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le pays réel - Page 18

  • Tout s'accélère, la France est désormais en danger de mort

     

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    C’est une mise en place de grande envergure à laquelle nous assistons.

    Face à un gouvernement de plus en plus statique et, par endroits, en cours de repli, la Grande Coalition des démolisseurs de la France consolide ses positions, dévoile en partie sa stratégie et surtout, continue à recruter de la troupe.

    Cela ressemble assez à « la drôle de guerre » de 1939, au cours de laquelle les militaires français, « observateurs » empêchés de prendre l’initiative par les politiques, furent contraints de suivre à la jumelle le mouvement allemand qui, un peu plus tard, devait les terrasser.

    Aujourd’hui, la bataille décisive n’est pas engagée. Mais à voir avec quel sinistre enthousiasme des milliers de jeunes de chez nous se rallient à ceux qui s’en débarrasseront le moment venu, on peut présager une reddition de leurs gouvernants en rase campagne, sous le simple prétexte de les épargner.

    L’émotion dont parlent les spectres qui nous livrent, ce brouet réservée au peuple, se nomme chez eux terreur. Seuls les vaincus désignés par l’Histoire éprouvent cela, avant tout le monde.

    Nous allons perdre cette guerre, sauf sursaut des forces encore capables, tout de suite, de la prévenir et, très vite, de s’y engager pour y mettre fin. Ces forces ne sont en aucune manière civiles. Pouvoir et société de la France sont tétanisés, fixés au sol par la menace.

    Ces forces-là, qui remettraient en ordre les choses assez prestement, sont aujourd’hui soit muettes, soit en complet désarroi. L’affaire s’engage plutôt mal.

    Il faut pourtant espérer, et continuer à mobiliser les âmes à défaut des bras. Tout ce qui se passe en ce moment a été prédit, décrit, pièce par pièce, au détail près, ici-même et dans quelques endroits trop rares de lucidité citoyenne et patriotique. Treize années de mises en garde, d’alertes, de tocsin sonné, suivant trois décennies d’un constat de plus en plus alarmant fait par les uns et par les autres, aboutissent à l’amertume encolérée d’avoir eu raison depuis le début.

    Tout s’accélère. La France est désormais en danger de mort.

  • Michel Maffesoli : la fracture entre le peuple et les élites est de plus en plus visible

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    Le sociologue Michel Maffesoli a accordé un entretien très pédagogique au site Atlantico. Il insiste avec raison sur les cafouillages et les incohérences de la politique gouvernementale. Les propos délirants entendus actuellement sur les médias imposent de se recentrer sur des analyses saines et empiriques. Cet entretien nous en donne l'occasion.

    Avec des expressions de simple bon sens : " Très clairement la société française explose plus que d’autres encore parce qu’elle a, dès la Révolution française, voulu ignorer les solidarités de proximité, les communautés locales, territoriales, les regroupements divers, qualifiés de communautaristse ou corporatistes".

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    Après de nombreuses péripéties, la garde des Sceaux Nicole Belloubet ne recevra finalement pas la famille Traoré au sein du ministère de la Justice, suite au refus de cette dernière au nom de la séparation des pouvoirs. Comment un tel cafouillage a-t-il pu se produire ? Est-il symptomatique de la déliquescence de notre État de droit ?

    Michel Maffesoli : On pourrait en préliminaire constater que le confinement ordonné par le gouvernement a peut-être été la manière dont il a, pour un moment, « calmé » la rue, et cru reprendre le pouvoir.

    Ce confinement succédait en effet aux manifestations des gilets jaunes suivies de celles contestant la réforme des retraites. Ces deux « crises » ont été gérées de façon pour le moins chaotique : on a vu en même temps le maintien répressif de lordre, les manifestations de force militaire, l’exacerbation des violences, la surdité du pouvoir face aux réactions des populations à des mesures technocratiques qui les blessaient directement dans leur quotidien, puis la mise en scène grandiloquente du débat « avec la base » suivie dune avalanche de cadeaux fiscaux et sociaux.

    S’agissant de la réforme des retraites, réforme à prétention simplificatrice et universaliste, les contestations traduisaient essentiellement le fossé existant entre cette prétention technocratique aussi lisse et sans âme qu’un devoir de Sciences-Po et la réalité concrète et symbolique que représente la retraite dans une société très fractionnée. La difficulté qui ne tient pas au gouvernement actuel mais qui est un témoignage du passage de l’idéal universaliste démocratique à ce que j’ai nommé l’idéal communautaire se lisait dans cette tentative désespérée de réaliser enfin le projet d’une protection sociale généralisée, universelle, obligatoire.

