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  • Une terrible décadence en perspective…

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    INTERVENTION À L'ASSEMBLÉE

    DE Mme EMMANUELLE MÉNARD 

     

    Cette brillante prise de position se passe de commentaires.

    Elle se suffit à elle seule. 

     

    Monsieur le Président, 

    Je ne vous cacherai pas mon émotion.  

    Dans quelques minutes, vous voterez une loi qui vous échappe déjà. Une loi qui va nous faire passer d’un monde à un autre. D’une sagesse à une sorte d’ivresse. Ce qui a été vrai pendant des millénaires va être aujourd’hui bouleversé par un mensonge organisé, ici même, par votre faute.  

    Ce mensonge est de faire croire à des enfants qu’ils peuvent naître de deux femmes, et malheureusement, sans père. Et, pour consolider ce mensonge, vous avez choisi de transformer du sol au plafond le droit de la filiation. Que dire de cette étrange conception de la nature humaine où les embryons humains sont manipulés comme s’ils n’étaient qu’un tas de cellules? Que dire de cette conception du législateur qui, pour vous, devrait cautionner certaines pratiques scientifiques – je pense bien sûr aux chimères animal/homme – alors que nous devrions les encadrer rigoureusement

    On se souviendra de cette loi. Non qu’elle élève notre nation mais bien parce qu’elle enclenche une terrible décadence éthique. Où, finalement, aucun principe ne peut être fondateur puisque tous à vos yeux relatifs. Je pense ici à l’intérêt supérieur de l’enfant qui a été nié au point que nous avons subi des discussions surréalistes sur les pères-mères ou les mères-pères. Sans une seconde, je dis bien sans une seconde, se demander ce que cela impliquait pour un enfant d’avoir un homme comme mère ou inversement…  

    Ce qui s’est passé ici cette semaine n’est pas digne. Des pseudo débats, qui en ont cantonnés certains au silence, des amendements que nous n’avons pas pu défendre et, le plus souvent, une absence de réponse qui confinait… au mépris. 

    Alors non, décidément, ce n’est pas une loi «d’amour» comme vous le prétendez. Mais plutôt la consécration du désir d’enfant, du droit à l’enfant, jusqu’à s’affranchir du bon sens, pour assouvir les envies, les désirs de certains. Et cela, je ne le voterai pas.  

  • Une nouvelle perte de souveraineté

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    Les principes de notre droit se décident à Bruxelles

     

    Tract-1-1.jpgPar Henri Bec

    La mise ou le maintien d’une personne en détention provisoire obéit à des critères bien précis dont l’examen est du ressort du tribunal ou du Juge des Libertés et de la Détention. Ces critères sont listés de manière limitative par la loi, plus précisément par l’article 144 du Code de procédure pénale. Il faut que la mise en détention soit justifiée par une des conditions suivantes :

    1° Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;

    2° Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

    3° Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;

    4° Protéger la personne mise en examen ;

    5° Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;

    6° Mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ;

    7° Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l'affaire. Toutefois, le présent alinéa n'est pas applicable en matière correctionnelle.

    On constate que parmi ces critères ne figure pas l’appréciation relative à une éventuelle indignité des conditions de détention, qui semble une des préoccupations majeures du nouveau ministre de la justice…

    La reconnaissance et l’indemnisation des conditions inhumaines de détention sont du ressort de la puissance publique qui peut voir sa responsabilité engagée si ces conditions ne sont pas respectées. Ceci est conforme à la mission de la justice qui doit apprécier, et s'en tenir, à la gravité des faits et appliquer la sanction qu’elle estime juste eu égard à la personnalité de l’auteur et aux circonstances. Ceci est également conforme au principe de la séparation des pouvoirs, qui, s’il peut être sujet à  critique, n’en fait pas moins partie de notre système constitutionnel.

