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  • Le Pape François défenseur de la fortune apatride, anonyme et vagabonde - Par Henri Bec

     

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    Les catholiques n’ont jamais été obligés de suivre ou d’approuver le Pape dans ses interventions politiques. D'autant que l'histoire nous apprend que L’Église a, sur ce point, commis d'irréparables erreurs.

    Mais les commentaires qui ont accueilli les déclarations du Pape François sur les migrants méritent d’être sérieusement affinés. Il ne suffit pas en effet de constater qu’elles démontrent une méconnaissance du phénomène migratoire et de ses dangers pour en venir aux propositions classiques d’expulsion ou de fermeture des frontières. Il convient de les critiquer à l'aune de principes beaucoup plus fondamentaux.

    Parce que ses déclarations vont beaucoup plus loin : "La sécurité des migrants passe toujours avant celle des nations". Et le pape d’expliquer que les individus passent avant les communautés auxquelles ils appartiennent.

    C’est plus qu’une erreur, une faute d’analyse politique gravissime. Cette conception subversive, qui renverse toutes les vérités naturelles héritées de la sagesse et de l'expérience des âges, a toujours présidé aux fondements du totalitarisme oppresseur, de l’anarchisme libertaire ou du libéralisme bourgeois plus ou moins doucereux.

    Nous sommes en effet loin des conceptions aristotéliciennes ou thomistes sur la société, et, sans remonter aussi loin, des écrits du cardinal Ratzinger, futur Benoit XVI, qui, puisant ses réflexions au plus profond d'une théologie supérieure, écrivait en 1962 : "Les nations ne sont pas des réalités dues au hasard mais des grandeurs métaphysiques". Et Léon XIII rappelait que la société civile, créée sous l’inspiration de la nature, avait pour finalité, non seulement la réalisation du bien être matériel mais aussi du perfectionnement intellectuel et moral. L’Église s’est toujours attachée à la défense de l’idée de nation ou de groupement naturel des hommes, à défaut desquels seule demeurerait "une agrégation d’êtres sans raison" (Pie XI). Le principe de "la centralité de la personne humaine" invoquée par le pape est contraire à cet immuable enseignement, de même qu’aux leçons immémoriales de l’histoire. Il n’est pas d’individus qui n’appartinssent à une communauté naturelle dont l’Église rappelle constamment que les cellules de base sont en premier lieu la famille, puis les multitudes de corps intermédiaires et enfin la nation, famille des familles. C’est au sein de ces communautés que l’homme y puise ses racines les plus profondes et les plus vitales et donc son équilibre général. Elles sont ses protections élémentaires.

    Prétendre comme le fait le pape que le droit des migrants est supérieur à celui des nations qu’ils traversent est susceptible d’encourager ces vagues déferlantes et les actes de guerre qui les accompagnent. Ce ne sont que propos démagogiques qu’un sain raisonnement politique ne saurait admettre. Le pape François a-t-il en outre réalisé que ces mêmes migrants appartiennent eux aussi à leur propre communauté naturelle, l'Ouma par exemple pour les musulmans, et qu’il eut été de loin préférable de les encourager à les regagner, dans leur propre intérêt, plutôt que de les réduire à des êtres sans raison, marchandise ballotée entre les réseaux de passeurs et le CAC 40. Quand on sait que ces apports de main d’œuvre sont encouragés et favorisés par le capital le plus apatride et le moins soucieux du respect élémentaire du à tout homme, on est pétrifié par cette lourde méconnaissance des phénomènes internationaux et sociaux. Considérer que les hommes sont dans l'ordre de priorités, supérieurs à ces entités naturelles, revient à leur enlever toute structure protectrice. Déjà le en 1791, la loi Le Chapelier avait, au nom de la Liberté et de prétendus intérêts communs, supprimé toutes les corporations, organisations ouvrières et paysannes. A l'aube de la révolution industrielle, le prolétariat qui se constituait s'est retrouvé sans aucune protection, aux mains des dictateurs de haine et ceux du capital sans frein. Il fallu attendre un siècle de lutte difficile, notamment contre les libéraux, menés par les royalistes La Tour du Pin, Albert de Mun ou Léon Hamel, pour retrouver un peu d'équilibre social. Les financiers de Macron ont envie de recommencer cette désastreuse expérience. Il est désolant de constater que celui qui devrait tirer la sonnette d'alarme semble ignorer, ou feint d'ignorer, ces élémentaires fondamentaux politiques et sociaux.

    Les annonces irréfléchies,  dégoulinantes de bonnes intentions sont souvent de redoutables boomerangs. Selon l'heureuse expression de Raymond Aron, il y a une spécificité du politique comme tel. Ne pas la connaître ou tenter de la contourner par utopie ou ignorance, conduit irrémédiablement à des catastrophes.

    De tels propos tenus par la plus haute autorité spirituelle ne sont pas admissibles.

    Henri Bec

  • Emmanuelle Ménard répond à Dreuz info

     

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    « Les électeurs de droite se sont massivement reportés sur moi malgré la diabolisation »

     

    Certains au FN évoquent des échanges possibles avec Wauquiez, Dupont Aignan, même avec Mélenchon. Qu’en pensez-vous? Cela peut-il conduire à la formation d’un groupe?

    EM : « On ne peut pas mettre ces différentes personnalités sur le même plan. Je ne crois pas une seconde à un grand rassemblement de tous les «souverainistes». La droite et la gauche existent! Depuis des années, une partie du Front National fait une véritable danse du ventre pour attirer un Jean-Pierre Chevènement. Pour quel résultat? Aucun. En revanche, je suis persuadée que bien peu me sépare de Laurent Wauquiez. Ses électeurs le savent. Il nous reste à lui prouver que l’union des droites est la clé pour arriver au pouvoir… »

    Sur quels thèmes politiques imaginez-vous des passerelles pour vous permettre de constituer un groupe parlementaire?

    EM : « Prenons l’exemple des sujets abordés en Commission des affaires économiques, dans laquelle je siège. A l’écoute des discours de certains LR, je me dis qu’une feuille de papier à cigarette nous sépare! Sur, par exemple, le rétablissement de la journée de carence dans la fonction publique – qui, dans des villes comme Béziers, avait permis de faire baisser significativement l’absentéisme quand elle était en vigueur – nous y sommes favorables les uns et les autres. De même, nous accordons sur le fait que le «front républicain» n’a plus aucun sens pour les Français. À Béziers, les électeurs de droite se sont massivement reportés sur ma candidature alors qu’on m’avait collé l’étiquette «extrême droite». Les gens s’intéressent aux idées, pas aux étiquettes. »

    Certains FN hésitent encore entre abstention et vote contre la loi de moralisation de la vie publique: et vous quel a été votre choix?

    EM : « Je me suis abstenue. Il y a dans cette loi des points positifs, c’est incontestable. En revanche, son article 1er, qui prévoit une peine d’inéligibilité pour quiconque se verrait condamner pour diffamation, injure ou discrimination (racisme, homophobie ou antisémitisme notamment, NDLR) est tout simplement liberticide. C’est le règne du politiquement correct, c’est la censure pour les opinions dérangeantes, c’est la mise à l’index de tous ceux qui pensent en dehors des clous. C’est pour cela notamment que je n’ai pas voté pour. »

    Publié par Gaia - Dreuz

  • La Nouvelle Revue de Presse

     

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    SUR LE CANTON

     

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    EN FRANCE

     

    UNE ANALYSE TRÈS PERTINENTE D'YVAN BLOT

    MACRON ET L'OPINION

     

    Blot Yvan.jpg1/ Macron Jupiter ? Ses atouts

    On peut analyser, à la façon d’Aristote, le phénomène Macron en étudiant sa cause finale, la philosophie qui l’inspire, sa cause formelle qui sont les réseaux oligarchiques qui structurent le pouvoir depuis longtemps, sa cause efficiente, c’est l’homme Macron et son narcissisme du mérite, et sa cause matérielle qui est liée à sa formation d’inspecteur des finances et de banquier.

    a/ Cause finale : l’esprit maçonnique

    Sur sa photo officielle, Macron présente trois livres sur son bureau : les Mémoires de Guerre de Charles de Gaulle, les œuvres de Stendhal (franc-maçon bonapartiste) et les nourritures terrestres d’André Gide, bourgeois non conformiste, sensuel et homosexuel.

    Il se réclame du 18ème siècle : « l’Europe et le monde attendent que nous défendions l’esprit des Lumières » déclare-t-il dans son deuxième discours présidentiel devant la pyramide du Louvre (symbole maçonnique). L’esprit des Lumières semble être ce qui donne du sens à sa vie, comme pour Ivan Karamazov, le personnage de Dostoïevski.

    b/ Cause formelle : les réseaux de l’oligarchie

    Faute d’être un homme du peuple, ce riche bourgeois est un homme de réseaux : réseau des anciens de l’Ecole Nationale d’Administration, réseau de l’inspection général des finances, réseau des milieux bancaires. Ce financier trouve des appuis dans les réseaux médiatiques, très soumis à la finance et dans les réseaux maçonniques. Son ministre de l’intérieur Gérard Collomb est un maçon de haut grade, comme l’homme chargé des investitures du parti « En marche » aux élections législatives, Jean-Paul Delevoye. La puissance de ces réseaux oligarchiques compense, en termes de pouvoir, son manque total d’enracinement populaire.

    Les institutions oligarchiques de la France le favorisent. Aux élections législatives qui suivent sa victoire aux présidentielles, son parti obtient 32,32% des voix au premier tour et 49%  au deuxième tour avec 350  députés élus sur 577  soit plus que la majorité absolue. Ce très beau résultat en sièges est dû à la loi électorale qui favorise les partis modérés. Ainsi, le Front National avec 13%  des voix au premier tour n’obtient pas 13%  des sièges soit 75 députés mais 8 seulement. Macron a donc une solide majorité à l’assemblée nationale mais ses représentants n’ont été élus que par 16%  des électeurs inscrits au premier tour. Il est fort au parlement mais faible au niveau du peuple. C’est cette force des réseaux oligarchiques qui donne l’impression d’un Macron tout puissant, qui pourrait mériter le surnom de Jupiter.

    Les réseaux médiatiques montrent leur préférence pour l’oligarchie et leur indifférence au reste du peuple. Une anecdote reflète cette réalité : pendant la campagne électorale, l’oligarque Nathalie Kosciusko Morizet a une altercation avec un citoyen lambda (maire d’un gros village de province) et les medias s’indignent massivement contre cette « agression », espérant sans doute lui faire gagner des voix aux élections législatives où elle était désavouée par le peuple.. La justice convoque le suspect. A la même période, le maire de Montfermeil est renversé délibérément par un jeune voyou en scooter : pas un mot dans les médias. Ce maire Pierre Bernard est catholique conservateur et n’appartient pas à la nouvelle aristocratie mondialiste et maçonnique ! Deux poids deux mesures dans les médias et aussi au niveau judiciaire !

    c/ La cause efficiente, l’homme lui-même.

    Macron est essentiellement narcissique, comme l’étaient Gide et Stendhal. Dans son livre « Révolutions », il écrit 250 fois les mots « je, moi » dans les 50 premières pages et une seule fois le mot « France ». Dans le chapitre consacré à sa femme, il parle quatre fois plus de lui que d’elle. Dans la pièce de Shakespeare, « le Marchand de Venise », il est comme le niais qui choisit le coffret en argent où est écrit : « qui me choisit aura ce qu’il mérite ». Shakespeare oppose à cette formule celle, sacrificielle, du coffret de plomb : « qui me choisit est prêt à risquer et à donner tout ce qu’il a ». Ses hurlements dans certains discours ou lorsqu’on le contredit sont dus à ce centrage sur soi.

    Néanmoins, il a une forte maitrise de soi, et il a fait de brillantes études à l’ENA mais il a échoué deux fois à entrer à l’Ecole Normale Supérieure malgré son goût pour les belles lettres. C’est un ambitieux et c’est une grande force en politique. Il a des atouts importants.

    Il est relativiste et pragmatique. Il prend parti tour à tour pour et contre la dépénalisation du cannabis, en 2014 il se dit socialiste mais il dit l’inverse au Puy du Fou en 2015. Il oscille sur les 35 heures de temps de travail ou sur le mariage homosexuel. Il est nomade et déclare en février 2017 à Lyon : «  il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse, » répétant le credo des élites mondialistes. Il est cynique et semble mépriser le « petit peuple » : en juillet 2017, il déclare «  une gare, c’est un lieu où l’on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien ». C’est le reflet du monde moderne décrit par le philosophe Heidegger où les hommes sont avant tout considérés comme des matières premières pour l’économie (on ne parle plus du personnel mais de « la ressource humaine »).

    La cause matérielle, qui fait à la fois la force et la faiblesse de Macron, est l’économie et la finance. Il a été inspecteur des finances, ministre de l’économie, banquier chez Rothschild. Il essayera sans doute de modifier le code du travail comme le social-démocrate allemand Schroeder autrefois. On peut appliquer à Macron la phrase de de Gaulle sur Giscard : son problème, c’est le peuple. Giscard n’a fait qu’un mandat de président puis a été chassé par le peuple au profit de Mitterrand. L’histoire se répétera-t-elle ?

    2/ la faiblesse sociologique du macronisme

    On a remarqué que, en raison notamment de l’abstention, qui touche un Français sur deux et bien plus dans la jeunesse, Macron n’a obtenu le soutien explicite que de 18%  des inscrits sur les listes électorales et 24%  des suffrages exprimés aux élections présidentielles. 80%  des Français ne sont pas macronistes, d’autant plus que son positionnement personnel sur le plan des idées est contradictoire avec l’évolution récente de l’opinion publique.

    Selon le sociologue et géographe Christophe Guilluy, la France est en train de scinder en deux parts. La première partie qui coïncide avec ce que représente Macron, est composée de catégories sociales supérieures qui bénéficient de la mondialisation (cadres supérieurs de sociétés) ou qui sont protégées de celle-ci (haute fonction publique, enseignants d’Etat). Cela fait tout de même près de 40%  des Français.

    Mais la deuxième partie de la population représente ceux qui perdent au change et qui se raccrochent à leurs valeurs traditionnelles pour bénéficier du capital culturel collectif qui les protège contre les menaces étrangères. On se souvient de Jean Jaurès qui disait : « les pauvres n’ont que la patrie ». Ce sont les catégories en croissance, notamment beaucoup de jeunes, qui souffrent de l’immigration de masse et de la délinquance montante (de 1,5 million de crimes et délits en 1968 à 4,5 millions aujourd’hui), issue pour une grande partie de l’immigration. A cela s’ajoute le malaise créé par le chômage (10%  de la population mais 25%  chez les jeunes de moins de 25 ans), et les faillites d’agriculteurs, de petites entreprises commerciales et artisanales. Guilluy considère que cette France « périphérique » représente 60%  de la population. Elle augmente avec le déclin des classes moyennes provinciales. Il appelle cette France « périphérique » par opposition aux  les grands centres urbains comme Paris où les gens souffrent moins et votent centre gauche, donc Macron.

    Cette France n’est guère représentée dans les milieux du pouvoir. Les medias officiels se sont félicités du pourcentage élevé de femmes dans la nouvelle assemblée. Mais ils sont restés discrets sur l’absence d’ouvriers (deux personnes sur 350  députés macronistes !), l’absence d’une façon plus générale des catégories souffrantes de la population. Celles-ci, peu représentées dans les instances politiques sont muselées par les médias qui ne parlent que des classes dirigeantes ou bien des immigrés ! Le pauvre n’intéresse pas les médias s’il est Français de souche ! Le sentiment d’injustice ne fait que croître.

    3/ Le durcissement conservateur de l’opinion publique

    Les changements de l‘opinion publique sont liés à cette formule célèbre depuis Eschyle, l’auteur tragique du Vème siècle avant notre ère : « paqos maqein »,( en caractères latins pathos mathein) qui signifie en grec : on apprend par la souffrance. Ainsi, le nombre de personnes favorables à la peine de mort augmente et atteint 52% (+7% entre 2014 et 205). Le chiffre est de 37%  chez les cadres mais de 67%  chez les ouvriers et de 53%  chez les retraités. Ce sont les plus faibles qui se rebiffent ! Doit-on les insulter comme le font les oligarques sur les medias ?

    69%  de citoyens pensent qu’on évolue vers trop d’assistanat et rejettent une démagogie de gauche.

    La nostalgie envers la France d’autrefois frappe 70%  de la population mais ce chiffre est plus fort chez les plus jeunes avec 78% (contre 65% chez les plus de 65 ans). Cela montre bien que la montée du conservatisme est plus forte chez les jeunes. 70% disent s’inspirer de plus en plus des valeurs du passé. 43%  seulement (contre 57%) pensent que l’avenir offrira plus d’opportunités ! 21%  seulement pensent que la France n’est pas en déclin. Ce chiffre est de 24%  chez les cadres mais de 14%  chez les ouvriers !

    4/ La crainte croissante de l’immigration et de l’islam

    68%  des Français pensent que la moitié des immigrés ou « une grande majorité » (34%) n’est pas bien intégrée. Pour 61% des Français, les immigrés ne font pas d’efforts pour s’intégrer. Pour 65% il y a trop d’étrangers en France (ces 2 résultats ne sont pas publiés dans la brochure de la fondation Jean Jaurès mais ont été publiés dans le Figaro, moins porté semble-t-il sur la censure du politiquement incorrect). 61%  des Français ont le sentiment de ne plus être autant chez soi qu’autrefois.  Ce sentiment ne touche que 47%  des cadres mais 72%  des ouvriers !

    40%  des gens pensent que l’islam est compatible avec les valeurs de la France (contre 92%  pour le catholicisme). 74%  pensent que l’islam cherche à imposer sa loi dans le pays. Le chiffre de ceux qui pensent que l’islam  porte des germes de violence et d’intolérance est passé de 33%  en 2015  à 46% en 2017 ; Le pourcentage de jeunes méfiants envers l’islam est plus fort (52%) que le pourcentage de gens plus âgés (43%). 81% pensent que l’intégrisme islamique est une grave menace. Ce chiffre a cru d’un tiers chez les jeunes de moins de 35 ans en un an !

    5/Une nouvelle lutte des classes en France ?