    Ceci dit, peu importe le fond, le prétexte, l’heure est aux soulèvements. Ainsi que je l’ai écrit dans de nombreux ouvrages, la fracture entre le peuple et les élites est de plus en plus visible. Elle n’est absolument pas une « lutte des classes », une sorte de révolution visant à remplacer les têtes par d’autres, telle la Révolution française et ses nombreux remake marxistes sanglants et totalitaires. Il n’y a pas dans les soulèvements actuels de projet, de programme, pas même de leaders.

    Il y a tout juste la manifestation de cette secessio plebis qui montre que le peuple ne se sent plus représenté par ses élites, une volonté de dégagisme sans véritable solution de remplacement.

    D’une certaine manière l’épidémie a saisi tout le monde.  Ce virus inconnu, cette maladie aux formes bizarres, alliant labsence totale de symptômes à des « orages immunitaires », les formes bénignes aux formes létales a permis au chef de lEtat de mettre en place tous les attributs dun chef de guerre : état durgence, confinement, programmes spéciaux dans les médias, répétant en boucle et sur un ton on ne peut plus macabre des instructions destinées à enfin vider les rues !

    Le déconfinement nous remet dans le bain on ne peut plus violemment ! Et de manière on ne peut plus chaotique.

    Le cafouillage qui devient presque habituel entre les décisions de l’Élysée, celles des ministres, Intérieur et Justice, les jeux de déclarations à la presse est bien un signe de la déliquescence de notre Etat de droit. Décadence même qui dépasse bien sûr la seule actualité politique.

    Je dirais d’abord que le maintien de l’ordre et les nombreux débordements auxquels donnent lieu toutes les manifestations actuelles témoignent bien du fait qu’il n’y a plus d’autorité d’Etat. L’autorité n’est pas la répression, elle n’est pas le modelage des corps et des âmes, mais la capacité d’un Etat à permettre à tous de se réaliser dans un destin individuel et collectif. C’était le sens du contrat social. La loi ne devait restreindre les libertés de chacun que dans la mesure où leur expression portait atteinte aux libertés d’autrui.

    Mais nous ne sommes plus dans une société individualiste, dans laquelle s’opposaient de manière régulée les libertés individuelles et l’ordre collectif. Les manifestations des gilets jaunes comme celles qui prennent pour prétexte des violences racistes sont des expressions communautaires, c’est à dire la volonté de divers groupes réunis par des liens émotionnels, affectifs, d’être ensemble et de mettre en scène cet être ensemble. De telles manifestations peuvent être festives, violentes, pacifiques, bon enfant ou profondément manipulatrices et manipulées.

    Les manifestations des gilets jaunes ont été plutôt spontanées et festives, même si certains groupements étaient plus violents. La répression surdimensionnée et violente des forces de l’ordre a exacerbé leur côté violent et désespéré.

    Les manifestations actuelles qui prennent à la fois le prétexte des évènements états-uniens et celui de l’affaire « Traoré » sont plus politiques, largement orchestrées par diverses personnalités gauchistes, mais tout aussi incohérentes du point de vue politique, mêlant les réactions des petits gangs de banlieue aux mises en scènes « révolutionnaires » de quelques intellectuels en mal de frissons.

    Ce qui est curieux, c’est que la réaction du pouvoir est mimétiquement aussi incohérente.

    Incohérence dès le départ dans le traitement de cette bavure policière. Qui est plus qu’une bavure puisqu’il y a mort d’homme. Plus de dix expertises contradictoires démontrent bien qu’on ne peut plus rendre justice au nom de la science. Le fait que des forces de l’ordre dans les interpellations ne sachent pas doser la force pour contraindre sans tuer témoigne d’un véritable affaiblissement de l’autorité. On sait bien que l’autorité dégénère en autoritarisme voire en violence quand ceux qui l’exercent ne se sentent plus soutenus et sûrs de leur droit à l’exercer. Quand le pouvoir n’est plus légitimé par la puissance populaire.

    Ce qu’on ne dit pas assez c’est qu’il y a une profonde proximité entre les policiers de base et la plupart des manifestants et que dès lors ne se sentant pas légitimes à empêcher la manifestation ou à la contenir, les forces de l’ordre usent d’une violence qui les dépasse eux-mêmes.