    C’était sans compter avec la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Par un arrêt, plus que remarqué, du 30 janvier 2020, elle a condamné la France pour des conditions de détention inhumaines et dégradantes relevées dans plusieurs prisons. Elle a, à cette occasion, et c'est là le point qui nous occupe, émis certaines recommandations. Pour lire l'arrêt cliquer ICI, notamment la page 99 & 316

    Elle précise :

    "la Cour recommande à l’État défendeur [la France] d’envisager l’adoption de mesures générales. D’une part, de telles mesures devraient être prises afin de garantir aux détenus des conditions de détention conformes à l’article 3 de la Convention. Cette mise en conformité devrait comporter la résorption définitive de la surpopulation carcérale. Ces mesures pourraient concerner la refonte du mode de calcul de la capacité des établissements pénitentiaires (paragraphes 124 à 126 et 205 ci-dessus) et l’amélioration du respect de cette capacité d’accueil. La Cour note également que la loi de programmation 2018-2022 comporte des dispositions de politique pénale et pénitentiaire qui pourraient avoir un impact positif sur la réduction du nombre de personnes incarcérées. Par ailleurs, devrait être établi un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, en combinaison avec le recours indemnitaire (paragraphe167 ci-dessus), de redresser la situation dont ils sont victimes et d’empêcher la continuation d’une violation alléguée."

    Ce sont plus que de simples recommandations, mais de véritables injonctions. Le bruyant Dupont-Moretti n'aura qu'à obéir  et l'Assemblée nationale, toujours soupçonneuse d'un antiparlementarisme menaçant (ah cette extrêêêême droaaaate !), à faire de même !

    Le 8 juillet 2020, notre Cour de cassation a fait application de cette décision.

    Dans un premier arrêt (ICI) elle indique très clairement :

    "Le juge judiciaire a l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant de mettre un terme à la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

    En tant que gardien de la liberté individuelle, il incombe à ce juge de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant."

    Dans un second arrêt (ICI) elle demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la constitutionnalité des articles 137-3, 144 et 114‑1 du Code de procédure pénale (Question prioritaire de constitutionnalité).

    Elle constate que "... d’une part, les dispositions législatives qui régissent la détention provisoire ne subordonnent pas le placement ou le maintien de cette détention à la possibilité de garantir que l’incarcération respecte la dignité de la personne détenue, et d’autre part, il n’existe pas de recours ni de faculté d’injonction reconnue à une juridiction, permettant de mettre un terme à toute atteinte à la dignité de la personne incarcérée, résultant des conditions de sa détention."

    La décision d’interroger le Conseil Constitutionnel sur la constitutionnalité des textes relatifs à la mise en détention, n’est rien d’autre que la conséquence logique de celle de la CEDH.

    Et la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que « les États adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation ».

    Ce qui signifie que lors d’une décision de mise ou de maintien en détention, les juges vont devoir désormais se déterminer non seulement sur les critères rappelés ci-dessus, mais également sur les conditions de la détention elle-même, et garantir ainsi à une personne placée ou risquant d'être placée dans des conditions de détention indignes, la possibilité d’un recours permettant éventuellement à la Cour d’appel d’ordonner sa mise en liberté pour ce motif.

    C’est, après de multiples autres, une nouvelle ingérence des instances et juridictions supranationales dans notre droit et notre justice. Une intervention du législateur est en effet désormais inévitable :  Il faudra ajouter un 8° à l’article 114 repris ci-dessus. Quand un pays n'est plus maître d'édicter les lois qu'il estime nécessaire, il perd un élément essentiel de sa souveraineté.

    Tout ceci est au surplus une nouvelle démonstration de l’incapacité de nos gouvernements, obsédés par la prochaine élection, de prendre le temps de mettre en œuvre des politiques à long terme. On se désintéresse de ce qui n'intéresse pas la presse ou l'opinion. Peu importe l'intérêt général. Ce qui compte, c'est la place ! La politique pénitentiaire qui revient régulièrement dans les promesses électorales depuis des dizaines d’années n’a jamais vu le jour. Il ne faut pas s’étonner de telles décisions. Et compte tenu de l'état de nos prisons, les mises en liberté n'ont pas fini d'être prononcées. Comme disait Jacques Bainville « on aura les conséquences ».

    Au-delà de ces constats pitoyables, au fur et à mesure des renoncements, la France est de moins en moins maître de sa destinée. On se surprend à envier les anglais !

  • Nous nous souviendrons de Jean Raspail...

     

    Raspail-Rosace cathédrâle.jpgEn 1949, Jean Raspail descend les cours tumultueux du Saint-Laurent et du Mississippi, ce qui donne en 2005 En canot sur les chemins d’eau du roi. Une aventure en Amérique (Albin Michel). Hier, samedi 13 juin, jour de la Saint Antoine de Padoue, la littérature française a perdu Jean Raspail. Il est monté dans la barque de Charon afin de franchir à l’âge de 94 ans le Styx.

