qui écrit sa misère et sa splendeur d'hier, ce chansonnier flétri et instruit qui affirme simplement nous « raconter l'histoire d'un Breton poussé dans la grande France ». Ce récit, qui s'interrompt en 1972, est celui d'un nationaliste en construction, tiraillé entre son souhait de devenir père blanc et celui de jouir de la vie. À cette force de la nature s'ajoute un goût pour la lecture, la poésie et des contes antiques, qui lui fourniront esprit et citations au moment de foudroyer l'ennemi politique. En de jolis passages dignes d'un petit manuel d'ethnologie, il nous raconte sa Bretagne rurale, maritime, pauvre. Les liens de la famille y sont puissants, comme le rapport au Ciel. On baigne dans un univers océanique, à la fois envoûtant et dangereux, et dans des mythes ancestraux, où l'on regarde la mort en face. On y retrouve l'ambiance de ces ports peuplés de marins, d'alcooliques et de marlous, comme on en croise dans les livres de Stevenson. Il nous instruit de ce jargon étranger pour qui n'a jamais goûté la « godaille » (le meilleur de la pêche), et soudain, les pages défilant, nous échappe la conscience que c'est Le Pen qui narre cette histoire, la sienne, tant les choses sont parfaitement décrites, avec patience et mélodie, avant, cependant, qu'un paragraphe ou quelques lignes d'où suinte la doctrine bien connue (sur le rap, l'Église, les Arabes, la gauche...) ne viennent interrompre l'élan.

     

    Ni héros ni collabo

    Le Pen-Enfant.jpgIl a écouté Pétain à la radio, il a lu Maurras et s'est accepté tel « un héritier ». Jugez-le, mais c'était le lot de beaucoup de mômes de l'époque. Il révèle avoir fait cinq jours de prison... chez les jésuites, se vante d'avoir participé à un acte de résistance dans le maquis de Saint-Marcel armé de son pistolet 6.35 et rit de ce qui pourrait (selon lui) ressembler à un acte de collaboration en indiquant son chemin à un Allemand. Ni héros ni collabo, horrifié par l'épuration, il avoue avoir été tenté d'intégrer, en 1944, un groupe de résistants... communistes. Sur cette période comme, quelques pages plus loin, sur l'Algérie, les « fact-checkeurs » se feront sans doute une joie de réviser la copie. Entre de Gaulle et lui, on comprend qu'il n'y a pas que des considérations esthétiques ou l'Algérie, il y a aussi Robert Brasillach, son auteur fétiche, capable par ses Poèmes de Fresnes et la tragédie de son sort de lui arracher une larme. En 1945, le général a refusé de le gracier. « Je ne le lui ai pas pardonné. » Le Pen nous donne à voir l'autre partie du décor d'avant Mai-68, le Paris de la Corpo de droit, ses castagneurs (il portait des talons sur des chaussures de foot) et ses dragueurs du Quartier latin, mais aussi celui de Poujade, qui remportait les voix et les cœurs de ce peuple de « vivandiers » des Halles, où se mêlaient dénuement social et nostalgie de l'Algérie. C'était le Paris de Boris Vian, de la revue anti-gaulliste L'Esprit public, des hussards et du copain Roger Nimier, qui tenait la littérature pour un art, et non comme un support de l'existentialisme.

