Cet article est tiré du magazine Causeur et date du 15 février 2016. Bien que légèrement dépassé par l'actualité, il expose parfaitement à quel individu nous pourrions avoir à faire. Sa trajectoire politique, que chacun connaît maintenant, à ses prises de position récentes, tout nous incite à tenter d'écarter du pouvoir ce représentant de l'Anti-France.
L’infirmité d’Emmanuel Macron
Une extraordinaire absence de «décence ordinaire»
Par Régis de Castelnau
La participation aux gouvernements de la présidence de François Hollande aurait-elle un caractère toxique ? Ce fut d’abord Thomas Thévenoud souffrant d’une « phobie administrative » qui l’empêchait de déclarer et de payer ses impôts, en temps et en heure. Aujourd’hui, c’est Emmanuel Macron qui nous annonce souffrir d’un « inconfort philosophique ». Qu’un brutal retournement de veste soit physiquement inconfortable, certes, mais pourquoi philosophiquement ?
À la réflexion, quelque chose de très simple. Emmanuel Macron se fout du monde, et prenant en compte la réalité de la nasse dans laquelle François Hollande s’est enfermé avec son histoire de déchéance de nationalité, il a mesuré tout l’intérêt qu’il y avait à changer de posture. De pour, il serait devenu contre, sachant que lorsque l’on veut se faire passer, contre l’évidence, pour un homme de gauche, c’est probablement plus décoratif de prétendre avoir des états d’âme « philosophiques » pour le justifier.
C’est également une coquetterie pour nous rappeler qu’il est philosophe, comme d’ailleurs presque tout le monde aujourd’hui. Sauf que lui a des titres universitaires à faire valoir et qu’il a été collaborateur d’un vrai philosophe celui-là, le grand Paul Ricoeur. On sait bien que la proximité des grands hommes ne protège de rien, et finalement, cette nouvelle saillie nous renvoie à l’opération médiatique que le mainstream nous fourgue depuis quelques semaines.
Juppé et Macron, nos sauveurs ?
L’Europe est au bord de l’effondrement, la crise des migrants est ingérable, la situation internationale est très inquiétante, chômage et terrorisme pourrissent la vie des Français, et ce n’est pas la petite bande qui prétend au gouvernement de la France qui est de nature à les rassurer. Et c’est qu’ils sont capables de faire des bêtises les Français, comme les Hongrois ou les Polonais d’un côté ou les Espagnols et les Portugais de l’autre. Alors on va leur concocter un casting imparable qui devrait permettre de poursuivre comme avant, de rester dans les salons et de garder les bons fauteuils.
D’abord, le politicien loser qui a soutenu toutes les réformes, tous les abandons qui ont conduit notre pays dans l’impasse où il se trouve : Alain Juppé. Celui-ci a très bien compris l’opportunité, s’est rendu rapidement aux États-Unis pour s’y faire adouber, et chez Bilderberg pour recevoir sa feuille de route. Mais dites donc, il y a quand même un problème, toutes les études démontrent que les Français souhaitent un renouvellement. Et Nestor n’est quand même pas un perdreau de l’année. Idée lumineuse, on va le flanquer d’un jeune, aimable et souriant bien coulé dans le moule obligatoire. Ça aurait de l’allure quand même Juppé président et Macron Premier ministre ! En habit de grande coalition à l’allemande, pour faire plaisir à tous ceux qui, de Franz-Olivier Giesbert à Laurent Joffrin, en passant par Jean Quatremer, et de Cohn-Bendit à Cambadélis, en passant par François Bayrou, ont si peur des Français et de la démocratie.
Un pur produit de l’énarchie
Alors, au-delà de l’image complaisante et utilitaire qui nous est servie, que peut-on dire d’Emmanuel Macron ? « Il incarne l’élitisme républicain » répond Jean-Pierre Chevènement, qui aurait pu d’éviter de se renier à ce point. Effectivement, pur produit de l’énarchie, appartenant à la caste des inspecteurs des finances, pratiquant des allers-retours lucratifs avec la finance privée pour valoriser son carnet d’adresses. Un petit coup d’œil sur sa trajectoire et celles de ses camarades de promotion est de ce point de vue tristement édifiant.