    Auteur d’une quarantaine d’ouvrages et récompensé par vingt-deux prix dont le Prix des intellectuels indépendants en 2002, le Grand Prix du roman de l’Académie Française en 1981 et le Grand Prix de littérature de l’Académie Française en 2003, Jean Raspail s’était présenté en juin 2000 au siège de Jean Guitton sous la Coupole, quai Conti. Il ne recueillit que onze voix; l’élection fut blanche. Comme Stendhal, Honoré de Balzac et Jean Cau, il n’a jamais rejoint les « Immortels ».

    Connaisseur des peuples du monde

    Élu académicien, il aurait sûrement scruté les mœurs étranges de cette assemblée bizarre, lui qui n’hésita pas pendant des décennies à parcourir les continents. De septembre 1951 à mai 1952, il traverse les Amériques en automobile de la Terre de Feu jusqu’en Alaska. Il arpente les Andes et navigue entre Caraïbes et Antilles. Il vit une année au Japon en 1956 et fait la connaissance des Aïnous, les autochtones blancs d’Hokkaïdo.

    Tout au long de ses périples, il s’attache au sort des derniers peuples de moins en moins préservés de la modernité. Dans Qui se souvient des Hommes… (Robert Laffont, 1986), il retrace d’une manière poignante la fin des Alacalufs. Avec son extraordinaire Journal peau-rouge (1975, réédition en 2011 chez Atelier Fol’Fer), il témoigne de la situation inégale des tribus amérindiennes parquées dans les réserves. Certaines s’y étiolent et aspirent seulement à la fin de l’histoire. D’autres, les Navajos par exemple, formulent, grâce à l’exploitation des ressources naturelles, de grandes ambitions comme devenir le cinquante et unième État des États-Unis. Jean Raspail se plaît à romancer ses explorations quasi-anthropologiques dans La Hache des Steppes (1974, réédition en 2016 chez Via Romana), dans Les Hussards (Robert Laffont, 1982) et dans Pêcheurs de Lune (Robert Laffont, 1990).

    Sa curiosité dépasse les tribus « primitives » et autres clans « premiers », car elle concerne tous les peuples, techniquement développés ou non. Jean Raspail apprécie les traditions, les peuples et les religions. Il aime l’éclectisme d’un monde menacé par un cosmopolitisme uniformisateur. Il dénonce très tôt une uniformisation programmée avec Septentrion (Robert Laffont, 1979) : une épopée désespérée de trente-cinq personnes à bord d’un vieux train qui s’élance à travers des villes inquiétantes, des forêts profondes et des steppes ventées en direction du Nord, abandonnant derrière eux la grisaille croissante due à l’avènement des « Rudeau ». Il y dépeint d’une plume alerte et angoissante un grand remplacement mental, civilisationnel et humain. Cette ambiance de fin d’un monde se retrouve dans Sept Cavaliers quittèrent la ville au crépuscule par la porte de l’Ouest qui n’était plus gardée (Robert Laffont, 1992).

    Des critiques y ont vu un pessimisme foncier. Et s’il était seulement lucide ? Jean Raspail prône aussi la lutte, la riposte et l’héroïsme. Même quand tout est perdu, le sens du devoir appelle au combat. Les seules vraies défaites sont les batailles jamais engagées. Les bien-pensants lui reprochent d’avoir commis en 1973 Le Camp des Saints (Robert Laffont), le récit de l’invasion pacifique de l’Europe par des hordes faméliques venues du Tiers-Monde, du subcontinent indien pour la circonstance. L’indignation des belles âmes atteint son comble à l’occasion de sa troisième réédition en 2011 avec une préface inédite, « Big Other », qui signale tous les passages litigieux passibles de poursuites judiciaires en raison de l’existence d’une intolérable législation liberticide. En 2004, des ligues de (petite) vertu l’ont poursuivi sans succès devant la XVIIe chambre pour délit d’opinion. Il avait auparavant osé dans Le Figaro asséner quelques saines vérités dans un article magistral, « La patrie trahie par la République ».