    La dernière charge anti-gaulliste d'un opposant qui lui fit face

    À 89 ans, Jean-Marie Le Pen, alias le « lieutenant Borniol » pour avoir, lors d'une expédition à Suez, enterré de son propre chef des morts musulmans la tête en direction de La Mecque, couche ses souvenirs et, du début à la fin de ce premier tome, on y devine, outre le désir de clamer ses vérités, une sorte de pamphlet. Un pamphlet contre le général de Gaulle (« un faux grand homme dont le destin fut d'aider la France à devenir petite »), personnage récurrent. Ce livre, qui, soyons clairs, n'est pas de l'acabit des Mémoires de guerre de l'homme du 18 Juin, est la dernière charge anti-gaulliste signée d'un opposant qui lui fit face. Pour le reste, pas de mea culpa ni de révélations à même de bouleverser le regard porté sur lui. Le tome 2, qui inclura les débuts du FN, l'ascension du chef et, plus tard, de sa fille Marine, cédera peut-être lui aussi aux règlements de comptes. Le fils de la nation a de la mémoire. Reste cet aveu : « La politique après tout, ce n'était peut-être pas absolument mon truc. J'étais plutôt, comment dire ? Une vigie, une sentinelle, un lanceur d'alerte [...], un emmerdeur, un prophète ? »

    Extraits :

    «  Mes grands-parents ne savaient pas lire mais surent donner une vie décente à leurs enfants. Ma paysanne de mère était élégante et fière, mon père, patron pêcheur taciturne, avait navigué pendant la Grande guerre, à treize ans, mousse sur un cap-hornier, ces cathédrales de toile et de bois qui affrontaient les quarantièmes rugissants. A la maison, il n’y avait pas l’eau courante mais on aimait sa famille, son pays et Dieu – et la Bretagne aussi, avec ses îles, ses navires. L’instituteur et le curé nous apprenaient à les chanter ensemble. En somme, j’étais un petit Breton heureux dans la grande France.
    Puis vint la Seconde guerre mondiale. Le père est mort, la France était blessée, des curés m’ont dégoûté de Dieu. C’est alors que j’ai découvert la folie des hommes, Paris, l’université, l’Indochine, l’Assemblée nationale, l’Algérie. J’eus une épouse et des filles. La vie s’offrait, tantôt magnifique, tantôt désolante. Le petit Breton avait grandi, la France rapetissé. Pour la relever, j’ai choisi le combat politique.  »

  • Livre : notre sélection

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    Connaître l’Islam

    C’est un traité simple et profond : l’Islam pour tous ceux qui veulent en parler, mais ne le connaissent pas vraiment. Il est devenu difficile de tenir sur l’Islam un discours clair et conforme à la réalité. Le conformisme ambiant, la peur d’être accusé de racisme ou d’islamophobie, concept forgé précisément afin d’en interdire toute critique et analyse, une vision erronée de la tolérance, une ignorance abyssale ont contribué, ces dernières décennies, tandis que l’implantation musulmane s’accroissait, à en présenter une image apaisée, « en phase avec la laïcité et la modernité », mais fausse. L’actualité ne cesse d’ailleurs de rappeler combien le discours officiel sur la question est mensonger et absurde, ce qui suscite, chez un nombre croissant de Français, interrogations et angoisses.

    C’est à ces gens ignorants, désinformés, inquiets, à raison, que s’adresse ce nouveau livre d’Annie Laurent, spécialiste incontestée du Proche-Orient et des rapports difficiles entre musulmans et chrétiens.

    À l’origine, il y a les Petites feuilles vertes publiées par l’association Clarifier, qui présentent, de manière synthétique et accessible mais très sérieuse et complète, l’histoire de l’Islam, ses courants, sa pensée, ses croyances, ses divisions internes, son droit, sa conception de la place de la femme dans la société, ses ambitions de domination mondiale, son recours à la violence institutionalisée, l’idée qu’il se fait de ses rapports avec les autres religions.

    Dans ces dossiers, enfin regroupés et mis à la portée de tous, Annie Laurent n’emploie pas la langue de bois. Jamais elle ne prétendra, comme il est de bon ton de le dire, que l’Islam est une « religion de paix, de tolérance et d’amour ». Elle sait qu’entretenir de tels mensonges désarme des populations d’accueil, rendues déjà vulnérables par la déchristianisation ambiante, le relativisme, la perte du sentiment national, et empêche l’assimilation des arrivants.

    Dire la vérité est une nécessité vitale, une question de survie pour nos nations. Cela ne signifie pas manquer à la charité envers les musulmans, au demeurant souvent les premières victimes d’une croyance qui a refusé, une fois pour toutes, d’évoluer ou se réformer.