    Les questions d’immigration et d’islam montent un clivage important entre la France mondialiste plus riche et la France qui souffre. Un tiers des ouvriers et un tiers des jeunes de moins de 35 ans considèrent que la démocratie telle qu’elle fonctionne à présent n’est pas nécessairement le meilleur système.

    On assiste à une coupure de la France en deux. Les satisfaits ne s’inquiètent pas de l’immigration, de l’insécurité et du chômage. Mais ils pratiquent des comportements d’évitement grâce à leurs revenus. La hausse des prix du foncier a éliminé les plus faibles financièrement des centres villes. Les catégories supérieures s’arrangent pour mettre leurs enfants dans les écoles où il y a très peu d’immigrés : moyennant quoi ils donnent des leçons d’ouverture et d’antiracisme à ceux qui n’ont pas les moyens de faire pareil. Les privilégiés méprisent le reste de la population considéré comme xénophobe et peu ouvert moralement. Le « petit peuple » écoeuré de ne jamais avoir la parole sur les médias et d’être stigmatisé injustement s’abstient aux élections ou vote pour les partis populistes. Beaucoup d’ouvriers ont quitté les partis et syndicats de gauche et se tournent vers les partis  patriotes.

    6/ La crise de confiance à l’égard des institutions et de la classe politique

    a/ L’effondrement de la confiance des citoyens

    Les médias, les députés et les partis politiques font l’objet d’une défiance générale : 73% des Français n’ont pas confiance dans les médias, pensent qu’ils font de la propagande, mentent et censurent la réalité. 74%  n’ont pas confiance dans les députés. 89%  n’ont pas confiance dans les partis politiques et jugent que les chefs de ces partis sont incompétents et sans moralité.

    La défiance à l’égard des syndicats et de l’Union européenne touche les deux tiers des citoyens selon les enquêtes IPSOS auxquelles nous nous référons.  La méfiance envers les banques, la justice et les grandes entreprises concerne un citoyen sur deux.

    Par contre, les Français font confiance à l’armée (84%), la police (77%) et les petites et moyennes entreprises. Parmi les élus, seuls les maires ont une bonne côte de confiance(66%)

    L’envers de cette méfiance est que les Français demandent plus d’autorité (88%) et 85%  disent qu’on a besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre.

    65%  des Français pensent que les politiques sont majoritairement corrompus, 84%  pensent que les hommes politiques agissent pour leurs intérêts personnels et pas dans l’intérêt des Français. On comprend alors le taux d’abstention énorme (51%) aux dernières élections législatives.

    78%  trouvent que leurs idées ne sont pas représentés et que la démocratie représentative fonctionne mal.

    70%  voudraient être consultés lors de référendums (démocratie directe).

    b/ La confiance dans l’opposition est faible.

    Les Républicains sont considérés comme ayant les mêmes défauts que les socialistes ou le parti de Macron.

    Le Front National est considéré comme différent mais toutefois sans solutions réalistes (66%), éloigné des préoccupations des gens (68%) et incapable de gouverner le pays (69%).

    60% trouvent même ce parti dangereux. C’est peut-être à rapprocher de l’opinion des Français sur l’euro : 75%  souhaitent rester dans l’euro (+8 points en un an). Même les ouvriers sont favorables à l’euro (63%).

    7/ Conclusion : la fragilité de Macron

    Le nouveau président français a quelques atouts mais il reste minoritaire dans l’opinion publique. Ayant conscience de cette faiblesse, il s’attache à se donner une dimension internationale pour renforcer son prestige. Il sait que les Français souhaitent aujourd’hui un vrai chef. Ses entretiens avec le président de la Russie ou le président américain ont pour but de renforcer le prestige intérieur du président Macron. Il a besoin d’être considéré par eux comme quelqu’un d’important.

    Les réformes sociétales souhaitées par la classe dirigeante et une majorité de la maçonnerie ne sont pas un atout pour le président sauf sur certains sujets concernant les mœurs.

    La confiance sera liée aux résultats économiques. Macron veut désétatiser l’économie française, réduire les dépenses publiques mais il affrontera la gauche sur ce terrain difficile. A l’inverse, s’il apparaît trop faible sur les sujets comme l’insécurité, le terrorisme ou l’immigration de masse, il perdra du terrain au profit des partis qui investiront le champ patriotique.

    Comme sa force est dans les réseaux oligarchiques et non dans le peuple, il ne cherchera pas à mettre en place une vraie démocratie directe. Tout au plus aurait-il recours au référendum sur des sujets d’exception.

    Le vrai problème pour son succès dans la durée est sa capacité à surmonter le lutte des classes croissante dans le pays et à satisfaire les classes qui souffrent le plus de l’immigration de masse, de l’insécurité et du chômage. Cela supposerait de sa part un très grand virage pour se libérer des pesanteurs sociologiques qui font de lui le représentant des élites privilégiées et l’homme volontiers méprisant à l’égard du « petit peuple », petit peuple qui est voué, surtout quand on voit le vote des jeunes, à devenir de plus en plus majoritaire.

    [1] Le Club international de discussion de Valdai a été créé en Russie en 2004 et regroupe des experts pour examiner la situation internationale et la place de la Russie. Le président Poutine vient chaque année à la principale session.

    Les données démoscopiques uilisées dans cette note sont issues essentiellement de « Fractures françaises » de Gérard Courtois, Gilles Finchelstein, Pascal Perrineau et Brice Teinturier, à partir des travaux de l’institut Ipsos/Stéria d’avril 2015 ; Editions Jean Jaurès

    Ivan Blot, Ancien député, Expert au Club de Valdaï (1)

    Coprésident des Volontaires pour la France

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    DANS LE MONDE

    Attentats de Barcelone:

    "le Maroc avait alerté sur les binationaux"

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    Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE)

    © Copyright : Le360 : Adil Gadrouz

     

    "Les services marocains avaient alerté, particulièrement sur des binationaux espagnols", dévoile le président de l'Institut prospective et sécurité en Europe, Emmanuel Dupuy. Il estime que l'attentat barcelonais remet à l'ordre du jour la nécessité pour l'Europe de s'inspirer du BCIJ marocain.

    Les services marocains avaient bel et bien alerté sur des binationaux espagnols, et particulièrement sur le "Molenbeek espagnol", Ripoll, localité où résidaient les membres de la cellule terroriste à l'origine de l'attaque au bélier de jeudi 17 juillet, sur les Ramblas, au centre de Barcelone (13 morts et plus de 120 blessés), et l'attentat de Cambrils, province de la Tarragone, qui a fait un mort. C'est ce que vient de dévoiler le président de l'Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE), Emmanuel Dupuy, dans une interview à nos confrères français de la "Nouvelle République".

    Le spécialiste français en questions de sécurité ne manque pas de planter au passage une pique à la Catalogne qui, du fait de son "autonomisme", avait justement refusé de collaborer, en déclinant l'offre de "participer au pacte national espagnol d'échange d'informations sur le terrorisme islamiste". Ceci, "alors que 30% des fichés S espagnols vivent en Catalogne".

    "On sait aujourd'hui que la plupart des membres de la cellule démantelée en Catalogne sont marocains ou binationaux",  souligne le président de l'IPSE. "La coopération existe déjà, notamment entre le Maroc, l'Espagne, le Portugal et la France (G4)", relève-t-il encore. Seulement voilà, "il manque à cette coopération une dimension que, justement, seul le Maroc a mise en place: la dimension judiciaire".

    "En 2015, le Maroc a, en effet, créé un Bureau central d'investigations judiciaires, qui regroupe tout le renseignement venant aussi de la criminalité, des trafics, des financements suspects, etc", rappelle-t-il. "Depuis 2015, ce bureau (Bureau central des investigations judiciaires) a empêché une cinquantaine d'attentats, démantelé 300 cellules, fait arrêter et incarcérer plus de 2.000 +revenants+ d'Irak ou Syrie", fait-il valoir.

    Autre grief fait par l'expert, il concerne la France elle-même, accusée de ne pas avoir suivi l'exemple du Maroc en créant un équivalent français du Bureau central des investigations judiciaires (surnommé "le FBI marocain"). "Le rapport Fenech, post attentat 2015, avait préconisé la création d'un tel bureau en France, mais cela n'a pas été suivi d'effet", déplore-t-il.

    L'expert français estime néanmoins que "l'attentat barcelonais pourrait remettre ce sujet (création d'un bureau central des investigations judiciaires) à l'ordre du jour".

    "Une coopération plus serrée encore entre des pays cibles et le Maghreb" s'imposerait aujourd'hui plus que tout autre temps, exhorte l'expert français, en plaidant pour l'élargissement de cette coopération au-delà de la France, l'Espagne, le Portugal et le Maroc, pour inclure aussi l'Italie.

    Ziad Alami

    Le 360

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    Algérie : la quasi-totalité des frontières

    avec les pays limitrophes fermées

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    Avec le Maroc et la Mauritanie, les frontières de l'Algerie sont officiellement fermées. Avec ses voisins du Sud, à savoir le Mali et le Niger, c'est une fermeture de fait, à cause de la situation d'insécurité et des accusations de "complot sioniste" sur la migration. Enfin, avec la Libye, la relation n'est réelle qu'avec Fayez Al-Sarraj, tandis que les hommes du général Haftar ont clairement montré que la confiance n'est pas à l'ordre du jour.


    Dédaigneuse et hautaine avec ses deux voisins subsahariens, comme le prouvent les récentes déclarations racistes contre les migrants originaires de ces pays, Alger semble regretter d'appartenir au continent noir.

    Nourrissant une haine viscérale contre le Maroc et source d'insécurité pour la Mauritanie, il ne lui reste désormais que la Tunisie avec qui les échanges terrestres existent encore.

    Gâchis diplomatique et économique

    En somme, c'est un vrai gâchis diplomatique et économique. Si l'on observe la carte de l'Afrique, rares sont les pays qui comptent autant de frontières terrestres qu'elle, à part peut-être le Soudan, le Mali, la RD Congo, la Tanzanie ou le Burkina Faso.

    C'est une situation que lui envieraient beaucoup d'autres Etats, parce que source d'opportunités. Sauf que son choix stratégique de vivre en autarcie économique et diplomatique la pousse à ignorer les relations de bon voisinage avec les six pays qui l'entourent.

    Avec le Maroc d'abord, c'est une lapalissade que d'affirmer qu'Alger cherche à maintenir des relations heurtées, d'où le refus catégorique de se pencher sérieusement sur la réouverture des frontières.

    Ennemi choisi...

    Aujourd'hui, Alger persiste dans cette option de s'isoler du Maroc qu'elle s'est choisie, malgré un discours officiel affirmant régulièrement la volonté de construire le Maghreb. Sur une bonne partie de la frontière, murs et grillages sont devenus un décor bien ordinaire.

    Concernant la Mauritanie, la décision de fermer la frontière est venue de Nouakchott. Cela n'a sans doute pas été du goût d'Alger, mais son voisin du sud n'a d'autre choix que de "déclarer zone militaire interdite aux civils" cette partie de son territoire, s'il veut se prémunir contre d'éventuelles attaques terroristes.

    Car, l'Algérie est considérée par Nouakchott comme le principal repaire des trafiquants et terroristes pouvant s'introduire dans le nord du pays. Elle en a fait l'amère expérience, en 2005, quand le GSPC algérien a attaqué une unité de l'armée mauritanienne, faisant une quinzaine de morts.

    Pour ce qui est du Mali et du Niger, les échanges officiels sont inexistants pour deux raisons. La première c'est qu'Alger estime que ces deux pays ne sont qu'émetteurs de migrants, quand ils ne servent pas de lieu de transit pour les Nigérians, les Ivoiriens, les Camerounais et les Tchadiens.

    "Sida, crimes, drogues..."

    Or, la position officielle, maintes fois exprimée par la présidence algérienne, c'est que les Africains sont sources de "Sida", de "crimes, de drogues et de plusieurs autres fléaux". Ce sont en effet deux proches collaborateurs de Abdel Aziz Bouteflika qui avaient tenu de tels propos. L'un, Farouk Ksentini est son président de la Commission des droits de l'homme, directement rattachée à la présidence. L'autre, Ahmed Ouyahia, est son chef de cabinet.

    Evidemment, de tels propos se traduisent sur le terrain par une fermeture de fait de la frontière avec le Mali par les autorités algériennes. De plus, ces déclarations honteuses ne sont pas tombées dans l'oreille de sourds. Les Africains au sud du Sahara savent désormais à qui ils ont affaire.

    L'autre raison pour laquelle les frontières restent étanches , c'est que la zone n'est pas la mieux indiquée pour ceux qui espèrent profiter d'un commerce transfrontalier à cause de l'insécurité et de l'absence d'infrastructures. Pas un seul opérateur économique ne s'y aventure. La nature ayant horreur du vide, la place est occupée par les trafiquants en tous genres et bien sûr par les terroristes algériens et rebelles maliens dont le pays de repli demeure l'Algérie.

    Méfiance de Haftar

    Il reste bien sûr la Libye. Alger entretient de bonnes relations avec Hafez Al-Sarraj. De trop bonnes relations, estiment les partisans du général Khalifa Haftar, l'autre homme fort de la Libye. Pas plus tard qu'en mai dernier, quand le ministre algérien des Affaires étrangères fraîchement nommé a commis l'impair en se rendant au sud de la Libye, le Parlement de Tobrouk, favorable à Haftar, a vivement dénoncé ce geste.

    "Au moment où l'on combat le terrorisme pour sauvegarder la souveraineté nationale (...), nous avons constaté aujourd’hui l’entrée du ministre algérien des Affaires étrangères et sa tournée dans les villes du sud libyen sans contrôle ni autorisation, comme s’il s’agissait d’une ville algérienne. Et il s’est entretenu avec des personnalités qui portent toujours de la haine envers les Libyens", écrivait-il dans un communiqué. Cela explique d'ailleurs qu'Alger ait échoué à réunir les deux frères ennemis libyens.

    L'isolement d'Alger est donc certain. Tant que cela ne concernait que ses voisins, cela n'avait aucune importance pour les hommes du régime de Bouteflika. Leur suffisance avec leurs "frères du Maghreb" et leur arrogance avec "les pays de leur profondeur naturelle" ne sont plus à démontrer.

    Rejet des ensembles régionaux

    Sauf que, aujourd'hui, d'autres paramètres sont en jeu. D'un côté, il y a le continent à qui elle tourne le dos. Au niveau africain, après avoir torpillé la construction de l'Union du Maghreb arabe, l'Algérie ne veut se rapprocher d'aucun groupe sous-régional, ni du Comesma dont font partie l'Égypte et la Tunisie, ni de la CEDEAO avec laquelle elle a une très longue frontière. Sa diplomatie du chéquier, qui a longtemps permis de se faire des amis çà et là, ne marche plus tellement, à cause des prix du baril de pétrole qui se sont effondrés.

    De l'autre, il y a la France d'Emmanuel Macron qui montre qu'elle sait se passer d'Alger, quitte à égratigner l'amour propre des caciques qui pensent qu'il suffit de claquer 11 milliards de dollars par an dans des armes pour faire peur à certains et forcer la sympathie d'autres. Alger n'est conviée ni dans le G5 Sahel, ni dans les consultations sur la question migratoire, ni dans la résolution de la question libyenne.

    Alors que ce pays se proclame comme profondément enraciné dans l’Afrique, force est de constater qu’il n'échange, par la voie terrestre, qu’avec un seul des six pays dont il partage des frontières.

    Cette situation, inédite sur le continent, fait de l’Algérie l’un des pays les plus isolés au monde. Et les frontières fermées sont emblématiques de l’autarcie d’un pays dont les très hauts responsables ne cachent plus leur méfiance, voire leur haine, des autres.

    Le 360
    Par Mar Bassine

  • Feu sur la liberté d'expression

     

    Liberté d'expression.jpg

    Si quelqu’un veut instaurer une dictature en France, qu’il s’y prenne entre le 20 juillet et le 15 août, il a toutes les chances d’y parvenir. Personne ne troublera ses vacances pour si peu. À l’exception d’un édito par-ci et d’une tribune par-là, nul ne s’est ému de la disposition scélérate adoptée par l’Assemblée dans la nuit de vendredi à samedi, avec le reste de la stupide loi « confiance ».

    Élisabeth Levy fait le point sur la question avec sa rigueur habituelle.

    Levy Elisabeth.jpgQue dire, en effet, d’un texte par lequel les députés acceptent de se placer sous une tutelle infantilisante parce que le moloch de l’opinion exige de voir leurs notes de frais et que puisque je suis obligé de le faire pourquoi pas eux gnagnagna, et qui leur interdit de surcroît de travailler avec les personnes en lesquelles ils ont le plus confiance, parce que le Canard et Mediapart sont aux aguets ? Cette loi manifeste en vérité un consternant asservissement à l’air du temps et aux vaches sacrées d’une époque qui ne tolère plus que l’on ait quelque chose à cacher. On dira que, si les députés veulent se mettre à poil, c’est leur problème. Pardon, mais vu qu’ils me représentent, moi le peuple souverain, c’est un peu le mien.

    Feu sur la liberté d’expression!

    Toutefois, le plus scandaleux n’est pas cette nouvelle et grotesque avancée de la transparence, mais le forfait contre la liberté d’expression, donc, contre la démocratie, contenu dans l’article 1, de la loi, modifié au cours des débats par les amendements 572 et 621, dont Alain Jakubowicz, le patron de la Licra, tient absolument à faire savoir urbi et orbi qu’ils ont été inspirés par son association. Il s’agit en réalité d’un sucre lâché aux ultras, tous ceux qui entendent laver plus blanc que blanc (surtout le linge des autres), pour leur faire avaler l’abandon de l’exigence de casier judiciaire vierge pour tous les candidats, idée qui, en plus de son robespierrisme outrancier, montre la confiance que nous avons dans la capacité de rédemption de notre Justice, mais qui, semble-t-il n’était pas constitutionnelle, quel dommage.