    La déliquescence de notre Etat de droit est donc tout simplement le fait qu’il ne correspond plus aux mœurs, que les règles qui fondent notre vivre ensemble ne sont plus ressenties comme légitimes par le peuple qu’il s’agisse de l’ensemble de la population ou des personnes chargées d’appliquer la politique gouvernementale : les policiers mais aussi les soignants, les postiers…

    Nous changeons d’époque et les valeurs qui fondaient l’être ensemble ne fonctionnent plus, ne rassemblent plus. Elles sont coquille vide, pure incantation. Notamment le triptyque liberté, égalité, fraternité. C’étaient des valeurs qui rassemblaient, un idéal commun ; cest devenu un objet de revendication, un sujet de contestation.

    Pourtant, dans ces manifestations, en tout cas celles des gilets jaunes et d’une certaine manière celles qui contestaient la réforme des retraites, il y avait en germe des élans de solidarité, une volonté de construire un être ensemble plus respectueux, un mode collaboratif, une expression des émotions collectives ritualisée qui témoignent de valeurs émergentes largement partagées.

    On les retrouve moins dans les manifestations Traoré qui donnent plutôt à voir une espèce de mise en scène partagée entre le pouvoir et ses contestataires. Curieusement ce type de manifestation appartient plus que les mouvements de l’année précédente au passé : elle vise quasiment une prise de pouvoir politique plus qu’elle ne manifeste un être ensemble concret et impliqué.

    En ce sens le pouvoir est pris à son propre jeu et les réactions émotionnelles sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont en quelque sorte artificielles, surjouées. Par les deux parties, le gouvernement et les manifestants, la famille Traoré dans le rôle de la famille « maffieuse » s’appuyant sur divers militants en mal de cause à défendre.

    Nos institutions portent-elles une responsabilité dans la gestion chaotique des problématiques sociales actuelles ?

    Michel Maffesoli : « Le droit suit les mœurs », nous disait déjà Emile Durkheim. Nos institutions, cest-à-dire vite, la démocratie représentative, la République Une et Indivisible, la centralisation et l’universalisme sont issues de l’imaginaire de la modernité. Elles ont été adaptées à cette époque où les valeurs prédominantes étaient l’individualisme, une organisation sociale fondée sur les stratifications liées au statut socio-économique et où l’égalité de droits tenait lieu de ciment social.

    Très clairement la société française explose plus que d’autres encore parce qu’elle a, dès la Révolution française, voulu ignorer les solidarités de proximité, les communautés locales, territoriales, les regroupements divers, qualifiés de communautaristse ou corporatistes.

    Or, et je l’ai écrit dès 1988 (Le temps des tribus, le déclin de l’individualisme dans les sociétés de masse), cet idéal démocratique est saturé. Le peuple ne se sent plus représenté par ses élites. Qui s’accrochent à leur pouvoir et à leurs privilèges. Le mouvement des gilets jaunes a été symptomatique de cette évolution. Et plus encore la profonde adhésion qu’il a rencontrée dans toute la population.

    Il s’agit de trouver collectivement de nouvelles manières de faire vivre ensemble les différentes composantes de la société : non plus une république une et indivisible, mais une « res publica » en mosaïque.

    Ce qui me frappe dans l’affaire Traoré c’est qu’elle se déroule je dirais sur le mode ancien, politiste, contestataire. En témoigne la réponse « juridique » de la famille Traoré faisant la leçon au gouvernement sur la séparation des pouvoirs.

    Le gouvernement cherche-t-il à diviser pour régner, à faire s’affronter les différentes « tribus », Traoré, gilets jaunes, etc. pour mieux les discréditer ? Les réactions sur les réseaux sociaux confortent cette hypothèse : tribu contre tribu. Pourquoi laisse-t-on manifester les Noirs et a-t-on tant réprimé les Gilets jaunes ?

    Ce serait une tactique très dangereuse, aussi risquée que l’usage démesurée des armes par les forces de l’ordre pour maintenir la tranquillité dans l’espace public.

    Car nous sommes entrés dans une époque où les réactions émotionnelles, les communions collectives prennent le pas sur les comportements rationnels. Si l’on ne sait pas intégrer la composante émotionnelle dans les échanges, si l’on se contente de balancer entre parfois un technocratisme rationaliste et d’autres fois une émotionnalité mièvre, les digues vont céder. C’est cela la déliquescence de l’état de droit.