    Cette prise de conscience nécessaire et urgente s’accompagne d’un appel vibrant à aimer, même s’ils se donnent parfois beaucoup de mal pour ne pas l’être, les disciples de Mahomet, c’est-à-dire à leur offrir les moyens de découvrir le Christ et son amour. C’est à l’Église, aux évêques, au clergé, tout aussi prisonniers de leurs idées fausses que le sont journalistes et politiciens, que s’adresse Annie Laurent, pas dupe d’un « dialogue interreligieux » à sens unique, dans un remarquable développement consacré aux erreurs et naïvetés trop répandues parmi les catholiques au sujet des prétendues convergences entre les monothéismes.

    Ce n’est qu’en apprenant à connaître vraiment l’Islam qu’il sera possible d’assurer notre avenir. Lire Annie Laurent est un excellent moyen de le faire.

    L’Islam, Annie Laurent, Editions Artège, 285 p., 19,90 €

    Anne Bernet

    Historienne et journaliste

     

     

    Sévilla.jpgLes appréciations de Jean Sévilla

    Consacré à islam — conçu à la fois comme religion, civilisation et donnée politique et sociale — et portant un sous-titre qui annonce son objet Pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore), le livre d'Annie Laurent, spécialiste du Proche-Orient, des chrétiens d'Orient et de leurs relations avec les musulmans, est un chef-d'oeuvre de pédagogie.

    Du Coran aux différentes familles de cette confession (sunnisme, chiisme, alaouitisme...), du djihad à la conception islamique de l'Etat, du statut de la femme en islam aux rapports des musulmans avec les autres religions, l'auteur décrypte tout dans un langage très clair.

    Un guide très sûr pour aborder un sujet brûlant en mariant lucidité sur la réalité et respect pour les personnes.

  • Rappel - Ce soir une belle conférence - Venez nombreux

    Nous vous recommandons tout particulièrement cette conférence donnée par un historien de talent, sur une période dramatique de notre histoire qu'il est important de ne pas oublier. Elle est une leçon pour l'avenir ...

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  • Livre - Notre sélection : le prix Bouvier 2018

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    Tous les ans, les Éditions Auteurs d'Aujourd'hui attribuent le prix Bouvier à un auteur de roman policier. Ce prix doit son nom au grand commissaire Bouvier du Quai des Orfèvres, à l'origine de la résolution de nombreuses affaires criminelles, et notamment de l'affaire Mesrine.

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    Après une analyse de l'ouvrage par Henri Bec, le prix a été remis à Mme Anne Giquel par M. Jacques Nain, directeur des Éditions les Auteurs d'Aujourd'hui. Cette remise s'est déroulée dans lesIMG_4397.JPG locaux  du musée taurin à Béziers, en présence d'une nombreuse assistance, notamment d'Emmanuelle et Robert Ménard.

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    A commander à la librairie Clareton ou à Cultura au Polygone.

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    Aix-en-Provence… Un jeune parachutiste est découvert assassiné au pied de la montagne Sainte-Victoire. Une enquête délicate dont les investigations conduiront le Commandant Le Prado et son adjoint le Lieutenant Fabre à s'immerger dans l'Histoire régionale de la Seconde Guerre mondiale. Ce crime est-il la conséquence de l'abîme dans lequel le conflit international a plongé l'Humanité ou un geste destiné à couvrir des machinations relatives à la vie publique locale ? Quel lien peut-il y avoir entre la victime et la découverte de mystérieuses tombes ? Une intrigue singulière… Un polar captivant…

    Anne Gicquel a toujours vécu en pays aixois. De formation Gestion Finance, l'auteure a décidé de changer de voie à la suite d'un accident en se donnant à sa passion, l'écriture. Son ouvrage est le reflet de nombreuses anecdotes qu'elle a vécues, d'endroits qu'elle a aimés, de souvenirs de son enfance qui l'ont émue, le tout dans un style évocateur de sa passion pour la Provence. Avec son premier roman policier, "Le cimetière abandonné", Anne Gicquel est la lauréate du Prix Maurice Bouvier 2018.