    La lettre écarlate vous suivra pendant dix ans

    On pourra donc élire un repris de justice, sauf s’il a commis un de ces délits d’opinion que nos associations, bras armés et même dopés de la police de la pensée, se font un honneur de traquer et qu’elles appellent « dérapages ». Si le texte n’est pas modifié au cours des débats, toute condamnation pour diffamation ou injure à caractère racial, antisémite, homophobe ou témoignant d’une forme quelconque de discrimination, sera en effet assortie, sauf avis contraire du juge, d’une peine d’inéligibilité de dix ans. En gros, si vous avez fait des conneries, vous pouvez représenter le peuple souverain, mais si vous en avez dites ou écrites, pas de pardon, la lettre écarlate vous collera à la peau pendant dix ans, et, pour le tribunal médiatique, à perpétuité. On devrait s’interroger sur notre sensibilité croissante à ces délits qui se commettent la plume ou le micro à la main. Est-ce parce que nous ne sommes plus capables d’argumenter contre les idées qui nous déplaisent que nous cherchons à les faire disparaître par des pincements de nez ou, de plus en plus souvent, par des opérations d’intimidation judiciaire ?

    Aux électeurs de choisir

    Sur le plan des principes, cet article 1 est problématique à plusieurs titres. Tout d’abord, cela ne semble pas vraiment casher du point de vue de la séparation des pouvoirs. Les juges ne devraient intervenir dans le processus électoral en prononçant des peines d’inéligibilité que lorsque c’est indiscutablement légitime, par exemple pour empêcher un trafiquant de drogue de se présenter à une élection. Mais la règle devrait être que ce sont les électeurs qui choisissent. Une fois informés des turpitudes commises par un candidat, celui-ci ayant purgé sa peine ou acquitté sa dette, c’est à eux de décider. On peut trouver déplorable que Patrick Balkany soit réélu. On ne peut pas faire une loi pour obliger les gens à être intransigeants sur l’honnêteté passée de leurs élus.

    L’Encyclopédie n’aurait jamais existé

    Mais si l’affaire est grave, c’est parce qu’elle concerne la « libre communication des pensées et des opinions », que nous appelons communément liberté d’expression, et qui est, selon les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’Homme, « un des droits les plus précieux de l’Homme ». Certes, cette liberté ne saurait être sans limites. Du reste, toute société se définit par ce qu’il n’est pas permis de dire. Seulement, sous l’influence conjointe du juge et du législateur, cette limite, en France, ne cesse d’être déplacée et le champ de la liberté restreint. Jamais les Encyclopédistes n’auraient existé dans ce climat de pudibonderie idéologique où on brandit son juge dès qu’on se sent offensé ou choqué. Cette République des chochottes et des susceptibles n’est pas seulement irrespirable politiquement, elle est intellectuellement désespérante car elle interdit tout véritable débat. (Pour avoir une idée de ce qu’on appelle « débat » aujourd’hui, il faut écouter la quotidienne de France Inter appelée « Le débat de midi », où il n’y a jamais, justement, l’ombre d’un débat car l’animatrice déroule le tapis rouge à tous les poncifs du moment sans jamais exprimer une once de distance ou de contradiction, on dirait un sketch sur le lavage de cerveau)

    Embastiller les racistes ?

    J’entends les protestations. Faut-il laisser des racistes en liberté ? Mais oui, et d’ailleurs c’est ce qu’on fait car à l’exception de quelques négationnistes multi-récidivistes, on n’embastille pas encore, en France pour les « crimes-pensée ». Et par ailleurs, interdire à Dieudonné ou à Le Pen de se présenter, c’est refuser le bénéfice de nos libertés à ceux qui ne pensent pas comme nous. Et c’est politiquement beaucoup plus dommageable politiquement que de les laisser prendre une raclée électorale. Ah oui, mais Hitler, dira-t-on encore. Pardon, mais au moment où Hitler arrive en tête aux élections, il est déjà trop tard. Et puis nous n’en avons pas en rayon.

    La Licra et le CCIF arbitres des élégances

    Ce qui rend l’article 1 beaucoup plus inquiétant encore, c’est le contexte dans lequel il est voté, alors que le mot racisme a aujourd’hui le dos si large qu’il permet de confondre toute personne qui aurait le culot de voir les différences culturelles autrement que pour les célébrer, et qu’il sert même à envelopper des propos du général de Gaulle repris par Nadine Morano. Ainsi a-t-on réussi, durant des années, à désigner comme tels tous ceux qui s’inquiétaient des flux migratoires (et il est vrai qu’il y avait des racistes parmi eux). Alors que cette inquiétude est partagée par 75 % des Français, il est plus difficile de la criminaliser. Aujourd’hui, des associations comme le Comité contre l’Islamophobie en France (CCIF) et ses supplétifs de la Licra, se font une spécialité de poursuivre tous ceux qui osent voir et décrire les méfaits de l’islam radical qui progresse sur notre territoire.

    La gâchette judiciaire facile

    C’est ainsi que, en quelques mois, Pascal Bruckner, Georges Bensoussan, Eric Zemmour, Robert Ménard ; pour ne citer que les plus connus, ont dû répondre de leurs propos devant les tribunaux. Rappelons que, dans le cas de Georges Bensoussan, poursuivi pour avoir évoqué l’antisémitisme répandu chez une partie des musulmans, c’est le Parquet, c’est-à-dire nous, qui a fait appel de la relaxe prononcée par le juge. Cela n’augure pas très bien de la façon dont la Justice aura à cœur de protéger nos libertés.

    Le plus dingue est que tout cela soit passé comme un lettre à la poste. Dans les médias, les rares journalistes qui n’ont pas encore laissé leur place à des stagiaires en redemandent, bien sûr. C’est vrai, quand interdira-t-on d’élection tout homme ayant fait une blague grivoise ?

    Les Insoumis soumis au politiquement correct

    À l’Assemblée, les braillards habituels n’ont pas moufté. On ne s’étonnera pas de ce que les insoumis, qui sont aux avant-postes du politiquement correct, n’aient rien trouvé à redire. Les députés FN, pourtant visés par la loi, étaient de sortie. Seule Emmanuelle Ménard, (apparentée FN) est courageusement monté au créneau lors de la séance de mercredi, parlant d’une «épée de Damoclès au-dessus de la liberté d’expression » : « Vous ouvrez la porte à l’arbitraire, au chantage de ces associations qui multiplient les procès, les transformant en un véritable fonds de commerce. Adieu Voltaire, bonjour Torquemada ! Je le dis à mes collègues de la République en marche : attention à ne pas entacher vos débuts par un texte attentatoire à cette liberté d’expression qui est l’un des socles de notre démocratie. Attention à ne pas être toujours plus donneurs de leçons, plus moralisateurs, plus démagogues aussi. » Inutile de préciser qu’elle n’a guère été applaudie. Reste donc à espérer que les sénateurs (ou le Conseil constitutionnel) feront prévaloir le bon sens. Il ne s’agit pas d’un détail. Si cet article 1 est voté, nous nous habituerons à un nouvel appauvrissement du débat démocratique, déjà mis à mal par l’envahissement du conformisme.

    Jouer à la Résistance

    On voit d’autant moins pourquoi les censeurs se gêneraient que l’opinion est comme anesthésiée. Il paraît que les Français sont accros à leur smartphone en vacances. Eh bien, ce n’est pas pour suivre les débats parlementaires. Nous adorons jouer à la Révolution, et plus encore à la Résistance. Mais nous ressemblons de plus en plus à ces veaux dont se moquait Mongénéral. Ou plus encore à ces hommes en bermudas dont Muray a montré qu’ils étaient l’avenir de l’espèce. Votez pour nous et laissez nous bronzer. Après tout, la police de la pensée ne fait pas de bruit de bottes.

    Elisabeth Levy

    Causeur

  • Audition du général Pierre de Villiers, (ancien) chef d’état-major des armées (Commission Défense de l’Assemblée nationale, 12 juillet 2017)

     

    Villiers - Macron.jpg

    Après une lecture intégrale de ce long texte, vous noterez que si les députés de la commission ont beaucoup insisté sur la question des fameux 850 millions d'euros, le chef d'état-major des armées est resté très prudent. Exemple : 

    "Je ne peux guère vous en dire davantage sur les conséquences qu’aurait l’annulation de 850 millions d’euros de crédits, non pas parce que je cherche à éviter le sujet, mais parce que la décision n’a pas encore été officiellement prise par le président de la République. Attendons qu’elle le soit ; en attendant, j’ignore si nous appliquerons la batterie de mesures possibles, car cela dépendra, encore une fois, du niveau de report de charges et de crédits, de la manière dont cette annulation s’articulera avec d’autres annulations et gages dans le cadre de la gestion budgétaire globale et du niveau des opérations extérieures. Je dirai ceci : à l’évidence, le budget ne correspond pas à ce que j’avais demandé, et je pense que vous l’avez compris, ni à ce qu’a demandé la ministre des Armées. Cela étant dit, je ne peux guère vous apporter davantage de précisions tant que la décision n’est pas officiellement prise ; lorsqu’elle le sera, si elle devait l’être, votre président sera informé des mesures concrètes de décalage qui seront prises – puisqu’il faudrait procéder à des décalages, étant donné que je ne vois pas d’autre solution que de faire porter de telles demandes d’économies sur l’équipement des forces".

    Y avait-il réellement un "motif de condamnation"?

    Il ne s'agit rien d'autre qu'un prétexte pour se débarrasser du meilleur officier de l'armée française. Jugez vous-même :

    le président Jean-Jacques BrideyMon général, je suis très heureux de vous retrouver au sein de cette commission. Depuis trois ans que vous êtes chef d’état-major, vous vous êtes exprimé devant nous avec liberté et régularité, suscitant toujours notre intérêt et parfois même nos applaudissements. Venant de saluer chacun des députés ici présents, vous aurez eu l’occasion de vous apercevoir du renouvellement très important et du rajeunissement de notre commission qui n’a conservé de l’ancienne législature que six ou sept membres. Par ailleurs, quelques députés nous sont revenus, comme François André qui avait participé à nos travaux avant d’aller à la commission des Finances.

    Mon général, vous sortez d’un conseil de défense. Sans trahir les débats que vous avez eus avec le président de la République, peut-être pourrez-vous nous apporter des éclaircissements quant à l’annulation, annoncée hier, de certains crédits militaires qui nous interroge et nous inquiète. Comme nous l’avons fait au cours des cinq dernières années, nous travaillerons au sein de la commission avec la ministre des Armées et l’état-major pour que les crédits de nos armées soient au rendez-vous des engagements et de la programmation que nous nous sommes fixés.

    Général Pierre de Villiers, chef d’état-major des arméesMonsieur le président, je vous remercie très sincèrement de m’accueillir au sein de votre commission au commencement de cette législature. Je suis très heureux de m’exprimer devant un si grand nombre de députés. Pour commencer, permettez-moi de vous dire toute ma satisfaction de savoir que nous allons continuer à travailler ensemble. Je connais votre esprit de dialogue et votre compétence en matière de défense, qui sont de très bon augure, compte tenu des nombreux chantiers qui nous attendent, et qui seront déterminants pour l’avenir de notre outil militaire. Je me réjouis, également, de faire la connaissance des nouveaux membres de la commission qui enrichiront nos travaux par un regard tout à la fois neuf et averti sur les questions de défense et de sécurité. Si je vous ai salués individuellement, c’est que les relations humaines et la connaissance individuelle de chacun des représentants de la Nation m’importent beaucoup. Je salue enfin les quelques députés restés fidèles au poste, que je suis très heureux de retrouver ce matin.

    Depuis ma prise de fonction, il y a bientôt trois ans et demi, j’ai été très sensible, ainsi que l’ensemble de la communauté militaire, derrière moi, à la relation de confiance qui existe entre les parlementaires et les militaires. J’y suis très attaché. Il en va du bon fonctionnement de notre République.

    Au cours des deux années qui viennent de s’écouler, une vraie convergence de vues a contribué à enrayer la baisse de la part du budget alloué à la défense. Nous partageons tous ici, j’en suis convaincu, l’idée qu’il s’agissait d’une première étape, absolument essentielle, et qu’elle ne doit pas rester sans lendemain. L’heure de la remontée en puissance est venue. Il s’agit bien d’une nécessité, en raison de la montée des tensions et des menaces. La législature qui s’ouvre doit s’inscrire dans cette dynamique en amplifiant le mouvement déjà amorcé afin de nous permettre de relever, sur le long terme, le défi de maintenir la cohérence entre les menaces auxquelles nous faisons face, les missions qui nous sont confiées et les moyens qui nous sont octroyés.

    Vous le savez, les armées françaises ont une raison d’être : assurer la défense de la nation. Elles ont une vocation : protéger la France et les Français. La cohérence est la garantie de la résilience, de la souplesse et de la robustesse de notre modèle d’armée. Ce combat en faveur de la cohérence mérite donc d’être conduit avec beaucoup de détermination et de responsabilité.

    Dans mon propos, j’aborderai cette question majeure de la cohérence en trois temps. Je souhaite d’abord revenir sur le contexte sécuritaire actuel, tel que je l’analyse, en présentant le cadre de notre action ; puis vous donner un aperçu des opérations que nous conduisons actuellement ; et enfin détailler devant vous mes préoccupations. « Un homme sans souci est proche du désespoir » dit-on. Je suis donc plein d’espérance !

    Je commencerai donc par évoquer le contexte sécuritaire.

    Depuis 2015, la France, et, plus largement, notre continent européen ont été douloureusement frappés par des actes terroristes particulièrement odieux. Il ne se passe plus un mois, désormais, sans qu’une attaque ne soit perpétrée dans l’un ou l’autre des pays européens. Ce contexte particulier vient soudainement nous rappeler que la paix et la sécurité de notre espace commun, que nous tenions plus ou moins pour acquises, restent sous la menace permanente d’une remise en cause. Ma conviction est que les temps à venir seront difficiles. Nous avons le devoir de regarder la réalité en face, sans la noircir, certes, mais avec le souci d’appréhender le monde tel qu’il est. Notre époque est marquée par une complexité grandissante. Nous devons faire face à une infinité d’interactions entre de nombreux compétiteurs, dans tous les champs.

    Néanmoins, avec un peu de recul, deux types de conflictualité structurant le champ stratégique me semblent clairement identifiables.

    D’une part, le terrorisme islamiste radical : une idéologie servie par une stratégie totale et ultra-violente qui n’a d’autre projet que la destruction et l’anéantissement de toute altérité, à commencer par les plus démunis et les plus faibles. Il représente la menace la plus perceptible par nos concitoyens. La lutte contre le terrorisme sur notre sol et au plus loin avait été identifiée comme l’une des premières priorités stratégiques du Livre blanc français de 2013, sans toutefois que l’ampleur du phénomène ait pu être anticipée. Cette menace ne se limite plus aux seules zones grises ni aux foyers traditionnels de ce fanatisme idéologique : elle s’étend désormais à des espaces toujours plus vastes, frappant chacun des cinq continents. La France et l’Europe, parce qu’elles portent un projet de paix et de modernité, sont particulièrement visées.

    Nous sommes confrontés, d’autre part, à une menace dont nous ne parlons peut-être pas assez : certains États-puissances n’hésitent plus désormais à tutoyer la ligne rouge. Soucieux d’étendre leur influence, y compris par l’expansion territoriale, ils appliquent des stratégies agressives, comme le déni d’accès ou le fait accompli, et investissent des champs nouveaux, comme le cyberespace ou l’espace extra-atmosphérique.

    Bien que moins immédiate et moins perceptible, cette menace n’en est pas moins réelle. Elle est structurante, dès lors que l’on parle de modèle d’armée et d’outil militaire. En réalité, un nouveau visage de la guerre se dessine progressivement sous nos yeux. Je voudrais souligner devant vous certains de ses traits au travers de deux observations.

    La première a trait à ce que j’appelle « les quatre D », quatre tendances structurantes pour l’avenir dans nos engagements militaires.

    Très frappante, la première tendance est celle du durcissement. Sur le terrain, les forces armées sont aujourd’hui confrontées à l’usage très fréquent, presque systématique, de la violence – conséquence directe de la prolifération technologique et de la dissémination d’armements à des entités non étatiques, partout dans le monde. Tous les matins, quand je lis le point de situation des dernières vingt-quatre heures, je ne relève pas moins de quatre à cinq attentats, causant des dizaines de morts sur tous les continents. Je relève également, je l’ai dit, une augmentation des provocations de certains États-puissances qui n’hésitent pas à tutoyer la ligne rouge. Face à ce phénomène de durcissement, seule la force légitime et maîtrisée peut faire reculer la violence.

    Deuxième tendance – le deuxième « D » : la dispersion. Aujourd’hui, les opérations extérieures sont menées dans des zones géographiquement éloignées les unes des autres. Dans la bande sahélo-saharienne, l’opération Barkhane s’étire sur 4 000 kilomètres de front et 1 000 kilomètres de profondeur. La dispersion des zones d’intervention et les élongations inter et intra-théâtres rendent primordiales les capacités de projection de commandement et de renseignement. C’est entre autres pour cette raison que les coopérations entre pays – en particulier, entre pays d’une même zone géographique – sont si importantes. Je songe ici au modèle du G5-Sahel. C’est également pour cette raison que le soutien des nations alliées est indispensable.

    La troisième tendance est celle de la digitalisation. La technologie digitale est au cœur de nos sociétés, de nos systèmes et de nos outils militaires. Elle est aujourd’hui considérée, à raison, comme un facteur de supériorité opérationnelle et stratégique, y compris pour gagner la guerre des perceptions. Elle permet par exemple à Daech d’être ici et là, simultanément et instantanément, et de démultiplier la résonance de ses crimes.

    Enfin, la quatrième tendance est la durée. La phase militaire de la majorité des engagements extérieurs s’étire désormais souvent sur une quinzaine d’années au moins. Ces engagements qui durent engendrent une usure accélérée des ressources humaines et matérielles. En réalité, nous devons conjuguer la durée des engagements et le rétrécissement du temps dans la capacité de réaction. « Plus de durée, moins de délais ».

    Parallèlement à ces quatre tendances, j’observe en second lieu que le monde réarme. Après des décennies de stagnation ou de baisse, le cycle s’est inversé en 2015 : les ventes d’armes dans le monde ont même retrouvé cette année leur niveau de la fin de la guerre froide ! Les dépenses militaires représentent environ 1 700 milliards de dollars, soit 2,3 % du PIB mondial, même si certains États persistent encore à considérer que l’OTAN et les États-Unis continueront à pourvoir, dans les mêmes proportions, à la défense de l’Europe. Pris dans leur ensemble, les pays européens ne consacrent que 1,2 % de leur PIB à la défense, quand les États-Unis y consacrent 3,3 % et la Russie, 3,7 %. Ce désarmement relatif des Européens entraîne un moindre investissement de leur part dans le champ de la préparation de l’avenir – celui qui assure la « paix d’avance ». J’en fournirai un exemple parmi d’autres : si, en 2000, les Européens alignaient 4 000 avions de combat, ils n’en totalisent aujourd’hui qu’environ 2 000 et les projections laissent craindre que nous passions sous la barre des 1 500, à l’horizon 2030.