    Visionnaire du déclin

    Toujours en avance sur son époque, Jean Raspail a compris que l’État républicain tue la France et son peuple au nom de valeurs mondialistes. La République parasite la France, lui vole toute sa vitalité et contribue au changement graduel et insidieux de la population. Il n’a jamais caché son royalisme sans toutefois se lier à un prince particulier. Sa conception de la restauration royale, plus métaphysique que politique d’ailleurs, exprimée dans Sire (Éditions de Fallois, 1991) se rapproche du providentialisme si ce n’est du Grand Monarque attendu. Il témoigne aussi de sa fidélité aux rois de France. Pour commémorer les deux cents ans de l’exécution du roi Louis XVI, il organise, le 21 janvier 1993 sur la place de la Concorde, une manifestation à laquelle participe l’ambassadeur des États-Unis en personne.

    Jean Raspail reporte en outre son engagement royaliste sur la personne attachante d’Orélie-Antoine de Tounens qui, en 1860 – 1862, se déclara devant les Mapuches, roi d’Araucanie et de Patagonie en Amérique australe. Dès 1981, année où sort Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie (Albin Michel), Jean Raspail se proclame Consul général de Patagonie avec le privilège d’accorder aux plus méritants la nationalité patagone. Il rend effectif ce qu’il a imaginé dans Le jeu du roi (Robert Laffont, 1976) avec pour le roi solitaire Antoine IV. La cryptarchie patagone devient un fait réel, certes au plus grand nombre qui l’ignore superbement.

    Héraut des royaumes éphémères et des rois occultés, Jean Raspail part sur les traces de la papauté d’Avignon et de son (éventuelle ?) postérité dans L’Anneau du Pêcheur (Robert Laffont, 1990) où l’on frise le sédévacantisme… Se doute-t-il que le Grand Schisme d’Occident de 1378 a brisé la Chrétienté latine ? Vainqueur des menées conciliaires, Benoît XIII (Pedro de Luna) aurait su revivifié l’institution mystique qui ne se serait pas déchiré moins d’un siècle plus tard avec le schisme protestant. Dans une nouvelle des Hussards (Robert Laffont, 1982), il mentionne un étonnant séparatisme vauclusien. Lassés par la République, de braves gars s’habillent en gardes suisses pontificaux, rétablissent le Comtat Venaissin et le placent sous l’autorité temporelle du Saint-Siège. Rares sont les français qui goûtent autant que Jean Raspail les petites patries, les causes impossibles et les comportements anachroniques. En 1984 et en 1998, dans le contexte de l’occupation britannique des Malouines argentines (et patagones), Jean Raspail, accompagné de quelques têtes brûlées, s’empare de l’archipel anglo-normand des Minquiers au nom du roi Orélie-Antoine et les renomme « Patagonie septentrionale ».

    Son œuvre serait maintenant difficile à publier tant elle dérange. Elle propose une solution : l’existence d’isolats humains. Dans La Hache des Steppes, le narrateur s’échine à retrouver les lointains descendants des Huns dans le village d’Origny-le-Sec dans l’Aube. Il raconte plusieurs fois l’histoire de ces déserteurs sous Napoléon Ier qui se réfugient dans des villages russes reculés où ils font souche. Dans « Big Other », Jean Raspail annonce qu’« il subsistera ce que l’on appelle en ethnologie des isolats, de puissantes minorités, peut-être une vingtaine de millions de Français – et pas nécessairement de race blanche – qui parleront encore notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s’obstineront à rester conscients de notre culture et de notre histoire telles qu’elles nous ont été transmises de génération en génération (p. 37) ». L’exemple de certaines réserves peaux-rouges résilientes est à méditer…

    Écrivain de la survie future

    Jean Raspail voit ainsi dans l’isolat un recours à la survie des peuples européens. Cette idée correspond maintenant à la notion de BAD (bases autonomes durables). On peut même concevoir une progression dans l’agencement des termes. Au départ s’organisent des BAD éparses. L’établissement de liaisons étroites entre différentes BAD d’un même territoire produit un isolat. La mise en résonance de plusieurs isolats assez proches les uns des autres engendre une autochtonotopie. Jean Raspail a-t-il un don de prescience ?

    Dans « Big Other », il avertit que « face aux différentes “ communautés ” qu’on voit se former dès aujourd’hui sur les ruines de l’intégration et qui, en 2050, seront définitivement et institutionnellement installées, il s’agira en quelque sorte – je cherche un terme approprié – d’une communauté de la pérennité française. Celle-ci s’appuiera sur ses familles, sa natalité, son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de solidarité et de sécurité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de territoires, ses places de sûreté et, pourquoi pas, sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance, si ce ciment-là a tenu (p. 37) ». Jean Raspail exprime ici très clairement une vision communautariste qui enrage tous les républicains de l’Hexagone. Peu lui chaut. Pour paraphraser Le jeu du roi, Jean Raspail « n’est pas à la mode ». À contre-courant, contretemps, contresens et d’ailleurs (pp. 13 – 14) ».