    Prix : 21,00 €

    Dans toutes les librairies de l’Hexagone et sur vos sites marchands préférés

     

  • Jean Raspail le prophète

     

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    (Jean Raspail, écrivain, auteur du Camp des Saints)

     

    J’ai tourné autour de ce thème comme un maître-chien mis en présence d’un colis piégé.

    Difficile de l’aborder de front sans qu’il vous explose à la figure. Il y a péril de mort civile.

    C’est pourtant l’interrogation capitale. J’ai hésité.

    D’autant plus qu’en 1973, en publiant "Le Camp des saints", j’ai déjà à peu près tout dit là-dessus. Je n’ai pas grand-chose à ajouter, sinon que je crois que les carottes sont cuites. Car je suis persuadé que notre destin de Français est scellé, parce qu’"ils sont chez eux chez moi" (Mitterrand), au sein d’une "Europe dont les racines sont autant musulmanes que chrétiennes" (Chirac), parce que la situation est irréversible jusqu’au basculement définitif des années 2050 qui verra les Français de souche se compter seulement la moitié - la plus âgée - de la population du pays, le reste étant composé d’Africains, Maghrébins ou Noirs et d’Asiatiques de toutes provenances issus du réservoir inépuisable du tiers monde, avec forte dominante de l’islam, djihadistes et fondamentalistes compris, cette danse-là ne faisant que commencer.

    TOUTE L’EUROPE MARCHE À LA MORT

    La France n’est pas seule concernée. Toute l’Europe marche à la mort. Les avertissements ne manquent pas - rapport de l’ONU (qui s’en réjouit), travaux incontournables de Jean-Claude Chesnais et Jacques Dupâquier, notamment -, mais ils sont systématiquement occultés et l’Ined pousse à la désinformation.

    Le silence quasi sépulcral des médias, des gouvernements et des institutions communautaires sur le krach démographique de l’Europe des Quinze est l’un des phénomènes les plus sidérants de notre époque.

    Quand il y a une naissance dans ma famille ou chez mes amis, je ne puis regarder ce bébé de chez nous sans songer à ce qui se prépare pour lui dans l’incurie des « gouvernances » et qu’il lui faudra affronter dans son âge d’homme. Sans compter que les « Français de souche », matraqués par le tam-tam lancinant des droits de l’homme, de « l’accueil à l’autre », du « partage » cher à nos évêques, etc., encadrés par tout un arsenal répressif de lois dites « antiracistes », conditionnés dès la petite enfance au « métissage » culturel et comportemental, aux impératifs de la « France plurielle » et à toutes les dérives de l’antique charité chrétienne, n’auront plus d’autre ressource que de baisser les bras et de se fondre sans moufter dans le nouveau moule « citoyen » du Français de 2050.

    LA PREMIÈRE HYPOTHÈSE : LES ISOLATS RÉSISTANTS

    Ne désespérons tout de même pas. Assurément, il subsistera ce qu’on appelle en ethnologie des isolats, de puissantes minorités, peut-être une quinzaine de millions de Français - et pas nécessairement tous de race blanche - qui parleront encore notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s’obstineront à rester imprégnés de notre culture et de notre histoire telles qu’elles nous ont été transmises de génération en génération.

    Cela ne leur sera pas facile.

    Face aux différentes « communautés » qu’on voit se former dès aujourd’hui sur les ruines de l’intégration (ou plutôt sur son inversion progressive : c’est nous qu’on intègre à « l’autre », à présent, et plus le contraire) et qui en 2050 seront définitivement et sans doute institutionnellement installées, il s’agira en quelque sorte - je cherche un terme approprié - d’une communauté de la pérennité française.