    On comprend aisément que cette dérive progressive emporte des risques. L’avantage dont disposaient l’Europe et l’Occident est en train de fondre. La supériorité occidentale dans les espaces communs est sérieusement contestée. L’heure de la fin de l’insouciance a sonné. Il est illusoire de considérer que le plus dur est passé et que les succès d’hier et d’aujourd’hui nous en promettent naturellement pour demain. Nous avons changé d’époque. D’aucuns y voient le retour de l’histoire.

    Pour espérer peser, les États européens doivent en tout cas se déterminer clairement quant à leur niveau d’ambition. La multiplication accélérée des périls sécuritaires de toute nature, notamment sur les approches du continent, révèle, par contraste, l’existence d’une véritable communauté de destin réunissant l’ensemble des pays de l’espace euro-méditerranéen et appelle une réponse coordonnée. On assiste à une vraie prise de conscience : les sommets européens le montrent, tout comme les initiatives récentes de la Commission européenne. On assiste aussi à une remontée relative des budgets de défense, même si elle n’est pas homogène. Il reste beaucoup à faire. L’Europe peut aider, mais elle ne peut pas se substituer à une volonté politique hésitante, trait commun à certains pays.

    En France, nos armées sont engagées pour apporter une réponse qu’elles veulent coordonnée. Pour remplir leurs missions, elles s’appuient sur des coopérations militaires internationales. La coopération militaire contribue directement au renforcement de nos capacités et au succès de nos opérations : il n’y a pas d’autre solution. La nécessaire restauration d’une puissance militaire européenne dépend surtout de la dynamique que le trinôme de tête France – Royaume-Uni – Allemagne devra insuffler. À nous trois, nous représentons 60 % des crédits de défense des vingt-huit pays actuels de l’Union.

    Après vous avoir rapidement brossé un tableau du contexte stratégique, j’en viens naturellement à la deuxième partie de mon intervention, consacrée aux opérations que nous conduisons actuellement avec nos alliés.

    Je souhaite d’abord dire quelques mots de deux spécificités françaises qui représentent un sérieux atout pour la conduite de nos opérations.

    La première tient au processus de décision politico-militaire. La décision d’engagement des armées est prise par le Président de la République en conseil de défense. Le rôle du Parlement a été réaffirmé depuis plusieurs années : il lui revient d’autoriser ou non la prolongation des opérations au-delà de quatre mois. Ce système, souple et particulièrement réactif, correspond parfaitement à la volatilité du contexte stratégique et à la soudaineté des crises actuelles. Il m’est envié par l’ensemble de mes partenaires – au-delà même de l’OTAN et de l’Union européenne.

    Le second atout tient à la cohérence de la charnière politico-militaire qui repose sur l’association étroite du chef d’état-major des armées à la prise de décision, en tant que conseiller du Gouvernement – il participe à chaque conseil de défense. Cette disposition permet, d’une part, de s’assurer de la faisabilité militaire des décisions politiques ; elle facilite, d’autre part, la mise en cohérence de la stratégie avec les buts politiques visés.

    J’en profite aussi pour vous rappeler en quelques mots mes quatre principales responsabilités de chef d’état-major des armées. Sous l’autorité du président de la République, chef des armées, j’assure le commandement de toutes les opérations militaires. C’est là le cœur de ma responsabilité. J’entretiens avec le président de la République une relation directe pour tout ce qui ressort des opérations conduites par la France. J’ai par ailleurs la responsabilité de définir le format d’ensemble des armées et de leur cohérence capacitaire. C’est à ce titre, sous les ordres de la ministre des Armées, Mme Florence Parly, que je conduis la transformation des armées par un processus d’ajustements permanents – j’y reviendrai. Enfin, les relations avec les armées étrangères et les structures militaires de l’Union européenne et de l’OTAN relèvent, au plan militaire, de ma compétence. Par les temps qui courent, c’est très prenant…

    J’en viens maintenant à quelques considérations rapides pour chacune des zones d’engagement de nos armées qui, vous le savez, sont très fortement mobilisées sur différents fronts.

    Face à la puissance belliciste, la France oppose d’abord sa capacité de dissuasion nucléaire. Strictement défensive, strictement suffisante, elle protège notre pays de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux.

    S’agissant du théâtre national, il faut insister sur le fait qu’il s’agit d’une stratégie globale de protection contre l’ensemble des menaces dont la réalité se fait sentir chaque jour davantage.

    Il y a d’abord les postures permanentes. La posture permanente de sûreté aérienne, d’une part, qui garantit le respect de la souveraineté de la France dans son espace aérien. Nos avions de chasse en « alerte sept minutes » ont été mis à contribution à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois et de ces dernières semaines. La posture permanente de sauvegarde maritime, d’autre part, qui concourt directement à la protection des approches du territoire dans un milieu où l’activité des États-puissances va croissant. À cet égard, nos moyens anti-sous-marins nationaux ont été très fortement sollicités, cet hiver et au printemps, pour faire face à des démonstrations de puissance russes de la mer de Norvège à la Méditerranée orientale.

    À ces postures permanentes, il faut ajouter tous les efforts que nous déployons dans l’espace ou le domaine cyber, efforts auxquels une forte impulsion a été donnée à juste titre. Il faut mentionner également la posture de protection terrestre, articulée autour de la protection de nos emprises militaires qui sont devenues une cible prioritaire des terroristes.

    Il faut évoquer, enfin, l’opération Sentinelle. Vous la connaissez. Elle est emblématique de la participation active et pérenne de nos armées à la protection de la France et des Français. Face à une menace évolutive, notre réponse, sur le territoire national, s’est adaptée grâce à un rééquilibrage du dispositif, désormais déployé à parts égales entre Paris et la province, grâce à la généralisation totale de la posture dynamique et à une participation accrue de notre réserve opérationnelle.

    Pour les prochains mois, nous nous sommes fixés un certain nombre d’objectifs pour accroître encore davantage l’efficacité de l’opération. Je vous l’ai dit : nous sommes en transformation et en mouvement permanents.

    Notre première proposition vise à sortir d’une logique d’effectifs déployés pour privilégier une logique d’effets. De réels progrès ont été accomplis en ce domaine mais nous n’y sommes pas encore. Cette évolution passe par une décentralisation accrue du dialogue au niveau zonal, notamment entre les préfets et les officiers généraux commandant les zones de défense et de sécurité.

    La deuxième proposition consiste à améliorer la circulation du renseignement et de l’information, à tous les niveaux et dans les deux sens – ascendant et descendant. Sur ce plan, la création du centre national de contre-terrorisme, décidée par le président de la République il y a quelques semaines, devrait donner une impulsion nouvelle favorable.

    La troisième proposition vise à exploiter et valoriser les capacités propres des armées. Je pense aux capacités spécifiques, notamment dans le domaine de la protection contre la menace bactériologique et chimique, dans celui de la neutralisation des engins explosifs et des véhicules-suicides ou dans celui des drones. Je pense également à notre capacité à manœuvrer et à basculer nos efforts, avec une utilisation de la surprise – celle que l’on impose et non pas celle que l’on subit. À terme, la physionomie de l’opération pourrait s’en trouver ajustée pour une meilleure efficacité sur le terrain, tout en faisant peser une moindre pression sur nos forces.

    S’agissant enfin des opérations majeures que nous conduisons au plus loin – en défense de l’avant –, je voudrais vous dire rapidement quelques mots de l’opération Barkhane, dans la bande sahélo-saharienne. Notre stratégie est fondée sur une coopération renforcée avec l’armée malienne et les armées de la région, celles du G5 Sahel. Le sommet du G5 s’est tenu le 2 juillet dernier à Bamako, en présence du président de la République. Je rappelle que c’est ce dernier qui, lorsqu’il était venu à Gao quelques semaines auparavant, avait demandé la tenue de ce sommet. L’objectif, à terme, est de rendre les armées locales aptes à affronter les terroristes et à défendre l’intégrité de leur territoire. Sur ce plan, la décision de créer une force conjointe d’environ 5 000 hommes va dans la bonne direction pour l’avenir.

    Nous travaillons également sur le volet du développement. Je le dis souvent, à temps et à contretemps, gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix. Une stratégie construite autour des seuls effets militaires passe à côté des racines de la violence qui se nourrissent du manque d’espoir, d’éducation, de justice et de développement – en particulier chez les jeunes.

    Fort de cette conviction, j’ai été, il y a plusieurs mois, à l’initiative d’un rapprochement avec l’Agence française du développement. À l’occasion de son premier déplacement dans la bande sahélo-saharienne (BSS), le président de la République a apporté son plein soutien à cette initiative dans son discours du 19 mai dernier, insistant sur la nécessité « d’articuler plus fermement les bienfaits de la présence militaire française avec des initiatives de développement ». À mon sens, nous avançons, là encore, dans la bonne direction.

    Nous sommes également engagés au Levant, en Irak et en Syrie, dans le cadre de la coalition. Notre action s’y concrétise essentiellement par une participation aux activités de formation ainsi que par un appui aux troupes irakiennes dans leurs opérations de reconquête, par nos avions pré-positionnés aux Émirats arabes unis et en Jordanie, et par notre artillerie déployée au nord de Mossoul. J’ajoute que nous participons à la totalité des différents états-majors déployés, qu’ils soient stratégiques, opératifs ou tactiques.

    C’est l’honneur de la France que de mener ces combats pour la sécurité et pour la paix, au plus près comme au plus loin. Notre pays a conscience qu’il a la responsabilité de se maintenir dans le cercle des puissances crédibles, capables de se protéger, d’interagir, de peser et de rayonner. La France a pleinement intégré le fait que son espace sécuritaire dépassait son seul espace géographique. Les opérations que nous menons, ici comme là-bas, contribuent directement à la sécurité nationale qui repose avant tout sur une continuité effective entre sécurité intérieure et défense extérieure.

    Au terme de cette présentation du contexte sécuritaire global et des opérations que nous menons, j’en arrive naturellement à ma troisième partie relative aux préoccupations que je partage avec l’équipe des trois chefs d’état-major d’armée que vous auditionnerez dans les prochains jours.

    J’ai deux préoccupations majeures : d’une part, revivifier notre modèle complet d’armée d’ici à 2025 ; d’autre part, obtenir des ressources budgétaires en cohérence avec ce projet.

    Tout d’abord, revivifier notre modèle. C’est parce qu’il est complet que notre modèle d’armée nous offre la capacité d’agir, soit en partenariat avec nos alliés, soit comme nation-cadre si la situation l’exige. Il est organisé autour de l’équilibre entre ce que nous appelons les cinq fonctions stratégiques : dissuasion ; intervention ; prévention ; protection ; connaissance et anticipation. Grâce à ce modèle, nos armées françaises sont aptes à réagir sur tout le spectre des menaces : sur terre, en mer, dans les airs, dans l’espace et désormais, dans le cyberespace. Notre modèle est aujourd’hui en cohérence étroite avec la situation sécuritaire globale et les ambitions de notre pays. Il a fait et continue à faire la preuve de son efficacité.

    Pour autant, vous le savez, nos armées sont confrontées depuis plusieurs années à une situation de forte tension, sous l’effet combiné d’un niveau d’engagement très élevé s’inscrivant dans la durée – 30 000 soldats en posture opérationnelle, de jour comme de nuit, depuis plus de deux ans – et d’un contexte budgétaire compliqué. Ce grand écart n’est pas tenable, je suis désolé de devoir vous le dire avec force ! Notre liberté d’action en souffre. Ainsi, je suis de plus en plus souvent contraint de reporter ou d’annuler certaines opérations, faute de moyens disponibles. La dépendance vis-à-vis de nos alliés, notamment américains, touche ses limites parce qu’eux aussi doivent faire face au durcissement de la situation et à la multiplication des priorités.

    Le système a en outre été fragilisé par le processus qui, entre 2008 et 2014, a affecté la totalité des composantes de nos armées, directions et services : le nombre de militaires est passé de 241 000 à 203 000 et l’organisation territoriale des armées a été repensée de fond en comble, principalement selon une logique d’efficience économique et de réduction des dépenses publiques. Depuis 2008, cinquante formations de l’armée de terre, dix-sept bases aériennes, deux bases aéronavales et vingt bâtiments ont été supprimés.

    L’impact de ces réformes, menées dans un laps de temps très court, se fait sentir. Faut-il le rappeler ? Le ministère de la Défense a été le plus important contributeur de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Le modèle s’est alors contracté autour d’un cœur de métier minimaliste, fragilisant du même coup sa cohérence d’ensemble, au moment même où il était davantage sollicité. Lorsque les engagements sont en hausse et le budget, en baisse, j’appelle cela un grand écart. À ceux qui en douteraient, je le dis et je le répète : on a déjà donné, on a déjà tout donné. Il faut maintenant revivifier notre modèle, ce qui, d’ailleurs, n’exclut pas de poursuivre notre transformation permanente et nos réformes de structure pour être toujours plus efficients. Je souscris à la feuille de route qui a été envoyée par la ministre des Armées au Premier ministre en ce sens.

    Telle est l’ambition que nous nourrissons, avec les trois chefs d’état-major d’armée, derrière notre ministre des Armées, Mme Parly, afin que nos armées puissent continuer à assurer leur mission de protection de la France et des Français à l’horizon 2025. Je dois m’en porter garant.

    La voie est tracée, selon deux axes : l’un pour gagner et l’autre, pour ne pas perdre. C’est notre projet « Cap 2025 ». Le premier axe, pour « gagner », est celui de la remontée en puissance. Nous n’avons pas d’autre choix. Le second axe, tout aussi important, qui doit nous permettre de « ne pas perdre », est celui de l’amélioration des conditions de vie quotidienne des militaires qui ont eu à souffrir, ces dernières années, de l’apparition de nouvelles fragilités, souvent méconnues. C’est plus largement celui du moral de nos militaires et de leurs familles, dont je suis également le garant.

    Le premier axe, celui de la remontée en puissance, poursuit trois priorités. La première consiste à régénérer le modèle, en revenant, au plus vite, sur les lacunes capacitaires les plus pénalisantes, c’est-à-dire sur celles qui menacent directement les aptitudes-clés des armées et qui compromettent dès aujourd’hui la réussite de nos opérations. Concrètement, sur le terrain, le manque d’hélicoptères, de drones ou d’avions ravitailleurs a des conséquences lourdes sur la manœuvre générale : report d’opérations, rupture de permanence, opportunités non saisies, prévisibilité accrue. Il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres. Pour gagner, il nous faut aussi des gilets pare-balles rénovés, des stocks de munitions reconstitués et davantage de véhicules blindés pour protéger nos soldats. Je rappelle que 60 % de nos véhicules utilisés en opération ne sont pas protégés. Le blindage est le moins que l’on puisse demander et obtenir pour les hommes et les femmes de nos armées qui, eux, ne comptent pas leurs efforts. J’ai encore rapatrié trois blessés le week-end dernier.

    Notre deuxième priorité est d’aligner les contrats opérationnels sur la réalité des moyens que nous engageons en opérations, aujourd’hui, considérant, je vous l’ai dit, que le niveau de menace ne diminuera pas dans les années qui viennent. Il faut savoir que nos engagements actuels dépassent d’environ 30 % les contrats détaillés dans le Livre blanc. Les nouveaux contrats devront prendre en compte les effectifs nécessaires, le maintien en condition et la préparation opérationnelle. En 2016, 50 % des rotations des unités de l’armée de terre dans les centres d’entraînement ont été annulées. Les pilotes ont volé en moyenne 160 heures – dont 100 en opération, c’est-à-dire pas à l’entraînement  –, au lieu des 180 heures normées. L’entraînement à la mer de la marine a baissé de 25 %. Une telle contraction du temps et des moyens dévolus à l’entraînement est source de vulnérabilités, auxquelles il convient de mettre un terme sans attendre. C’est le chef de guerre qui vous le dit : à la guerre, toute insuffisance se paie « cash » parce qu’en face, l’ennemi ne s’embarrasse pas de procédés.

    Enfin, notre troisième priorité est de préserver l’indispensable crédibilité de la dissuasion nucléaire par le renouvellement de ses deux composantes, océanique et aéroportée. Pour être soutenable, l’effort nécessaire doit être lissé sur les quinze prochaines années. Je rappelle que le flux annuel passera de 3,9 milliards d’euros en 2020 à six milliards d’euros en 2025.

    J’en arrive à notre second axe. Après celui de la remontée en puissance, celui de l’amélioration de la vie quotidienne du soldat, selon deux priorités : le soutien et la condition du personnel.

    Notre première priorité est d’assurer un ajustement du soutien, pour permettre au modèle d’absorber l’intensification du rythme d’engagement de nos forces. Les pistes d’amélioration sont nombreuses. Ainsi, l’infrastructure – priorité des priorités – souffre depuis plusieurs années d’un déficit récurrent de ressources budgétaires qui affecte nos conditions de travail et ne nous permet plus de garantir des conditions décentes de logement aux soldats, marins et aviateurs professionnels qui sont nombreux à loger dans nos bases ou à bord de nos bâtiments. On ne peut plus, par exemple, laisser des maintenanciers réparer leurs véhicules dans des hangars à 2 °C, comme encore cet hiver à Belfort : je ne peux pas regarder les gens droit dans les yeux et les laisser dans ces conditions ; il en va de ma crédibilité !

    Je pense plus généralement à tout ce qui complique la vie des militaires au quotidien : les démarches administratives, la complexité des procédures d’expression de besoins et les délais de réservation de moyens. Il convient probablement de renforcer l’unicité du commandement, actuellement divisé en une multitude de silos indépendants à la suite des différentes réformes du soutien engagées depuis 2008.