    À la notable différence d’un histrion de gauche (pléonasme !) et d’un éditorialiste sentencieux mauvais observateur patenté de l’actualité, Jean Raspail ne bénéficiera pas d’une couverture médiatique digne de son œuvre. Il n’aura pas droit à des obsèques dans la cour d’honneur des Invalides. Qu’importe si en hussard de la flotte australe, il passe à l’ère d’un monde froid, triste et si moderne pour une sentinelle postée en arrière-garde. Ses lecteurs savent pourtant que l’auteur du Roi au-delà de la mer (Albin Michel, 2000) appartient aux éclaireurs, à l’avant-garde d’une élite reconquérante, d’une élite qui applique la devise de cette famille hautement européenne de devoir, d’honneur et de courage, les Pikkendorff : « Je suis d’abord mes propres pas. » Jean Raspail l’a toujours fait sienne, du Cap Horn au Septentrion, de l’Ouest américain à L’île bleue (Robert Laffont, 1988).

    La navigation de Jean Raspail s’est achevée dans un hôpital parisien. Son œuvre reste néanmoins plus que jamais présente dans le bastion français et européen d’un Occident bien finissant.

    Georges Feltin-Tracol

  • MALÉDICTION VERTE

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    Les guérilleros de la justice sociale,bien partis pour être les pires ennemis de la gauche en 2022

     

    Christophe Girard, l'adjoint chargé de la culture à la mairie de Paris, vient d'être poussé à la démission par des féministes et des écologistes. Cette crise laisse-t-elle présager des tensions pour l'avenir de la gauche en vue des élections présidentielles en 2022 ?

    Atlantico.fr : L'adjoint chargé de la culture à la mairie de Paris Christophe Girard vient d'être poussé à la démission par des féministes et écologistes de la majorité d'Anne Hidalgo. Cet événement laisse-t-il présager de règlements de compte violents à suivre au sein de la gauche en vue des élections présidentielles en 2022 ?

    Édouard Husson : Ce sont deux générations de la révolution hyperindividualiste issue de 1968 qui se succèdent. Soutenir Matzneff, à une certaine époque, c'était être progressiste. Et il faut se rappeler comme ceux qui disaient la vérité sur Matzneff dans les années 1970 ou 1980 étaient eux-mêmes réduits au silence. Ne préjugeons pas de ce qu'a fait réellement Christophe Girard. Mais force est de constater qu'il est aujourd'hui contraint à la démission au nom d'un point de vue non moins progressiste - le progrès ça change régulièrement de contenu. Alice Coffin, qui a vingt ans de moins que lui, l'attaque avec le sérieux d'une gauchiste qui a décidé de se débarrasser d'un autre gauchiste dépassé par l'évolution historique. On est replongé dans l'atmosphère des grandes purges idéologiques. Christophe Girard a été en pointe dans la promotion du "mariage pour tous". Et Alice Coffin est elle aussi une militante "LGBT". Cela n'empêche pas une haine entre les deux comme la gauche en a le secret depuis la Révolution Française. 

    Nous sommes en effet, dans le monde entier, dans une phase de poussée gauchiste avec la constitution des cadres d'une nouvelle révolution culturelle. Et la révolution dévore ses enfants.

    Arnaud Benedetti : Cest un révélateur surtout. Une grande partie de la gauche a troqué le social - la matérialité collective de la lutte - pour le sociétal - un irénisme de lindividu. Mutadis mutandis elle a oublié le socialisme, la nation, les classes populaires, tout ce qui fait sur le fond son histoire politique pour se concentrer sur des revendications de minorités, de communautés. Cet " après - socialisme " pour reprendre le titre d’un ouvrage d’Alain Touraine a entraîné un effet d’évictions des classes populaires et de larges segments des classes moyennes. Cette américanisation de la gauche française est au principe de la crise de cette dernière, et des fractures que lon y rencontre. Lironie ou le paradoxe cest que l’épisode de l’éviction de Christophe Girard se déroule à l’intérieur d’une majorité municipale, celle de Madame Hidalgo, qui illustre jusqu’a l’incandescence ce poids du sociétal sur le politique. À vouloir capter la moindre secousse sociétale, sous réserve qu’elle participerait à la réalisation d’une émancipation individuelle, la maire de Paris est elle-même devenue, par le biais entre autres de son alliance avec les Verts, l’otage de minorités radicalisées qui en viennent à s’en prendre à des figures issues pourtant de cette même gauche écolo-sociétale. La révolution finit toujours par dévorer ses propres enfants ! 