Jusque récemment inconnu au bataillon, il vient d’être parachuté dans la sphère politique. Il s’est spécialisé depuis qu’il est ministre dans l’agitation de chiffons rouges sous le nez de cette gauche orpheline et désemparée par la catastrophe François Hollande. Gauche qu’il regarde goguenard essayer de le transformer en tête de Turc. Il serait fastidieux de dresser la liste de ces provocations, ou de revenir sur la « loi Macron » dont beaucoup disent qu’elle n’est qu’un décalque du « consensus de Washington ». On soulignera simplement que lui aussi est allé se faire adouber à Davos.
Le vrai Macron révélé
Je vais simplement relever quatre séquences qui établissent pour moi la réalité du personnage :
- Il y a d’abord le sourire de Jean-Pierre Jouyet, son parrain, prononçant son nom de nouveau ministre de l’Economie sur le perron de l’Élysée. Jouyet, incarnation concentrée de la caste, jubilant du bon tour joué aux Français.
- Il y a ensuite le « dérapage » à propos des ouvrières de l’entreprise Gad. Pour sa première interview radio sur Europe 1, parlant d’un dossier suivi par son ministère, il proféra la phrase suivante : « Dans mes dossiers, il y a la société Gad : il y a dans cet abattoir une majorité de femmes, il y en a qui sont pour beaucoup illettrées ! » Aucune méchanceté, aucun mépris dans cette phrase, juste une inconscience meurtrière. Monsieur Macron, même si cet illettrisme est réel et constitue une difficulté supplémentaire pour reclasser ces ouvrières promises au chômage, on n’a pas le droit de faire état publiquement de ce qui est toujours vécu comme une humiliation. La langue et l’écriture sont un terrible marqueur social, et si l’on peut encore être fier d’être ouvrier, on a toujours honte d’être illettré. Si vous aviez un minimum d’expérience, et de sensibilité sociales, vous auriez évité, en vous disqualifiant, de faire blêmir ces femmes déjà dans la détresse. Vos excuses postérieures n’y changeront rien.
- Devant Jean-Claude Bourdin sur BFM ensuite, nous avons eu cette petite leçon adressée aux chômeurs, ces paresseux, ces assistés : « Si j’étais au chômage, je n’attendrai pas tout des autres ». Pouvait-il faire preuve de plus de morgue, sachant qu’il ne sera jamais au chômage ? Emmanuel Macron, avec son diplôme de l’ENA, a son passeport pour une tranquillité confortable, voire très confortable, toute sa vie. Les alternances politiques ne lui poseront aucun problème, et avec quelques allers-retours public-privé dont il a déjà eu la pratique, il pourra même, marchant sur les traces de ses prédécesseurs Naouri et Pigasse, amasser une jolie fortune.
- Plus récemment, notre récidiviste a remis le couvert : « La vie d’un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d’un salarié. Il ne faut jamais l’oublier. Il peut tout perdre, lui, et il a moins de garanties ». Parce que le salarié, ne peut pas tout perdre lui ? Parmi ceux de Goodyear, foutus à la porte parfois après trente ans de maison, il y en a quatorze qui ont vraiment tout perdu. Jusqu’à leur vie, suicidés, morts de désespoir. Qui peut contester que la vie d’un petit patron peut être très dure, difficile et risquée, mais elle a le premier mérite d’être un choix, et le second de permettre de commander. Pour avoir fait les deux, je sais ce que cela veut dire. Mais Monsieur Macron qui n’a fait ni l’un ni l’autre, n’hésite pas à comparer ce qui n’est pas comparable. Il se prétend philosophe, alors on ne saurait trop lui conseiller de jeter un coup d’œil sur les écrits d’un autre philosophe, allemand, barbu et d’un certain calibre celui-là. Il y apprendrait, que si chef d’entreprise est un métier, le salariat c’est un rapport. Un rapport de production dans lequel, le salarié vend sa force de travail qui devient une marchandise, le travail salarié étant alors une dépossession et une aliénation. Qui peut être confortable, pour certains protégés, mais pour le plus grand nombre, surtout aujourd’hui, terriblement difficile.
Alors, ces quatre séquences, caractérisent pour moi, l’infirmité qui frappe Emmanuel Macron, nouvel emblème que nous sert complaisamment le mainstream pour essayer de sauver les meubles. L’absence totale chez lui de ce qu’Orwell repris par Michéa, appelle la « décence ordinaire ». Acculturation qui s’explique par la trajectoire déjà empruntée, et les ambitions affichées. Le service de l’oligarchie ne nécessite pas de s’intéresser au peuple.