    Notre deuxième priorité tient à l’amélioration de la condition du personnel dans tous les aspects de la vie du militaire : sa famille, sa rémunération et son logement. En ce domaine, nous ne pouvons différer les mesures concrètes. Nos armées sont composées à 63 % de contractuels. À l’horizon 2025 – date à laquelle le budget de la défense devrait atteindre la cible de 2 % du PIB –, une majorité d’entre eux aura déjà quitté l’institution. C’est donc dès 2017-2018 que l’effort doit être fourni ! Les familles, elles aussi, attendent un geste. Elles souffrent de l’absence accrue de leur conjoint et de l’imprévu. À cela s’ajoutent des difficultés d’accès à l’emploi ou au logement, notamment en région parisienne, où de jeunes officiers et sous-officiers n’ont pas les moyens de se loger ! J’ai eu directement connaissance la semaine dernière d’une dizaine de cas : on ne va pas continuer comme cela et attendre 2025 ! Ces difficultés sont supportées par des familles, dont la confiance a été par ailleurs sérieusement fragilisée par la crise consécutive à l’utilisation du système de paie Louvois. Sur ce plan, nous ne sommes toujours pas sortis de cette difficulté même si le début de la mise en place du programme Source-Solde est annoncé à compter de 2018.

    Deux enjeux sous-tendent cette préoccupation : le moral et la fidélisation de nos militaires. Il s’agit également d’une question de reconnaissance à l’égard du travail remarquable qui est accompli, en toute discrétion, par les hommes et les femmes de nos armées, civils et militaires, d’active et de réserve.

    Ces deux axes – remontée en puissance et amélioration du quotidien – ne pourront être menés à bien que s’ils sont soutenus par un effort budgétaire sensible et rapide.

    J’en arrive donc à ma deuxième préoccupation : obtenir des moyens financiers en cohérence avec notre projet. C’est tout l’objet de la trajectoire budgétaire qui doit nous amener à l’objectif fixé par le président de la République : 50 milliards d’euros courants, hors opérations extérieures (OPEX) et hors pensions, en 2025. Se dessinent devant nous trois horizons temporels.

    Le premier correspond à la fin de gestion 2017 qui doit absolument être préservée. En opérations extérieures comme sur le territoire national, nos armées assurent la sécurité des Français au quotidien, dans des conditions souvent très difficiles. Comment imaginer ne pas leur donner les moyens nécessaires pour remplir leurs missions ? Les exécutions budgétaires ont été préservées en 2015 et 2016. Cela doit être le cas également en 2017, car les armées ne sont pas moins sollicitées, loin s’en faut.

    Le deuxième horizon de très court terme est celui de la loi de finances pour 2018. Cette première marche est essentielle. Je ne suis pas un lapin de six semaines : je sais bien que, si l’objectif de 50 milliards est fixé à 2025 et que la courbe d’évolution du budget démarre très bas, l’élévation de cette courbe ne se produira qu’en fin de période. Nous connaissons la ficelle de cette « remontée tardive » et l’avons déjà expérimentée sous les deux quinquennats précédents.

    En ce qui concerne la loi de finances pour 2018, l’équation est simple. Après mise sous contrainte, le socle budgétaire ressort à 34,8 milliards d’euros, dont 32,8 milliards ouverts en loi de finances initiale auxquels il faut ajouter, d’une part, le milliard d’euros décidé par le président Hollande lors du conseil de défense du 6 avril 2016 et correspondant aux besoins supplémentaires indispensables pour faire face à la menace terroriste – non-déflation de 18 750 effectifs et mesures afférentes en termes de fonctionnement et d’infrastructure – d’autre part ; plus 200 millions d’euros décidés ces derniers mois pour financer le service militaire volontaire, la garde nationale avec l’augmentation du nombre de réservistes et les mesures de condition du personnel. Ce socle de 34 milliards d’euros sera dépensé, quoi qu’il arrive. Enfin, il convient d’y ajouter les besoins supplémentaires apparus depuis le 6 avril 2016 : 600 millions d’euros pour soutenir le surcroît d’engagement de nos forces et atténuer le sous-dimensionnement chronique de certains soutiens, dont l’infrastructure et enfin, 200 millions d’euros pour renforcer à très court terme la protection de nos hommes, à titre individuel et pour les équipements – Au total, il convient de bâtir d’emblée sur des bases saines une trajectoire de remontée en puissance pour consolider notre modèle.

    Le troisième horizon de court terme est la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Elle doit être celle de la régénération et de la projection vers l’avenir. L’ordre de grandeur de l’effort à consentir est d’ores et déjà connu : il s’élève globalement à deux milliards d’euros supplémentaires par an à périmètre constant, hors opérations extérieures et hors pensions. Compte tenu de l’urgence, la LPM doit être votée au plus tôt, c’est-à-dire avant le 14 juillet 2018, pour intégrer comme première annuité le projet de loi de finances 2019. Je rappelle que sous les deux quinquennats précédents, il aura fallu environ deux ans pour que la LPM soit adoptée.

    Voter la LPM au plus tôt suppose évidemment de disposer d’une revue stratégique sur la défense et la sécurité nationale dès la fin de l’été. Nous n’avons pas besoin d’un document de politique générale très détaillé, mais bien d’un document de référence concis, opérationnel et directement exploitable, qui trace le cap politique de la remontée en puissance. Cette préoccupation a été entendue par le président de la République. Les travaux, dont l’horizon est fixé au 1er octobre, sont lancés. La première réunion du comité de rédaction de la revue stratégique, présidé par M. Arnaud Danjean s’est tenue vendredi dernier.

    À plus long terme se pose la question du modèle 2030. Les travaux stratégiques et budgétaires que je viens de citer tendent à bâtir un modèle d’armée complet, adapté au contexte sécuritaire tel qu’il est envisagé à quinze ans. Nous, les militaires, sommes aussi contraints d’être dans le temps long : commander, c’est prévoir.

    Vous l’aurez compris, la première marche de 2018 et la LPM 2019-2025 sont absolument essentielles.

    Je rappelle pour terminer que la souveraineté économique ne s’oppose pas à la souveraineté de défense, bien au contraire. Reste qu’il faut trouver entre les deux une voie juste et équilibrée. Le coût du renoncement serait potentiellement très élevé. Comme chef d’état-major des armées, je ne vois pas d’autre alternative que celle du désengagement opérationnel inéluctable, par manque de moyens. Se résoudre à l’option du désengagement ne se résume pas à la seule décision de quitter un théâtre d’opération. Se désengager, c’est choisir en réalité quel dispositif, intérieur ou extérieur, alléger. C’est décider quel théâtre quitter alors que les opérations qui y sont conduites contribuent à notre sécurité. C’est accepter de peser de façon moins déterminante sur la protection des Français. C’est laisser à d’autres le soin d’influer sur les grands équilibres internationaux. En un mot, ce serait revoir nos ambitions à la baisse, au moment même où de très nombreux États, déraisonnables pour certains, aspirent à faire entendre leur voix dans le concert des nations. Une telle décision serait respectable, mais il faut que, politiquement, les choses soient claires.

    Choisir le désengagement, c’est aussi prendre le risque d’une profonde incompréhension chez ceux – dont je suis le porte-parole – et qui, au quotidien, dans nos armées, cherchent avec constance et volonté à surmonter les difficultés pour assurer le succès de la mission qui leur a été confiée. Ils le font parfois au péril de leur vie. Imaginez le poids qui pèse sur les familles quand le père, le mari, l’épouse partent sans savoir s’ils reviendront, ni dans quel état. C’est là une nouveauté depuis trois ans qu’il faut prendre en compte. L’état d’esprit des militaires a changé. Nous pouvons être fiers de ce qu’ils font – je le suis – et de ce qu’ils sont. Comme le disait Clemenceau : « Ils ont des droits sur nous ».

    Mesdames et Messieurs les députés, pour conclure, vous le voyez, nous sommes entrés dans des temps difficiles et incertains ; nous sommes entrés dans le temps de la décision et du courage où se jouent ensemble la sécurité et l’avenir du pays. Chaque époque a ses difficultés. L’esprit de défense, « premier fondement de la sécurité nationale », selon les termes du Livre blanc de 2013, nous est nécessaire. Dans deux jours, lors de la fête nationale, nous aurons l’occasion, une fois de plus, de constater que cet esprit est bien vivant et partagé par la très grande majorité de nos concitoyens. Dans les temps qui sont les nôtres, il est important qu’il se manifeste tous les autres jours de l’année par un soutien sans faille. Votre commission jouera, je le sais, un rôle déterminant en la matière. Vous pouvez compter sur mon engagement personnel, ma totale loyauté et ma détermination, que je pense que vous avez mesurés. Je nous sais tous ici habités par une seule ambition : le succès des armes de la France, au service d’une paix d’avance ! (Applaudissements sur tous les bancs.)le président. Je vous remercie, Mon général, pour ce tour d’horizon franc et complet de l’état et des perspectives de nos armées, et des difficultés qu’elles rencontrent dans leurs engagements. La spontanéité avec laquelle votre intervention vient d’être applaudie montre combien les députés de notre commission et la représentation nationale dans son ensemble sont fiers du travail qu’accomplissent nos armées, vos soldats, vos officiers. Nous sommes pleinement solidaires de nos soldats engagés dans les missions que leur demande l’autorité politique.

    Guillaume Gouffier-ChaMerci pour votre franchise, Mon général. Vous avez d’avance répondu à ma principale question, qui portait sur l’annulation de crédits annoncée pour un montant de 850 millions d’euros : votre réponse, elle n’est pas tenable et nous en avons tous conscience, étant donné les besoins croissants de nos armées au cours des dernières années. Quelles seraient néanmoins les conséquences concrètes d’une telle réduction de crédits dès cette année ? Quels programmes s’en trouveraient supprimés ? Quelles en seraient par exemple les incidences sur le programme Scorpion, qui a été accéléré ces derniers mois ? Quel en serait l’impact sur le matériel et sur certaines opérations ?

    D’autre part, le ministre de l’Action et des Comptes publics a tenu des propos pouvant être jugés ambigus sur le financement des opérations extérieures. Y a-t-il lieu de s’inquiéter du financement interministériel de ces opérations ?

    Yannick Favennec Becot.Dans le contexte de guerre globale que nous connaissons et compte tenu du fait que les guerres modernes imposent de posséder et de maîtriser pleinement des technologies toujours plus pointues, qu’il s’agisse de cybercapacités, de satellites, d’avions ou de drones, nous devons nous garder d’affaiblir notre capacité à nous protéger et à riposter. Aussi notre action, notamment en matière de cyberdéfense, doit-elle plus que jamais être renforcée. Notre pays doit donc se doter des moyens financiers et humains lui permettant de poursuivre et d’accentuer l’action engagée par un mode de gouvernance adapté aux menaces. Lors de votre audition par cette même commission en février dernier, Mon général, vous indiquiez que le mode de gouvernance actuel fonctionne tout en soulignant « l’excellente coopération entre les différents acteurs : l’industrie, la direction générale de l’armement (DGA), les armées, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), l’état-major des armées, les services de renseignement ». Vous précisiez à cette occasion que « ce serait une erreur de vouloir créer une quatrième armée de la cyberdéfense ». Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous ne croyez pas à une armée de forces spécialement chargées de la cyberdéfense et nous indiquer comment l’État doit selon vous accompagner les armées dans les actions qu’elles conduisent dans ce domaine ?

    André Chassaigne.Vous venez de « sortir la Grosse Bertha », Mon général ; je me contenterai d’une intervention de grenadier voltigeur, la commission étant contrainte, faute de temps, de se livrer à une guerre de mouvement. Vous nous avez bien expliqué que la réduction de crédits de 850 millions d’euros concernait en réalité un changement de périmètre budgétaire ; autrement dit, des dépenses auparavant imputées sur d’autres ministères échoiront désormais directement au ministère des Armées. Qu’en est-il ?

    D’autre part, vous avez sans doute insuffisamment insisté sur certains points. L’engagement des militaires dans l’opération Sentinelle, tout d’abord : ils sont actuellement sept mille hommes, à quoi s’ajoutent trois mille hommes en alerte, alors que le Livre blanc n’en prévoyait que trois mille en tout et pour tout. Quelle appréciation portez-vous sur l’efficacité de cette mission qui, bien qu’elle soit censée concourir à la sécurité des Français, pèse sur nos forces armées ? Sera-t-il nécessaire de maintenir une telle disponibilité lors des prochains arbitrages budgétaires ?

    J’en viens à la montée en charge des réservistes de la garde nationale. Ils étaient 63 000 en 2016, sont 72 000 cette année et seront 85 000 en 2018, ce qui permettra de déployer chaque jour quelque 9 250 réservistes sur le terrain. Où en est leur recrutement ? Jugez-vous l’enveloppe de 113 millions d’euros, prévue en loi de finances pour 2017, suffisante pour répondre aux besoins, sachant que l’armée forme ces réservistes et les entraîne au maniement des armes pendant vingt à trente jours ? Faut-il leur affecter de réels moyens spécifiques ?

    Vous dressez par ailleurs le tableau d’une surutilisation de nos capacités, qui sont au bord de la rupture. Quelle appréciation faites-vous des capacités publiques de maintenance du matériel, en particulier du maintien en conditions opérationnelles (MCO) dans les ateliers industriels de l’aéronautique – comme celui de Clermont-Ferrand ?

    Enfin, vous avez beaucoup insisté sur l’Europe de la défense, sans toutefois rappeler suffisamment que nos opérations extérieures en Afrique concourent à la défense de l’Europe dans sa totalité. Quel impact aura selon vous le Brexit sur la construction d’une Europe de la défense et sur les moyens européens en matière de défense, dont vous nous avez dit qu’ils reposaient sur la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ?

    Joaquim Pueyo.Comme à l’accoutumée, Mon général, vous avez été tonique et franc, et je vous en remercie. Alors que le budget cumulé prévu par la loi de programmation militaire pour 2014-2019 s’élevait à 190 milliards d’euros en cumulé, vous vous étiez déjà inquiété de son insuffisance. Or, il me semble que M. le ministre chargé des comptes publics a annoncé trop rapidement une réduction des dépenses de 850 millions d’euros : au moins aurait-il dû d’abord rencontrer la ministre des Armées et tenir compte de vos besoins, que nous connaissons et qui, pour 2018, sont substantiels.

    Si le budget de la défense n’atteint pas le montant que vous souhaitez, le programme Scorpion – un programme essentiel à nos équipements militaires lancé le 5 décembre 2014 au terme de longues discussions – serait-il remis en cause ?

    D’autre part, dans le rapport que Mme Marianne Dubois et moi-même avons rédigé sur le service national universel, nous avions écarté toute hypothèse de service national obligatoire. En revanche, nous avions recommandé de renforcer la réserve opérationnelle, ce à quoi l’état-major était favorable. Que pensez-vous de la proposition visant à instituer un service national obligatoire d’un mois ? N’est-ce pas le moment opportun pour indiquer que c’est financièrement impossible, et que les crédits nécessaires seraient plus utilement consacrés aux forces armées ?

    Général Pierre de VilliersPermettez-moi de revenir sur l’annulation de 850 millions d’euros de crédits en gestion 2017 qu’a annoncée M. Darmanin par voie de presse. Que les choses soient claires : il s’agit d’annulations alors qu’à l’heure actuelle, les crédits ont été gelés à hauteur de 2,7 milliards : 1,6 milliard au titre de la réserve de précaution, 715 millions de report de crédits et 350 millions de surgels. Le ministre des Comptes publics a donc cette fois annoncé une annulation de 850 millions d’euros sur la base du montant du budget total, soit 32,8 milliards, et l’ouverture simultanée d’un décret d’avance de 650 millions d’euros hors pensions, c’est-à-dire au titre du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». Reste donc un delta net de 200 millions d’euros. Il m’est un peu délicat de parler de ceci ce matin, dans la mesure où le président de la République n’a pas encore rendu son arbitrage : il le fera certainement demain soir à l’occasion du discours qu’il prononcera à l’hôtel de Brienne.

    Quoi qu’il en soit, avant d’envisager les conséquences possibles d’une telle annulation de crédits, il m’importe d’abord de savoir si elle ne sera pas suivie en fin d’année d’autres annulations. Autrement dit, pour garantir le fonctionnement des armées, l’exécution budgétaire de fin d’année ne doit pas être inférieure aux montants inscrits en loi de finances initiale, sans quoi nous nous trouverions dans une situation insoutenable. En outre, aucune autre annulation ni aucun gage ne doivent être décidés d’ici au 31 décembre. Puis le reliquat du surcoût des opérations extérieures – de l’ordre de 300 millions d’euros environ – devra être couvert en fin d’année. Ensuite, il faudra déterminer le niveau du report de charge consenti ; je rappelle qu’en 2016, il s’établissait à environ trois milliards d’euros. Enfin, quid des reports de crédits de 715 millions d’euros : seront-ils reportés sur 2018 ou engagés et ouverts ?

    En résumé, la gestion des crédits pour 2017 doit être appréhendée globalement. Il est encore impossible de formuler des avis trop tranchés sur cette question, et c’est pourquoi je n’ai pas évoqué l’annulation de 850 millions d’euros de crédits. En effet, j’attends d’une part que les arbitrages soient rendus, d’autre part de connaître les conditions qui entoureront cette annulation. En outre, la fin de gestion 2017 conditionnera le projet de loi de finances pour 2018, ne serait-ce que pour déterminer le niveau des reports de crédits et des reports de charges.

    J’en viens au financement des opérations extérieures. Le Gouvernement a eu l’idée judicieuse – à laquelle je souscris – de rehausser la provision consacrée au surcoût des OPEX, actuellement fixée à 450 millions d’euros, à un niveau réaliste – disons de l’ordre d’un milliard d’euros. Je rappelle qu’au cours des deux dernières années, le surcoût des OPEX et des missions intérieures s’est élevé en moyenne à 1,3 milliard, alors que la provision s’établissait à 450 millions. Le complément est couvert en cours de gestion par un montage interministériel quelque peu acrobatique selon des clefs de répartition par ministère – ce qui ne constitue pas un mode de gestion sincère. Pour que le budget soit sincère, il faudrait rehausser la provision dédiée aux OPEX. Gardons-nous de l’augmenter brutalement en 2018, car les armées s’en trouveraient démunies ; en revanche, je ne suis pas opposé à une montée en charge progressive.