    D'un point de vue historique, que laisse présager cette tendance à la radicalité pour l'avenir de la gauche ? L'alliance avec les mouvements écologistes qui comptent en leurs membres de nombreux radicaux est-elle une stratégie électorale gagnante ?

    Édouard Husson : Ce qui se passait le plus souvent dans le monde occidental, au XIXe et au XXe siècle, c'était un "confinement" de l'extrême-gauche et l'émergence d'une gauche de gouvernement. Lorsque François Mitterrand s'est allié aux communistes français, d'obédience post-stalinienne, ceux-ci étaient sur le déclin. Avec ce qui se passe à la mairie de Paris, nous avons affaire à une alliance avec un mouvement écologiste en pleine radicalisation idéologique. Pendant longtemps les Verts français ont été connus pour leur modération, au plan international. Ce n'est plus le cas. Ils participent pleinement de la radicalisation internationale du mouvement Vert qui tire de la crise engendrée par les mutations du capitalisme des conclusions erronées. Pour gagner électoralement, Emmanuel Macron ou Anne Hidalgo passent alliance avec ces Verts-là. Il est cocasse de voir le Maire de Paris s'offusquer des conséquences de son pacte électoral.

    Arnaud Benedetti : Il y aura dautres tensions à nen pas douter mais force est de constater que lécolo-sociétal pousse à une transformation du logiciel républicain et social de la gauche. Lécolo-sociétal nest pas national, il est post-républicain, individualiste bien plus que social, ce qui l’éloigne toujours plus de la gauche historique. C’est là un facteur de blocage non seulement à une dynamique unitaire mais à un retour à la crédibilité pour incarner une culture de gouvernement. À nouveau une partie de la gauche fait peur, ne rassure pas, incarne l’aventure. On a vu lors des dernières municipales des alliances parfois entre la droite et les marcheurs, y compris aussi avec le soutien des républicains pour des figures socialistes comme à Lille avec Martine Aubry, s’effectuer contre cette menace d’une gauche écolo-sociétale. Cette dernière, par ses éléments les plus radicaux, entrave les conditions d’une unité, car elle se situe par son caractère ultra hors des principes libéraux de libre-confrontation démocratique des convictions et à l’extérieur d’un arc républicain fondé sur l’universalité de la citoyenneté. Les porosités avec le communautarisme qui travaillent également la France insoumise pose la question de la désaffiliation républicaine d’une partie, certes encore minoritaire, de la gauche. L’effet de loupe provoqué par la victoire surestimée, à bien des égards, des écologistes dans un certain nombre de grandes métropoles a libéré le dogmatisme et la parole de certains des courants les plus radicaux de cet écologisme sociétal. Portés par une victoire, dopée par l’abstention massive, ce dernier entend imposer sa ligne dans un rapport de forces quasi inquisitorial. Et force est de constater que cela a marché à Paris puisque Christophe Girard s’est démis de ses responsabilités sur une simple logique du soupçon ! 

    Il y aurait eu une personnalité susceptible de procéder à une dynamique unitaire ; c’est, quitte à vous surprendre, Jean-Luc Mélenchon : il dispose de l’épaisseur oratoire, de la connaissance fine de son écosystème, de la mémoire historique, de la culture politique, de son ancrage à gauche, du charisme incontestable mais ses atermoiements avec le communautarisme et la surestimation de ses forces l’en empêchent à ce stade. 

    Le phénomène de dénonciation et de stigmatisation dépasse le champ de la gauche et s'observe également à droite. Quelle stratégie les partis traditionnels français doivent-ils adopter pour pouvoir exister en 2022 ?