    Celle-ci s’appuiera sur ses familles, sa natalité, son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de solidarité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de territoire, ses quartiers, voire ses places de sûreté et, pourquoi pas, sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance si ce ciment-là tient encore.

    Cela ne plaira pas.

    Le clash surviendra un moment ou l’autre. Quelque chose comme l’élimination des koulaks par des moyens légaux appropriés.

    Et ensuite ?

    Ensuite la France ne sera plus peuplée, toutes origines confondues, que par des bernard-l’ermite qui vivront dans des coquilles abandonnées par les représentants d’une espèce à jamais disparue qui s’appelait l’espèce française et n’annonçait en rien, par on ne sait quelle métamorphose génétique, celle qui dans la seconde moitié de ce siècle se sera affublée de ce nom.

    Ce processus est déjà amorcé.

    LA SECONDE HYPOTHÈSE : LA « RECONQUISTA »

    Il existe une seconde hypothèse que je ne saurais formuler autrement qu’en privé et qui nécessiterait auparavant que je consultasse mon avocat, c’est que les derniers isolats résistent jusqu’à s’engager dans une sorte de « Reconquista » (lire « De la Reconquête Française» - de Marc Noé) sans doute différente de l’espagnole mais s’inspirant des mêmes motifs. Il y aurait un roman périlleux à écrire là-dessus.

    Ce n’est pas moi qui m’en chargerai, j’ai déjà donné. Son auteur n’est probablement pas encore né, mais ce livre verra le jour à point nommé, j’en suis sûr.

    Ce que je ne parviens pas à comprendre et qui me plonge dans un abîme de perplexité navrée, c’est pourquoi et comment tant de Français avertis et tant d’hommes politiques français concourent sciemment, méthodiquement, je n’ose dire cyniquement, à l’immolation d’une certaine France (évitons le qualificatif d’«éternelle» qui révulse les belles consciences) sur l’autel de l’humanisme utopique exacerbé.

    Je me pose la même question à propos de toutes ces associations omniprésentes de droits à ceci, de droits à cela, et toutes ces ligues, ces sociétés de pensée, ces officines subventionnées, ces réseaux de manipulateurs infiltrés dans tous les rouages de l’État (éducation, magistrature, partis politiques, syndicats, etc.), ces pétitionnaires innombrables, ces médias correctement consensuels et tous ces "intelligents" qui jour après jour et impunément inoculent leur substance anesthésiante dans l’organisme encore sain de la nation française.

    LES RENÉGATS DE LA FRANCE

    Même si je peux, à la limite, les créditer d’une part de sincérité, il m’arrive d’avoir de la peine à admettre que ce sont mes compatriotes. Je sens poindre le mot "renégat", mais il y a une autre explication : ils confondent la France avec la République.

    Les « valeurs républicaines » se déclinent à l’infini, on le sait jusqu’à la satiété, mais sans jamais de référence à la France. Or la France est d’abord une patrie charnelle. En revanche, la République, qui n’est qu’une forme de gouvernement, est synonyme pour eux d’idéologie, idéologie avec un grand « I », l’idéologie majeure.

    Il me semble, en quelque sorte, qu’ils trahissent la première pour la seconde. Parmi le flot de références que j’accumule en épais dossiers à l’appui de ce bilan, en voici une qui sous des dehors bon enfant éclaire bien l’étendue des dégâts. Elle est extraite d’un discours de Laurent Fabius au congrès socialiste de Dijon, le 17 mai 2003 : « Quand la Marianne de nos mairies prendra le beau visage d’une jeune Française issue de l’immigration, ce jour- là la France aura franchi un pas en faisant vivre pleinement les valeurs de la République. »

    Puisque nous en sommes aux citations, en voici deux, pour conclure:

    "Aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz de marée constitué par les millions d’êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie". (Président Boumediene, mars 1974.)

    Et celle-là, tirée du XXe chant de l’Apocalypse : "Le temps des mille ans s’achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la terre, elles investiront le camp des saints et la ville bien-aimée"

    Jean Raspail