    Pour 2018, je vous ai indiqué l’équation suivante : un socle budgétaire de 34 milliards, et des besoins minimaux en matière de protection. Ajoutons-y une première augmentation de la provision consacrée au surcoût des OPEX et les ressources exceptionnelles, qui devraient atteindre 150 millions d’euros en 2018 en application de la précédente loi de programmation militaire. Il ne faut pas oublier, toutefois, d’y intégrer la fin de gestion de l’année en cours, notamment les reports de charges et de crédits. Autrement dit, notre premier horizon temporel est celui des deux années 2017 et 2018, l’horizon suivant est celui de la loi de programmation militaire pour 2019-2025. Vient enfin le temps du modèle 2030, compte tenu des délais nécessaires pour renouveler les équipements.

    Pourquoi ne faut-il pas de quatrième armée de cyberdéfense ? La raison est simple : une armée, c’est une culture dans un milieu. Les unités des forces spéciales – les commandos marine, les commandos parachutistes de l’air, la brigade des forces spéciales de l’armée de terre – sont rattachées organiquement à leur armée respective. Pour ce qui est des opérations, elles relèvent toutes du commandement des opérations spéciales. L’idée est donc de préserver la cohérence organique des armées. Cela fonctionne bien et selon notre culture, et de constituer un commandement de cyberdéfense, à l’image des forces spéciales, qui regroupe ceux que nous appelons les « combattants numériques ». Nous avons pris la mesure de l’importance de ce domaine depuis un certain temps – c’est tout à l’honneur de la France. Dès 2008-2009, l’intuition d’investir dans ce domaine était bonne. Les moyens, à la fois humains et matériels ont été maintenus depuis, et ce, tout au long des différents quinquennats. Le dialogue est excellent entre la plateforme de la DGA à Bruz et les industriels concernés car, sur ces sujets sensibles, nous devons préserver notre autonomie industrielle. Le dialogue avec les armées est également satisfaisant, le commandement cyber relevant du chef d’état-major des armées tel qu’il a été désigné voici quelques mois. En clair, le système fonctionne bien, permet de conduire des opérations de qualité et garantit notre compétitivité.

    J’ajoute que la cyberdéfense comporte deux dimensions. La dimension défensive, d’une part. Elle relève du cadre interministériel et de l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), qui dépend du SGDSN. La dimension opérationnelle, d’autre part, qui recouvre la contre-influence et la « guerre cyber ». Elle est pilotée par le ministère des Armées. Cette organisation fonctionne bien et une quatrième armée n’est donc pas nécessaire. Il faut toutefois poursuivre nos efforts, car nous serions dépassés à la moindre baisse de régime. Dans ce domaine comme dans le secteur numérique, les mutations sont très rapides et nous devons être en mouvement permanent. Les effectifs doivent poursuivre leur montée en puissance. Nous devons former en permanence et fidéliser ces personnes très spécialisées. C’est tout un modèle de gestion des ressources humaines au niveau de l’État qu’il faut ériger, et je sais le président de la République très sensible à ces sujets. Une revue stratégique sera sans doute bientôt lancée à ce propos. En somme, la cyberdéfense est essentielle.

    La question du rapport entre l’efficacité et le poids de l’opération Sentinelle est pertinente ; elle est mon souci. Je rappelle que nous avons augmenté de onze mille hommes la force opérationnelle terrestre, à effectifs militaires constants – en dégraissant les soutiens, en quelque sorte. Nous sommes d’ailleurs allés un peu loin dans ce domaine. C’est à ce prix que nous pouvons maintenir ce seuil de sept mille hommes en permanence sur le territoire national. Je vous ai dit vouloir davantage de modularité pour privilégier les missions et non les postures statiques, ce qui nous donnerait plus de souplesse, afin que le dispositif soit moins pénalisant en termes d’effectifs.

    En tout état de cause, l’opération Sentinelle est efficace. Sans l’intervention de la patrouille Sentinelle qui a abattu le terroriste à Orly, il se serait produit un drame. Le trinôme fut héroïque : ceinturée par le terroriste, la jeune femme est parvenue à se dégager pour que son camarade puisse abattre l’individu sans la toucher, tout cela les yeux dans les yeux, à très courte portée, comme c’est souvent le cas avec les terroristes – voilà la réalité de ce combat. Pour réagir de cette manière, il faut des gens courageux, et cela ne s’improvise pas. C’est une des raisons pour lesquelles nos alliés, notamment les Américains, nous admirent. Au Louvre, de la même manière, imaginez le désastre qui se serait produit si nous n’avions pas tiré : le terroriste, se dirigeait vers la clientèle.

    Depuis la création de la force Sentinelle, nos soldats ont ouvert le feu à cinq reprises ; à chaque fois, de façon maîtrisée et efficace. Je note que cette opération extrêmement exigeante nécessite des professionnels de très haut niveau. Encore une fois, nos alliés nous observent avec admiration, et parfois quelque étonnement, tant il est vrai que ce dispositif est singulier. En somme, j’estime que notre dispositif, déployé en janvier 2015, est bon, mais qu’il faut le faire évoluer dans la direction que j’ai indiquée.

    S’agissant du nombre de réservistes, nous sommes « sur le trait », notamment pour ceux qui, en posture permanente et dans la force Sentinelle, sont mobilisés pour la défense du territoire ; la durée de mobilisation passera de trente à trente-six jours – je vous passe les détails. En termes budgétaires, en revanche, nous ne sommes plus sur le trait : je serai peut-être contraint d’interrompre ce dispositif si je ne dispose pas du budget nécessaire, en l’occurrence les 200 millions d’euros affectés au service militaire volontaire, à la garde nationale et à la condition du personnel.

    Le MCO aéronautique demeure – soyons clairs – un chantier du quinquennat qui débute. Je ne suis pas ici pour vous « vendre » des armées idylliques en prétendant que tout est parfait ; s’agissant du MCO aéronautique, donc, il reste beaucoup de travail à effectuer, aux différents niveaux techniques d’intervention, avec les industriels et tous les acteurs étatiques. Concernant le MCO du Rafale par exemple, qui fut le chantier du quinquennat précédent, nous avons accompli d’énormes progrès, au point que le taux de disponibilité de ces appareils est désormais sans commune mesure avec celui d’il y a cinq ans. Il faut maintenant s’attacher au MCO des hélicoptères.

    Pour ce qui est des conséquences du Brexit sur l’Europe de la défense. Il y a là un paradoxe : plus les Britanniques s’éloignent de l’Europe, plus ils se raccrochent à l’accord de Lancaster House. Cet accord de défense conclu en 2010, sur le volet militaire duquel j’ai été étroitement associé depuis sept ans et auquel je crois, consiste en plusieurs programmes communs de coopération et, surtout, en un état-major conjoint avec une force interarmées non permanente pouvant compter jusqu’à dix mille hommes – la Combined Joint Expeditionary Force, ou CJEF – et disposant d’une véritable capacité interopérable de commandement et de systèmes d’information. Ce dispositif a été testé en 2016. Nous devons poursuivre dans cette direction. Paradoxalement donc, le Brexit est une occasion à saisir – c’est ainsi que je le vis en tant que chef d’état-major. Cela étant, la défense de l’Europe se fera sur la base des trois piliers que je vous ai indiqués : le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, auxquels s’ajouteront ensuite, au cas par cas, d’autres pays, de manière flexible et en fonction de projets concrets et à géométrie variable. Quoi qu’il en soit, cette Europe existe déjà en opérations, et elle fonctionne plutôt bien. Là encore, nous n’avons pas le choix, car nous ne pourrons pas régler seuls les affaires du monde.

    le présidentEn outre, ce service national universel n’entre pas dans le calcul de la part de 2 % du PIB réservée à la défense.

    Général Pierre de VilliersC’est exact. Sur le fond, en opération, dans les pays dans lesquels nous intervenons, pour gagner la paix, comme je vous l’ai dit, il nous faut garantir tout à la fois la sécurité et le développement. Le développement consiste notamment à donner de l’espérance aux jeunes. Ce qui vaut à l’étranger vaut aussi chez nous : pour éviter que les jeunes ne continuent à partir chez Daech, nous devons agir ! Je suis donc tout prêt à coopérer et à expliquer comment nous incorporons chaque année avec succès 25 000 jeunes qui représentent la nation tout entière, dans toute sa diversité – ils en sont même un panel parfait – et comment, en une année, nous parvenons à faire d’un jeune de valeur mais désespéré, un héros qui, sous le feu, va chercher son camarade « pour la France », selon ses propres mots. C’est extraordinaire ! Que viennent chercher les jeunes à l’armée ? L’autorité, la discipline, une famille, un cadre, la cohésion, le courage, des valeurs, le service de la France. Ce ne sont pas là que des mots : les jeunes eux-mêmes nous disent qu’ils entrent dans l’armée pour ces raisons, et pas seulement pour y trouver un métier ou une rémunération. Les choses ont bien changé, notamment depuis les attentats. Il faudra y réfléchir et en tirer les enseignements. Je suis naturellement prêt à participer à cette réflexion. Le modèle d’armée, cependant, doit être préservé de manière totalement étanche, car le service national universel n’est pas prévu, à périmètre comparable, dans le budget équivalant à 2 % du PIB.

    Patrice VerchèreEn 2015, Mon général, un rapport parlementaire faisait état de préoccupations concernant les stocks de munitions – question que vous avez rapidement abordée. Plusieurs milliers de munitions ont été tirés sur les différents théâtres d’opérations, notamment en Irak. Nous utilisons actuellement des missiles fournis par les Américains, avec des contraintes telles que notre autonomie de décision s’en trouve largement affaiblie. Où en sommes-nous ? Les stocks sont-ils réapprovisionnés ou est-il prévu de le faire et, le cas échéant, selon quel calendrier, étant entendu que cette question a également une dimension budgétaire ?

    S’agissant précisément du budget, vous avez indiqué que le président de la République devrait faire des annonces demain. En tirerez-vous toutes les conséquences selon la nature de ces annonces ?

    Quant à la question de l’islamisme radical, un autre rapport parlementaire publié l’année dernière faisait état d’une cinquantaine de cas de radicalisations – surveillés par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) – dans l’armée française, comme il s’en produit aussi dans d’autres armées européennes. Comment repérez-vous et traitez-vous ces radicaux ?

    Une question d’actualité, enfin : possédons-nous des sources françaises sur la supposée mort d’Al-Baghdadi, le chef de Daech, qui aurait été tué par les Russes ?

    Alexis CorbièreVotre intervention, Mon général, a été très franche et a déjà répondu à certaines questions que je souhaitais, comme mes collègues, vous poser.

    Si, comme vous l’indiquiez, votre propos ne ciblait pas précisément l’annonce d’une annulation de crédits de 850 millions d’euros, pensez-vous néanmoins que cette réduction pourrait entraîner des conséquences sur l’évolution de nos alliances stratégiques, et que nos alliances actuelles doivent être remodelées ? Comment interpréter la récente rencontre entre le président de la République et M. Poutine ? Vous avez eu des mots durs à l’égard du positionnement de certains États-puissances, mais cette rencontre n’offre-t-elle pas l’occasion de modifier certains de nos dispositifs ?

    Je vous remercie aussi de votre franchise concernant Sentinelle – le jeune député que je suis en a été impressionné. Il n’est sans doute pas usuel que vous vous exprimiez avec tant de franchise et, à n’en pas douter, vous le faites avec, en arrière-pensée, le souhait que nous soyons à la hauteur du cri d’alarme que vous venez de pousser. Nul ici ne doute de l’héroïsme de nos troupes. Ne pensez-vous pas, cependant, que les opérations intérieures que vous nous avez décrites relèvent davantage des forces de l’ordre, et non de nos armées ? Il est bien normal que vous défendiez l’honneur de nos soldats mais, sur ce point et malgré votre franchise, il me semble que vous n’avez pas complètement répondu à la question qui vous était posée sur la pertinence du maintien de cette opération.

    Louis AliotJe vous remercie, Mon général, pour cet exposé qui, à mon sens, a clairement établi les responsabilités de chacun pour l’avenir de la défense de la nation. Je ne doute pas que vos propos soient, pour l’essentiel, partagés par de nombreux députés.

    Ma question est précise et porte sur la réserve civile. Certaines unités de police ont reçu des consignes très strictes liées à la réduction de l’enveloppe dédiée à la réserve qui porte sur les mois de juillet à octobre. Quelles conséquences concrètes cette réduction des effectifs entraînera-t-elle sur les forces de gendarmerie ? Se peut-il qu’elle ait des répercussions en termes de sécurité publique ?

    Olivier FaureJe vous remercie, Mon général, pour votre exposé passionnant qui vous a permis de rappeler quel était votre rôle. Vous connaissez aussi le nôtre : représenter les Français dans leur diversité géographique et politique, et contrôler l’action du Gouvernement.

    Si vous avez sonné le tocsin, nous alertant sur la situation critique dans laquelle se trouvent nos armées, vous avez plutôt usé de l’euphémisme au sujet de la réduction de 850 millions de crédits annoncée hier. Or, pour éclairer notre décision et pour éclairer les Français, sans doute convient-il d’être plus précis. Je crois avoir compris que le programme Scorpion était menacé de report, ce qui fragiliserait nos troupes à terre. Pouvez-vous nous présenter l’intégralité des conséquences que vous anticipez déjà, afin de peser sur le débat ?

    D’autre part, vous avez rappelé que vous êtes chargé des relations avec les armées de nos partenaires européens, et que l’effort de défense européen repose pour l’essentiel sur trois piliers – ce qui semble pour le moins curieux dans la mesure où ce que nous défendons au Levant et au Sahel relève non pas des valeurs et des intérêts strictement nationaux, mais européens. Quelles pistes envisagez-vous aujourd’hui avec vos partenaires ? À quoi vous semblent-ils prêts ? Je pense à la fameuse règle de Maastricht selon laquelle le déficit ne doit pas dépasser 3 % du PIB, qui nous impose de consentir des efforts supplémentaires alors même que les opérations de défense que nous conduisons au nom des autres sont incluses dans ce calcul. N’y a-t-il pas là matière à réflexion ? Ne convient-il pas de « détendre l’élastique » afin que la France respecte les critères tout en tenant compte des efforts disproportionnés qu’elle déploie par rapport à ses capacités et de ses engagements, qui sont autant européens que nationaux ?

    Général Pierre de VilliersÀ mon sens, le monde change sous nos yeux. La question des alliances est fondamentale. C’est une question éminemment politique. Je vous parle d’action militaire. Dans ce domaine nous sommes à la croisée des chemins, comme l’illustre la situation en Syrie. Sur quelques dizaines de kilomètres seulement s’y côtoient les forces turques, américaines, kurdes et russes, ainsi que l’armée syrienne, l’opposition syrienne modérée et Daech. La Syrie est un laboratoire des rapports de force et des tensions qui, au fond, proviennent de deux conflictualités distinctes, mais non disjointes, liée pour l’une au retour des États-puissances et pour l’autre à l’islam radical. La Russie, par exemple, joue un rôle dans le dossier ukrainien et dans le dossier syrien, où elle contribue à la lutte contre Daech. Nous devons en tenir compte, ce que nous avons fait dès la première réunion de la commission chargée de la revue stratégique, car l’évolution géostratégique a été importante depuis le dernier Livre blanc.

    Peut-être n’ai-je pas été assez explicite concernant Sentinelle. Nous ne sommes pas les supplétifs des forces de l’ordre, qui font d’ailleurs très bien leur métier et avec qui nous travaillons de concert, mais un complément. L’ordre public n’est pas notre raison d’être, et nous n’en avons pas les capacités – nous ne disposons pas d’officiers de police judiciaire, par exemple. Tel est le principe de base. Nous apportons notre expérience et les savoir-faire acquis en opérations extérieures, face à des menaces et des actes de nature militaire que nous voyons peu à peu apparaître sur le territoire national. Pour ce faire, nous travaillons à renforcer notre mobilité pour mieux surprendre les terroristes. Cela demande de s’entraîner. L’armée de terre a ainsi expérimenté avec la gendarmerie une capacité de contrôle des flux arrière aux frontières visant à assurer une mobilité complémentaire entre les forces terrestres et la gendarmerie. Nous travaillons conjointement de la sorte sur plusieurs autres pistes.

    Quoi qu’il en soit, nous conserverons toujours des trinômes en patrouille ici ou là. Cela contribue à dissuader l’adversaire. D’après les informations dont je dispose sur les terroristes, nous voir ne les rassure pas, car ils savent de quoi nous sommes capables. Ils sont conscients que nous n’hésiterons pas, comme ce fut le cas au Carrousel du Louvre, à Orly et ailleurs. Tout cela participe au maintien de la confiance du peuple français. La confiance, c’est essentiel pour une nation.

    J’ai parfaitement conscience que cette opération pèse sur le moral des troupes et mon souci permanent reste de le préserver. Lorsqu’un soldat rentre de quatre mois de déploiement en opération extérieure pour enchaîner sur deux ou trois missions dans le cadre de l’opération Sentinelle, il est à nouveau durablement loin des siens ; cela ne saurait durer indéfiniment, et j’en suis bien conscient. D’où le besoin de modulation accrue pour notre dispositif. Précisons que l’augmentation des onze mille nouveaux effectifs n’est pas encore achevée, car le processus, depuis le recrutement jusqu’au plein caractère opérationnel, est long. Il reste encore beaucoup à faire. À ce stade, il me semble indispensable de faire évoluer l’opération Sentinelle mais je recommande la prudence sur le sujet : imaginez qu’un attentat grave survienne suite à la décision d’alléger Sentinelle…

    S’agissant de la réserve, je vous l’ai dit : nous sommes « sur le trait ». Mais lorsque les crédits sont épuisés, nous cessons de recruter ; c’est aussi simple que cela. En cas d’annulation de crédits en 2017, nous serons peut-être amenés mécaniquement à des mesures de régulation.