    Édouard Husson : Quand on est de droite, on pousse d'abord un immense éclat de rire. N'est-il pas profondément réjouissant de voir la gauche s'auto-dévorer ? Malheureusement la droite ne peut pas profiter politiquement de cette guerre civile à gauche. En effet, la droite ayant pour habitude - depuis la Révolution Française- de régulièrement adopter les idées de gauche, elle se paralyse elle-même et laisse la gauche au pouvoir malgré les dissensions internes à cette dernière.  Regardez LR: le parti est, majoritairement, l'alliance de ceux qui acceptent un oukase venu de gauche et interdisent à la droite de la dénoncer. Vous avez des LR qui disent à la droite qu'on ne peut pas s'opposer aux réformes dites sociétales; d'autres qui disent qu'on ne peut pas s'opposer à l'écologisme; d'autres qui défendent le dogme libre-échangiste de la gauche libérale; d'autres qui refusent le contrôle de l'immigration; d'autres qui jugent la lutte contre l'islamisme déplacée etc....Au bout du compte, ce cartel des droites rassemble un parti du compromis avec la gauche car il ne serait pas possible d'être à 100% de droite. C'est-à-dire de refuser toutes les idéologies qui paralysent la France. Regardez comme une partie de LR a bêtement tué Fillon. Ou comme l'UMP a été, entre 2007 et 2012, parjure vis-à-vis de l'électorat Front National sur les sujets de sécurité et d'immigration. Ou comme Rachida Dati a mené une campagne prudente contre Anne Hidalgo, n'osant pas l'attaquer sur le sujet des embouteillages - il ne fallait pas mettre en cause le "zéro voiture". 

    La droite est actuellement d'autant plus mal en point, au plan national, que Marine Le Pen, elle-même, est atteinte du même syndrome que LR, celui de la "droite honteuse". Elle ne veut pas entendre parler d'union des droites. Elle révèle qu'elle est bien une femme de droite française en faisant tout pour ne pas avoir l'air de droite. 

    Les exclusions dont vous parlez à droite sont donc déterminées par ce qui se passe à gauche. La droite ne se rend pas compte de combien la gauche est religieuse : gnostique, millénariste, héritière du catharisme. Les contenus peuvent changer mais l'attitude fondamentale est toujours la même. Il y a, pour la gauche stalinienne ou maoïste, "politiquement correcte' ou 'woke", les purs et les impurs, les initiés et les ignorants, le paradis terrestre à portée de main. C'est pour cela que la gauche est si fascinée par l'islamisme, qui est son cousin. 

    La droite ne comprend pas qu'elle est le vrai espace de "laïcité", celui où l'on a pour devoir de refuser complètement les religions séculières que produit régulièrement la gauche. Et où l'on peut, l'on doit protéger le christianisme puisque l'Évangile est la matrice de la séparation du religieux et du temporel et de toute la modernité authentiquement émancipatrice : État de droit, démocratie, capitalisme etc....

    Arnaud Benedetti : Les problèmes ne sont pas les mêmes pour la droite de gouvernement et la gauche de gouvernement. La première a un problème despace politique, du fait de la triangulation communicante à droite exercée par Emmanuel Macron, encore plus depuis la nomination de Jean Castex à Matignon. S’y greffe également un problème d’incarnation. Aucune personnalité ne semble en mesure pour le moment de se détacher. Le " sarkowashing" du macronisme depuis le changement de Premier ministre vise à poursuivre l’asphyxie des républicains. Tout ceci a certes un côté artificiel mais puisque la gauche, par son incapacité à clarifier sa position avec les segments les plus ultras de sa galaxie, suscite un sentiment d’inquiétudes, l’électorat conservateur peut être amené à considérer que Macron est le meilleur barrage à opposer aux excès des écolos-sociétaux. 

    Pour la gauche de gouvernement, il s’agit d’inverser le rapport de forces à l’intérieur de son propre camp en ramenant les sociaux-démocrates à leur leadership. C’est loin d’être le cas, car le poids des verts a renversé les équilibres historiques de ce côté-là. 

    Quant à l’hystérisation du débat public, ce n’est pas, hélas, un problème nouveau. La défiltration de la parole renforce et accélère un phénomène qui dégrade les conditions de l’exercice de la confrontation démocratique, en personnalisant toujours plus les critiques, en privilégiant le préjugé sur l’argumentation, en substituant à la culture générale qui était la marque des grands politiques du passé une culture de l’instantanéité sans autre profondeur que celle d’une com’ de l’émotion ou de la surréaction, en transformant l’opinion en tribunal bien plus qu’en acteur collectif du débat. Le cash et le clash sont les deux mamelles de la post-démocratie...

    Edouard Husson, Arnaud Benedetti