    Je ne peux guère vous en dire davantage sur les conséquences qu’aurait l’annulation de 850 millions d’euros de crédits, non pas parce que je cherche à éviter le sujet, mais parce que la décision n’a pas encore été officiellement prise par le président de la République. Attendons qu’elle le soit ; en attendant, j’ignore si nous appliquerons la batterie de mesures possibles, car cela dépendra, encore une fois, du niveau de report de charges et de crédits, de la manière dont cette annulation s’articulera avec d’autres annulations et gages dans le cadre de la gestion budgétaire globale et du niveau des opérations extérieures. Je dirai ceci : à l’évidence, le budget ne correspond pas à ce que j’avais demandé, et je pense que vous l’avez compris, ni à ce qu’a demandé la ministre des Armées. Cela étant dit, je ne peux guère vous apporter davantage de précisions tant que la décision n’est pas officiellement prise ; lorsqu’elle le sera, si elle devait l’être, votre président sera informé des mesures concrètes de décalage qui seront prises – puisqu’il faudrait procéder à des décalages, étant donné que je ne vois pas d’autre solution que de faire porter de telles demandes d’économies sur l’équipement des forces.

    J’en viens à nos partenaires européens. Pour toutes sortes de raisons, le climat a changé depuis quelques mois. La Commission européenne parle désormais de la défense et des armées, un sujet qu’il lui était jusqu’ici délicat d’aborder. Le fonds européen de défense est une nouveauté intéressante.

    Vous proposez de dégager l’investissement de défense du calcul du déficit public par rapport à la règle des 3 % du PIB. Je soutiens fermement cette mesure, mais je crois que mon soutien ne suffit pas… C’est un sujet exclusivement politique. Mes homologues européens savent toutefois, en toute objectivité, combien nous contribuons à la défense et à la sécurité de l’Europe. On entend déplorer çà et là que bien des choses vont mal en France. Soit, mais permettez-moi de vous dire ceci : nous avons la première armée d’Europe et elle est considérée comme telle lorsque je suis à Bruxelles. La France dispose de la deuxième armée de l’OTAN. En somme, la France est un grand pays quand elle le veut, et elle l’est aujourd’hui sur le plan militaire. J’ai donc, en tant que CEMA, un rôle dans cette dynamique européenne. L’automne dernier, nous sommes parvenus à réunir les Britanniques et les Allemands dans mon bureau, puis nous avons tenu une réunion du même ordre à Londres ! La prochaine réunion aura lieu à Berlin après l’été. Ce sont des signes ! Nous pouvons explorer d’innombrables pistes de coopération. Nous pouvons coopérer avec les Allemands en matière d’environnement des opérations et de capacités – intelligence, surveillance, reconnaissance (ISR), ravitailleurs, transport aérien, drones – ou encore de logistique et de sécurité et développement, car cette économie puissante peut nous aider. Ils participent à la formation des forces locales, dans le cadre de la mission européenne EUTM au Mali par exemple. Avec les Britanniques, notre coopération porte tout à la fois sur les opérations – j’ai mentionné la CJEF – mais aussi sur les programmes, le traité de Lancaster House ayant tracé de nombreuses pistes. On peut aussi envisager à l’avenir un programme de drone MALE européen avec ceux qui voudront nous rejoindre d’ici à 2025. Autrement dit, je suis persuadé qu’il y a des choses à faire, et je sens une dynamique meilleure qu’auparavant, en particulier avec l’Allemagne, dont je rappelle que la part du PIB consacrée à la défense passera de 1,2 % à 1,5 % en quatre ans, sachant que l’Allemagne a un PIB plus élevé que le nôtre et qu’elle n’assume aucune dépense liée à la dissuasion. C’est dire si, à périmètre équivalent, nous allons devoir nous accrocher pour ne pas être dépassés !

    Un mot sur les munitions : les réductions décidées ces dernières années ont globalement porté sur les flux, celui de l’entretien programmé du matériel et de l’entretien programmé du personnel, celui des munitions et celui des infrastructures – comme toujours. Oui, il faut reconstituer le flux des munitions et nous ne pourrons pas attendre 2019 ou 2020 ! Nous avons beaucoup consommé et continuons de consommer beaucoup, et pour cause : on ne gagne pas la guerre sans munitions – un fait simple que l’on semble pourtant redécouvrir. Je ne vous donnerai pas de détails sur l’état des différents stocks, mais il n’est plus temps de discuter en termes budgétaires, car nous n’avons pas le choix. Je n’y peux rien ; c’est ainsi. Il faut agir dès 2018 pour plusieurs raisons : d’abord parce que nous sommes « au taquet », mais aussi parce qu’il s’écoule parfois beaucoup de temps entre la commande de la munition et le moment où elle peut être tirée. Les pièces des munitions sont en effet fabriquées dans différents lieux et pays. Au fond, la France a redécouvert la guerre. Or, il n’est pas aisé de relancer une chaîne industrielle, surtout de manière accélérée. Nous devons être en mesure de disposer de stocks de munitions suffisants. Je ne le demande pas pour ennuyer tel ou tel, mais parce qu’encore une fois, c’est ainsi : on ne gagne pas la guerre sans munitions suffisantes.

    le présidentJe vous remercie. Nos collègues avaient encore de nombreuses questions à vous poser, mais nous en aurons d’autres occasions. (Applaudissements sur tous les bancs.)

  • L'armée proteste, légitimement scandalisée

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    Les attaques d'Emmanuel Macron contre le général Pierre de Villiers ne passent décidément pas. Dans une lettre ouverte au président que Capital reproduit ci-dessous, 15 hauts gradés de l'armée ayant quitté le service - dont cinq généraux - clament leur soutien à l'ancien chef d'Etat-major et témoignent de leur "blessure profonde".

    Monsieur le Président,

    C’est au Chef des armées que les signataires de la présente lettre souhaitent s’adresser. C’est au Chef des armées qu’ils veulent dire combien ils ont été stupéfaits par son attitude à l’égard du Chef d’état-major des Armées de la France.

    Nous sommes des Officiers de tous grades et des différentes armées ayant quitté le service actif. Nous n’avons aucun mandat ; nous ne prétendons pas parler au nom de l’Armée, cette « grande muette ». Nous estimons en revanche, de notre devoir de vous faire part de notre indignation et de vous dire ce que beaucoup de nos jeunes camarades, nos frères d’armes en activité, ressentent sans pouvoir l’exprimer.

    L’Armée est peut-être muette, mais elle n’est ni sourde ni aveugle, ni amnésique. Elle n’a pas été sourde quand elle a entendu et cru en vos promesses de campagne. Elle n’a pas été aveugle lorsque votre tout premier geste a été de vous rendre au chevet de ses blessés. Elle a apprécié le symbole qu’a représenté votre choix d’un véhicule de commandement le jour de votre prise de fonction, elle a été sensible à l’image de l’autorité restaurée que vous avez voulu afficher. Tant vos paroles que les symboles que vous aviez choisis semblaient donc démontrer votre compréhension des forces armées et la priorité que vous leur accorderiez dans le contexte actuel.

    Mais alors tout cela n’était-il que promesses, paroles et maniement des symboles ? On est en droit désormais de se poser la question en entendant les propos que vous avez tenus publiquement à l’Hôtel de Brienne à l’encontre du Chef d’état-major des armées, à la veille des cérémonies du 14 juillet. Cela restera longtemps dans les mémoires.

    «Je considère pour ma part, qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique… »

    Mais alors est-il vraiment digne de réprimander, non seulement en public, mais devant ses subordonnés, un grand chef militaire, au sujet de propos destinés aux membres d’une commission parlementaire, au cours d’une audition censée être confidentielle ? Le CEMA ne faisait-il pas son devoir en rendant compte loyalement à la représentation nationale de l’état des armées ? Cette humiliation publique est une faute, Monsieur le Président.

    «J’ai pris des engagements…»

    Mais alors, après avoir prolongé le CEMA d’une année, ce qu’il a accepté en toute loyauté, précisément pour mettre en œuvre vos engagements de campagne, pourquoi lui faire grief de refuser d’endosser vos reniements ? Comment pouvez-vous penser qu’il accepterait de se soumettre et de perdre ainsi la confiance de ses subordonnées ? Ce reniement est une faute, Monsieur le Président.

    «Je suis votre chef...»

    Tous les militaires le savent et ils sont vexés que vous le leur rappeliez. Mais alors, serait-ce que vous en douteriez vous-même ? Dans ce cas, ce doute vous honorerait car il montrerait que vous avez senti la différence entre être le chef légal, et être le chef véritable : celui qui, connaissant le métier des armes, respecte ses hommes et en retour se fait aimer d’eux ; celui qui, parce qu’il a d’abord commencé par obéir, a appris à commander. Si votre jeunesse est une excellente chose, elle ne vous a pas apporté l’expérience du Service sous les armes. Personne ne vous le reproche, mais ceci implique un minimum d’humilité : commander n’est pas « manager ». Ce défaut d’humilité est une erreur, Monsieur le Président.

    «Les engagements que je prends devant nos concitoyens et devant les armées, je sais les tenir…»

    Nous ne demandons qu’à le croire, mais pour l’instant vous ne les tenez pas, et nos ennemis eux, ne vont pas attendre une année supplémentaire pour frapper les nôtres. Quant à l’argument consistant à dire au pays que la coupe budgétaire annoncée n’aura aucune incidence sur la vie de nos soldats, il est fallacieux et vous le savez. Il a été utilisé par vos prédécesseurs depuis des décennies et il est la cause des nombreux retards, diminutions, voire annulation de programmes, responsables du délabrement actuel de nos matériels ; situation que nos hommes vivent durement au quotidien, en conditions de guerre. En réalité vous mettez nos armées dans une situation encore plus tendue, vous le savez et vous manipulez la vérité. Cette manipulation est une faute Monsieur le Président.

    «Je n’ai, à cet égard, besoin de nulle pression et de nul commentaire»

    Considéreriez-vous donc comme une «pression» ou un «commentaire» le compte-rendu que le Chef d’état-major a présenté en toute vérité et loyauté à la commission parlementaire ? Le CEMA ne doit-il adresser à la représentation nationale que des propos bien lissés et bien formatés en lieu et place de la réalité ? Quel caporalisme, quel manque de considération pour lui comme pour elle ! Quel mépris vis-à-vis des problèmes réels auxquels nos armées ont à faire face ! Ce mépris est une faute Monsieur le Président.

    «J’aime le sens du devoir, j’aime le sens de la réserve…»

    Précisément votre devoir était de faire preuve de réserve vis-à-vis de votre grand subordonné ; les termes vifs qu’il a utilisés ne vous étaient pas destinés, vous le saviez. Rien ne vous obligeait à rendre publique une fuite de confidentialité et à l’exploiter en violente diatribe à son égard. Où est la réserve quand quelques jours plus tard, comme si cela ne suffisait pas, vous déclarez dans la presse que « L’intérêt des armées doit primer sur les intérêts industriels », laissant ainsi entendre que le souci du CEMA concernant l’obsolescence des matériels lui seraient « susurrés » par le lobby militaro-industriel ? C’est bas, ce n’est pas digne, Monsieur le Président. Où est la réserve quand, dans le même journal, vous ajoutez en parlant du général De Villiers qu’il a toute votre confiance, «mais à condition de savoir quelle est la chaîne hiérarchique et comment elle fonctionne, dans la république comme dans l’armée» ? Où est la réserve dans de tels propos adressés à un homme qui sert les Armes de la France depuis quarante ans, quand vous ne les découvrez que depuis deux mois?

    En conclusion, vous aurez compris, Monsieur le Président, que vos paroles publiques visant le Général De Villiers n’ont pas seulement atteint ce grand serviteur de la France et de nos armées mais aussi un grand nombre de militaires qui, comme nous, se sentent humiliés. La blessure est profonde. C’est pourquoi, loin des innombrables commentaires politiques, techniques ou simplement polémiques, nous pensons qu’il est de notre devoir de vous parler avec le cœur. Vous aviez bien commencé avec les symboles, et nous avons cru en votre parole ; mais aujourd’hui elle s’est transformée en mots inutilement destructeurs et vos récentes déclarations d’amour à Istres ne sont encore perçues que comme des mots, pour ne pas dire comme de la communication.

    Alors, Monsieur le Président, réservez et retenez votre parole pour qu’elle redevienne La parole, la parole donnée, la parole qu’on tient : celle en laquelle nous pourrons croire à nouveau. Laissez les symboles et les discours et passez aux actes concrets pour vos militaires. Vous êtes leur chef constitutionnel, soyez-le dans leur vie réelle, écoutez-les, respectez-les.

    Général de brigade aérienne (2S) Diamantidis

    Ont également signé cette lettre :

    Général de division aérienne (2S) Tsédri

    Général de division aérienne (2S) Champagne

    Général de brigade Gendarmerie (2S) De Cet

    Général de brigade Terre (2S) Reydellet

    Colonel Terre (ER) Wood

    Colonel Terre (ER) Lerolle

    Colonel Terre (ER) Noirot

    Colonel Terre (ER) Aubignat

    Colonel Air (ER) Piettre

    Colonel Air (ER) Populaire

    Médecin en chef (H) Reynaud

    Lieutenant-Colonel Air (ER) Delalande

    Chef de bataillon Terre (ER) Gouwy

    Capitaine Terre (ER) Diamantidis

  • SPECIAL MAROC - UNE BELLE LEÇON POLITIQUE

     

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    A l’occasion de la Fête du Trône, le roi du Maroc, Mohamed VI, a prononcé une allocution qui est, comme il se doit, demeurée ignorée. Les principaux journaux français, dont on sait maintenant qu’ils sont la propriété de quelques-uns et se doivent d’obéir aux instructions qui leur sont données, n’en ont soufflé mot. E. Macron a été élu grâce à eux.

    Très rapidement on constate que nous rentrons dans le même processus qu’avec les précédents présidents. Les promesses en plus ou en moins ne sont pas tenues, les mauvaises surprises apparaissent, l'impression générale est désastreuse, d’où le mécontentement accéléré de l’opinion qui se rend compte, toujours trop tard, qu’elle a été trompée. Se met alors systématiquement en place une succession de mises en scène médiatiques pour tenter de sauver les apparences.

    Au cours de la campagne présidentielle, nous avons, maintes fois dans ce blog, développé cette analyse. Parce qu'il ne faut pas être grand devin pour comprendre que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. On qualifie fréquemment la Vème république de monarchique, parce qu'elle varie, au cours des années, sur les pouvoirs plus ou moins importants donnés au Président. C'est un faux sens, et même un contre-sens. Avec la remise en cause de ce Président tous les cinq ans (ce serait la même chose tous les sept ans) qui a pour effet de plonger le pays dans une campagne démagogique permanente et de paralyser toute réforme nécessaire, nous en sommes loin. Ce président n'est ni indépendant ni capable de s'attaquer à une politique de longue haleine. Ce n'est pas l'homme qui est en cause mais le système. Les meilleures volontés se heurteront toujours à la même mécanique.

    Nous avons, en revanche, avec le Maroc et son chef de l’État une très belle leçon politique. Son indépendance et l’assurance de pouvoir gouverner dans la durée, soutenues par un véritable amour de son peuple, lui ont permis de remettre chacun à sa place, ici les fonctionnaires chargés du fonctionnement de l’État et les partis politiques, et de demander un travail plus efficace et plus constructif. Assurément, ils ont entendu et compris le mécontentement du roi. Immédiatement les responsables ont mis en œuvre les moyens susceptibles de rectifier la situation.

    Gageons que dans les années prochaines une attention toute particulière sera portée par le Palais sur le résultat de ces demandes.

    Les français devraient y réfléchir.

     

    Prenez connaissance des documents relatifs à l'intervention du roi du Maroc en cliquant sur les titres :

     

    1 - Le roi met les partis politiques face à leurs responsabilités

    2 - La réaction du chef du gouvernement

    3 - Le commentaire de Tahar Ben Jelloun

  • Et maintenant le droit du travail !

     

    COUP DE GUEULE AUX CESARS

     

    Très intéressante réaction sur la situation économique et notamment sur les salariés souvent négligés et sacrifiés aux intérêts de la grand finance. L'élection d'E. Macron n'est pas de nature à rassurer sur ce point, lui qui est justement la marionnette de cette même finance.

     

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    CLIQUEZ SUR LA PHOTO

    POUR ÉCOUTER

    CETTE INTERVENTION

     

     

     

  • Macron à Las Vegas : des e-mails gênants pour Muriel Pénicaud

     

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    Selon le "JDD", la ministre du Travail avait été mise au courant en amont des problèmes financiers liés à la soirée organisée pour Emmanuel Macron à Las Vegas en 2016.

    « L'opération Las Vegas » était sur les rails depuis le 29 octobre 2015. Et, selon les révélations du JDD daté du 2 juillet, plusieurs e-mails pourraient impliquer l'actuelle ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui aurait été mise au courant en amont de possibles soucis budgétaires. Dans un courrier daté du 11 décembre 2015, Fabienne Bothy-Chesneau, alors directrice de la communication de Business France, organisme dirigé à l'époque par la ministre, écrit que cette dernière a été « briefée » par l'équipe de communication en amont sur les problèmes financiers liés à l'organisation de la soirée à Las Vegas en l'honneur d'Emmanuel Macron, alors ministre de l'Économie, lors du CES 2016 à Las Vegas. Une grand-messe mondiale réunissant des entreprises américaines et françaises du secteur des hautes technologies. La ministre n'aurait cependant pas agi en conséquence. « Elle gérera aussi quand la CdesC [Cour des comptes, NDLR] demandera des comptes à BF [Business France, NDLR], ce ne sera pas faute d'avoir dit et redit », poursuit Fabienne Bothy-Chesneau dans son courrier électronique.

    L'événement, qui a eu lieu le 6 janvier 2016, a coûté 289 000 en fonds publics, qui ont été versés à l'agence Havas, et 45 000 euros de frais d'hôtel, un montant revu à la baisse après qu'a été saisie l'Inspection générale des finances. Une enquête judiciaire, ouverte par le parquet de Paris pour favoritisme, suspecte Business France, organisme public, de ne pas avoir organisé de mise en concurrence. Muriel Pénicaud évoquait, selon un article de la semaine dernière, une « erreur de procédure dans un marché public » qui l'avait conduite, en mars 2016, à demander un audit indépendant sur l'affaire.

    Des pressions de la part du cabinet de Macron ?

    Selon les révélations du JDD cependant, Business France a davantage servi d'intermédiaire dans une opération lancée par le cabinet d'Emmanuel Macron. En octobre 2015 donc, le correspondant de Bercy à l'ambassade de France à Washington, Yves-Laurent Mahé, sollicite la directrice du CES. Il lui indique notamment qu'Emmanuel Macron se rendra sur place et, un peu plus tard, que Business France a été chargé d'organiser une soirée pour le ministre. Au départ, le CES propose de mettre à la disposition de la délégation une salle gratuitement, mais, devant un nombre grandissant d'invités, un budget doit être mis en place.

    Une opération qui nécessite donc la sélection d'une agence de communication via un appel d'offres, ainsi qu'un cahier des charges afin de respecter les impératifs légaux, notamment en termes de financement. Plusieurs e-mails de Fabienne Bothy-Chesneau évoquent des pressions de la part du cabinet d'Emmanuel Macron à Bercy afin de faire avancer le dossier vite, indique le JDD. Au final, l'agence Havas, après plusieurs devis et plusieurs échanges, est choisie pour assurer l'organisation de la soirée américaine, mais sans être passée par un appel d'offres. À ce stade, les estimations de coûts de la soirée dépassent déjà les seuils légaux d'une mise en concurrence, précise l'hebdomadaire.

    Pourtant, un consultant de Business France, Philippe Heymann, spécialisé sur les questions de coûts et interrogé par le JDD, précise qu'en décembre 2015 il avait déjà alerté sa directrice de communication que « 350 000 euros pour une soirée, ce qui était l'enveloppe globale, cela [lui] paraissait très cher ». Le 28 juin, Libération affirmait que Muriel Pénicaud avait « validé » certaines des dépenses relatives à l'organisation de la soirée. La ministre s'était défendue en affirmant que c'était elle qui avait alerté le conseil d'administration et déclenché un audit pour enquêter sur d'éventuelles irrégularités. Qualifiant par la même occasion de « blague » les accusations selon lesquelles elle avait cherché à étouffer l'affaire.

    Par 6Medias

  • Au bord de l’effondrement, Alger calomnie désespérément le Maroc

     

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    Abdelaziz Bouteflika vote en fauteuil roulant.

    © Copyright : DR

    Face au dynamisme du Maroc, Alger a entrepris une démarche de dénigrement de Rabat, dans l’espoir d’apaiser l’opinion publique algérienne de plus en plus prompte à établir des comparaisons entre un pays qui avance et un autre qui fait du surplace. Décryptage.

    Rien ne va plus à Alger. Un président grabataire, la rente des hydrocarbures qui rétrécit chaque mois comme une peau de chagrin, des élections législatives où le parti unique au pouvoir (le FLN, inscrit dans le marbre de la Constitution algérienne) a recueilli à peine 7% des suffrages, un désintérêt complet de la chose politique, sanctionnée par une abstention record (officiellement 65% d’abstentionnistes aux législatives, mais selon des sources indépendantes ils seraient plus de 85%). La liste noire de la déliquescence du régime algérien est aussi longue que les faits mémorables dans un obélisque dans l’Égypte pharaonique. En diplomatie, Alger s’est fait très méchamment recadrer par le parlement libyen qui a récusé en des termes d’une crudité inhabituelle l’ingérence d’un pouvoir qui essaie d’obtenir par la force ce que l’on construit par le dialogue. Sur la défensive, ce régime multiplie les mesures d’intimidation comme la convocation de l’ambassadeur tunisien à Alger, rien que parce que le ministre tunisien des Affaires locales, Riadh Mouakher, a dit ce qui est pourtant écrit noir sur blanc dans la constitution du voisin de l’est : la République algérienne démocratique et populaire est un pays communiste.

    Pourquoi le ministre tunisien a eu raison de qualifier l’Algérie de pays communiste

    En économie, l’Algérie est considérée comme un marché où on écoule des marchandises, en faisant semblant de répondre aux lubies d’un régime qui veut se donner l’illusion d’imposer aux opérateurs étrangers de construire localement, alors qu’il paie plus cher quelques pièces démontées et remontées dans des «usines» en Algérie, comme en atteste la supercherie de l’usine Hyundai à Tiaret qui importait des voitures auxquelles manquaient seulement les roues. Ce pays, qui reçoit chaque semaine des alertes et mises en garde de spécialistes, think tanks et journaux de référence sur son écroulement imminent, continue pourtant de mobiliser toutes ses forces contre le Maroc.
    Un magazine politique américain se demande si l’Algérie peut encore être sauvée de la faillite

    «L’Algérie n’a plus rien et elle a en face d’elle un pays qui, sans la rente des hydrocarbures, est en train de s’imposer comme une puissance continentale. Le Maroc est le pays qui renvoie à l’Algérie tout ce qu’elle n’a pas pu ou réussi de faire. Rabat est un miroir cruel pour Alger. Alors elle se lâche dans une entreprise de dénigrement contre notre pays, en espérant par cette initiative apaiser la rancœur de son opinion publique de plus en plus prompte à établir des comparaisons entre un pays qui avance et un autre qui est immobile», explique un observateur averti à le360.

    Mobilisation sur le Net et les réseaux sociaux


    Alger agit avec la rage du désespoir pour enrayer la machine Maroc qui avance. Elle mobilise le Polisario dans une entreprise à la fois d’intox et de désinformation, comme en atteste la fausse information au sujet d’éléments de la marine royale «capturés», jeudi dernier à Lagouira, alors qu’il n’en est strictement rien. Peu importe. «Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose». Cette formule, rendue populaire par l’écrivain français Beaumarchais, est la devise qu’applique avec ardeur Alger à l’encontre du Maroc.

    Le mode opératoire de cette entreprise de calomnie est simple : transformer, via les réseaux sociaux, le banal en fait notable, hausser l’epsilon au rang du quantifiable. Ce projet repose sur l’amplification du moindre fait divers survenant au Maroc, le cas échéant les revendications à caractère social à Al Hoceïma, son instrumentalisation à grand roulement de tambours via divers canaux de communication, notamment la centrifugeuse des réseaux sociaux, pour tenter à la fois de nuire à l’image du royaume du Maroc et souffler sur des bûches éteintes dans l’espoir d’attiser le feu. 

    Pourtant le régime algérien devrait garder à l’esprit que les manifestations pacifiques sont autorisées au Maroc et qu’il en existe chaque jour dans plusieurs endroits du royaume, parce que cette liberté de rassemblement est garantie par la Constitution marocaine. Ce qui n’est pas le cas de la région d’Alger (25% de la population algérienne y vivent) où il est interdit de manifester.

    Dans ce projet d’amplification, Alger manipule, encourage, finance -par le truchement des réseaux sociaux et le Net- à la fois le Polisario qui lui est acquis et une poignée de réfractaires, de pseudo opposants au régime qui ne représentent rien et de marginaux en quête de gloire comme un ex-champion des combats de rue et un pseudo youtubeur qui porte le nom de arroubi (paysan) et qui s’est illustré depuis le retour du Maroc à l'Union africaine. Ce qui en dit long sur la panique que le dynamisme du souverain crée chez l’oligarchie immobile du voisin de l’est. Critiquer son pays est une chose, mais le pourfendre sur l’instigation d’une autre partie, cela s’appelle une trahison. Les traîtres à la solde d’Alger ne trahissent qu’eux-mêmes. Le Maroc est debout, marche et avance. Tout le monde connaît le plus célèbre des proverbes arabes sur les chiens qui aboient alors que la caravane passe, avance.

    Par Aziz Bada

    Le 360

  • Un discours de Donald Trump que la presse aux ordres s'est bien gardée de reprendre

     

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    A Riyad, devant le roi d’Arabie saoudite et 50 dirigeants de pays musulmans, le Président américain a fait discours historique, puissant et sans compromis, d’une intelligence, d’une finesse et d’un réalisme que personne n’a jamais osé prononcer.

    Trump s’est adressé au monde musulman comme s’il parlait à des enfants, de façon ferme mais respectueuse.

    Il a donné aux dirigeants musulmans réunis une leçon de morale, tout en insistant sur le fait que « l’Amérique ne cherchera pas à imposer son mode de vie sur les autres, mais à tendre la main dans un esprit de coopération et de confiance ». En expliquant qu’il n’entend pas que les Etats-Unis leur dictent ou tentent de réformer leur façon de vivre – un virage à 180° par rapport aux néo-conservateurs qui voulaient démocratiser l’Irak, ou à celui d’Obama qui voulait incliner l’Amérique en direction de l’islam, Trump a habilement malaxé le cuir des leaders pour les préparer à entendre ce qu’il est venu leur dire…

    Les dépêches ont été très oublieuses des parties les plus importantes de son discours : l’évocation du christianisme, du judaïsme, d’Israël et de Jérusalem, du terrorisme islamique

    Avec élégance et fermeté, le Président américain a fait ce qu’aucun homme politique occidental n’avait jamais fait ni même songé à faire : il a remis à leur place 50 leaders musulmans, y compris le roi d’Arabie saoudite, médusés, subjugués par autant de force et de résolution, alors que son prédécesseur leur faisait des courbettes.

    Pour des raisons évidentes – éviter la désinformation extrême qui entoure tout ce qui touche au Président Trump, j’ai préféré regarder son discours plutôt que me fier aux retranscriptions et commentaires politiques. Grand bien m’en fit, puisque les dépêches ont été très oublieuses des parties les plus importantes de son discours : l’évocation du christianisme, du judaïsme, d’Israël et de Jérusalem, du terrorisme islamique, et semblent n’avoir retenu que la partie où Trump pointe son doigt vers l’Iran.

    Après le narratif banal du roi Salman (Islam religion de paix et de tolérance bla bla bla), Trump a consacré la première partie de son discours à – littéralement – passer la brosse à reluire au roi d’Arabie pour ses « mots extraordinaires », l’accueil fabuleux que le « magnifique royaume d’Arabie » lui a réservé, et dont « les mots ne rendent pas justice de la grandeur de ce remarquable lieu et l’incroyable hospitalité qui lui a été offerte ».

     

    Puis Trump est passé à la partie la plus intéressante – et réjouissante – au plan géopolitique, dont voici les extraits les plus significatifs :

    « Notre but est de former une coalition de nations qui partagent le désir d’écraser l’extrémisme et d’apporter à nos enfants un futur d’espoir qui honore Dieu.

    Et cette réunion historique et sans précédent de leaders—unique dans l’histoire des nations —est un symbole envoyé au monde de notre respect mutuel et de notre commune volonté.

    […]

    Hier, nous avons signé des accords par lesquels le royaume va investir près de 400 milliards de dollars dans nos deux pays et créer plusieurs milliers d’emplois en Amérique et en Arabie saoudite.

    […]

    Plus tard aujourd’hui, nous allons à nouveau marquer l’Histoire en ouvrant un nouveau Centre destiné à combattre l’idéologie extrémiste  — situé ici, dans la partie centrale du monde islamique. Ce nouveau centre, unique en son genre, représente une déclaration claire que les pays à majorité musulmane doivent être à l’avant-scène du combat contre la radicalisation, et je veux exprimer ma gratitude au roi Salman pour sa puissante démonstration de leader.

    […]

    Nous ne sommes pas ici en donneur des leçons—nous ne sommes pas ici pour dire aux autres peuple comment ils doivent vivre, ce qu’ils doivent faire, ce qu’ils doivent être, ou qui ils doivent vénérer. Au lieu de ça, nous sommes ici pour offrir un partenariat — basé sur nos intérêts et nos valeurs communs — la poursuite d’un meilleur futur pour chacun de nous.

    […]

    Les jeunes garçons et filles musulmans devraient être libérés de la peur, être à l’abri de la violence, et les innocents protégés de la haine. Et les jeunes hommes et femmes musulmans devraient avoir la possibilité de construire une nouvelle ère de prospérité pour eux-mêmes et les leurs.

    Avec l’aide de Dieu, ce sommet marquera le début de la fin pour ceux qui pratiquent la terreur et répandent leur vile croyance. Et par la même occasion, nous prions pour que cette rencontre unique puisse un jour être évoquée comme le début de la paix au Moyen-Orient—et peut-être, même partout dans le monde.

    Mais ce futur ne peut être atteint que si l’on vainc le terrorisme et l’idéologie qui le pousse.

    […]

    Le vrai coût de l’Etat islamique, d’Al Qaeda, du Hezbollah, du Hamas, et de tant d’autres, ne doit pas seulement être compté en nombre de morts. Il doit aussi être compté en générations de rêves disparus.

    Chaque fois qu’un terroriste tue un innocent, et invoque fallacieusement le nom de Dieu, c devrait être une insulte envers tout croyant.

    Les terroristes ne vénèrent pas Dieu mais la mort.

    Ceci n’est pas une bataille entre différentes fois, entre différentes sectes ou différentes civilisations.

    C’est une bataille entre des barbares criminels qui cherchent à éliminer la vie humaine, et des personnes décentes, de toutes les religions, qui cherchent à la protéger.

    Ceci est une bataille entre le bien et le mal.

    Quand nous découvrons les scènes de destruction après un attentat terroriste, nous ne voyons pas les signes que ceux qui ont été tués étaient juifs ou chrétiens, chiites ou sunnites. Quand nous voyons le flot de sang innocent pénétrer cette terre ancienne, nous ne pouvons pas voir la croyance ou la secte ou la tribu des victimes —nous ne voyons qu’une chose : ils étaient des enfants de Dieu dont la mort est une insulte à tout ce qui est saint.

    Mais nous ne pourrons vaincre ces forces du mal que si les gens de bien sont unis et forts — et si tout le monde dans cette salle remplit une part équitable des responsabilités qui lui incombe et assume sa part du fardeau.

    Le terrorisme s’est étendu dans le monde. Mais le chemin de la paix commence exactement ici, sur cette terre ancienne, cette terre sacré.

    L’Amérique est prête à vous assister dans la poursuite de nos intérêts communs et de notre sécurité commune.

    Mais les nations du Moyen-Orient ne doivent pas attendre que l’Amérique écrase cet ennemi pour eux. Les nations du Moyen-Orient devront décider quel genre de futur ils veulent pour eux-mêmes, pour leurs pays, et pour leurs enfants.

    C’est un choix entre deux futurs — et c’est un choix que l’Amérique ne PEUT PAS faire à votre place.

    Et cela veut dire aussi se dresser ensemble contre le meurtre d’innocents musulmans, l’oppression des femmes, la persécution des juifs, et le massacre des chrétiens

    Un meilleur futur n’est possible que si vos nations se débarrassent du terrorisme et des extrémistes. JETEZ – LES – DEHORS.

    JETEZ-LES HORS de vos lieux de culte.

    JETEZ-LES HORS de vos communautés.

    JETEZ-LES HORS de vos terres saintes, et

    JETEZ-LES HORS DE CETTE TERRE.

    Les pays musulmans doivent être prêts à assumer leurs responsabilités, s’ils veulent que nous vainquions le terrorisme et que nous envoyions cette idéologie perverse dans l’obscurité.

    Chaque pays de cette région a un devoir absolu de s’assurer que les terroristes ne trouvent aucun abri sur leur sol.

    […]

    Cela veut dire affronter honnêtement la crise de l’extrémisme islamique et les groupes terroristes islamiques qu’il inspire. Et cela veut dire aussi se dresser ensemble contre le meurtre d’innocents musulmans, l’oppression des femmes, la persécution des juifs, et le massacre des chrétiens.

    […]

    Du Liban à l’Irak et au Yémen, l’Iran finance, arme et entraîne des terroristes, des milices, et d’autres groupes extrémistes qui sèment la destruction et le chaos partout dans la région. Pendant des décennies, l’Iran a jeté de l’huile sur le feu des conflits sectaires et sur la terreur.

    L’Iran est un gouvernement qui parle ouvertement de meurtre de masse, qui promet de détruire Israël, qui hurle mort à l’Amérique, et apporte la ruine de nombreux leaders et nations présents dans cette salle.

    Tant que le régime iranien ne sera pas d’accord pour être un partenaire pour la paix, toutes les nations doivent travailler pour isoler l’Iran, refuser son financement du terrorisme, et prier pour le jour où le peuple iranien aura le gouvernement juste et droit qu’il mérite.

    […]

    Les leaders religieux doivent être très clairs là-dessus : la barbarie n’apportera aucune gloire – l’adoration du mal ne vous apportera aucune dignité. Si vous choisissez le chemin de la terreur, votre vie sera vide, votre vie sera courte, et VOTRE ÂME SERA CONDAMNÉE. [Ici, je dois faire une parenthèse importante : peu de gens savent que le musulman très pratiquant ne craint pas la mort, contrairement à l’Occidental, il craint l’enfer. Et c’est exactement à cette crainte cauchemardesque que le Président Trump fait référence ici]

    Pendant des siècles, le Moyen-Orient a été le lieu où vivaient côte à côte les Chrétiens, les musulmans et les juifs. Nous devons pratiquer la tolérance et nous respecter les uns les autres à nouveau — et faire de cette région un endroit où chaque homme ou femme, quel que soit sa foi et son ethnie, puisse vivre dans la dignité et l’espoir. [Songez que Trump dit cela devant le roi d’Arabie saoudite et de 50 pays musulmans qui ont chassés les juifs et les chrétiens et traitent les femmes comme des êtres de seconde zone]

    Dans cet esprit, après avoir conclu ma visite à Riyad, je me rendrais à Jérusalem et Bethlehem, puis au Vatican—pour visiter de nombreux lieux saints des trois religions Abrahamiques.

    Si ces trois religions peuvent se joindre et coopérer, alors la paix dans ce monde est une chose possible – y compris la paix entre les Israéliens et les Palestiniens. Je rencontrerai le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président palestinien Mahmoud Abbas.

    […]

    Mais aucune discussion pour écraser cette menace terroriste ne serait complète sans mentionner le gouvernement qui donne aux terroristes — un lieu protégé, un soutien financier, et la stature sociale dont ils ont besoin pour recruter. C’est un régime qui est responsable pour beaucoup d’instabilité dans la région. Je parle évidemment de l’Iran.

    Serons-nous indifférents à la présence du mal? Serons-nous là pour protéger nos citoyens de cette violente idéologie ? Laisserons-nous son venin se déverser sur nos sociétés ? Le laisserons-nous détruire les lieux les plus saints de la terre ? Si nous ne confrontons pas cette terreur mortelle, nous savons quel futur nous aurons — plus de souffrance et de désespoir. Mais si nous agissons — si nous quittons cette magnifique salle unifiés et déterminés à faire ce qui est nécessaire pour détruire cette terreur qui menace le monde — alors il n’existera aucune limite pour notre futur et nos citoyens.

    © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.