    Permettre le vivre ensemble de tous, de toutes les communautés ne passe pas par le déni du « tribalisme postmoderne », mais par son acceptation. Le monde moderne, dans lequel le seul affrontement était entre ceux qui croyaient en Dieu et ceux qui n’y croyaient pas n’est plus. Il nous faut gérer le polythéisme des valeurs. Pour le meilleur et pour le pire.

    Le pire c’est l’affirmation tribale criminelle et délinquante face à une autorité qui masque ses défaillances par une violence non maitrisée.

    Le meilleur ce sont les mouvements quotidiens, plus ou moins médiatisés, de solidarité, d’entraide et de respect mutuel.

    Diviser pour régner est face à l’époque dans laquelle nous entrons la stratégie la pire.

    Michel Maffesoli vient de publier "La Nostalgie du sacré", aux éditions du Cerf

  • Livre - Notre sélection : "La compagnie des ombres"

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    Il y a des notions qui ne sauraient être exposées en quelques mots. Cet entretien, que certains estimeront un peu long devrait cependant être lu dans son intégralité par tous ceux qui ont une appétence particulière pour l'enseignement de l'histoire si malmené aujourd'hui et qui souhaitent sortir des impasses qu'une gauche idéologique referme sur la voie d'une réflexion salutaire.

    Directeur de la rédaction du Figaro Histoire, Michel de Jaeghere a publié en 2016 La Compagnie des ombres. À quoi sert l’histoire ? (Les Belles Lettres). Il a bien voulu accorder au Rouge & le Noir un entretien fleuve dans lequel il revient longuement sur l’utilité de l’Histoire et fait le point sur la légitimité du « roman national », ses limites et sa différence avec la recherche historique.

     

    R&N : Le travail des historiens a évolué vers une recherche de plus en plus rigoureuse et spécialisée. Cela a-t-il modifié notre propre rapport à l’Histoire ?

    2869.1485439310.jpgMichel De Jaeghere : L’évolution de l’Histoire vers une plus grande rigueur scientifique est, en soi, un progrès. Le problème est qu’elle a débouché sur une spécialisation qui paralyse quelque peu les chercheurs lorsqu’il s’agit de transmettre leurs connaissances au public. De passer de la recherche au récit. Ceux-ci répugnent désormais à sortir de leur sphère, de leur spécialité la plus étroite. Ils ont parfois tendance à considérer que leur savoir est tellement pointu qu’il en est devenu incommunicable. L’art de la synthèse a été parallèlement frappé d’un certain discrédit. Il apparait comme le propre de l’amateur, de l’historien du dimanche, considéré avec condescendance par des professionnels qui s’enorgueillissent du caractère technique qu’à donné à leur discipline leur maitrise des sciences auxiliaires. Jacques Bainville avait pu publier, entre deux-guerres une Histoire de France qui est restée une référence jusque dans les années 50 (c’était l’Histoire de France en livre de poche !). Sa démarche n’était pas celle d’un chercheur, d’un chartiste, mais il y développait des vues fulgurantes de clarté et de lucidité. C’est, aujourd’hui, un exercice déconsidéré (sauf quand il s’agit, comme l’Histoire mondiale de la France de Patrick Boucheron, d’une œuvre collective dont les auteurs sont de gauche, et qu’en outre, elle ne raconte justement pas l’Histoire de France), parce que l’on estime que personne n’est capable de cumuler les compétences nécessaires pour parler à la fois de Clovis, de Louis XVI et de la cinquième République. On conteste la légitimité d’un travail consistant à s’appuyer sur les travaux des chercheurs pour réaliser une synthèse qui ait un certain degré de généralité et permette de jeter sur l’Histoire un regard qui ne soit pas seulement le regard du spécialiste mais d’abord celui de l’honnête homme, qui essaie de tirer des leçons des évènements. Ce travail me parait pourtant nécessaire. C’est à lui que doit aboutir, in fine, l’Histoire, puisque son intérêt est de nous permettre d’aiguiser notre discernement, de nous aider à nous déterminer face aux incertitudes du présent. Ce travail est complémentaire de celui des chercheurs. Il y a quelque chose de vain à les opposer comme s’il s’agissait de deux démarches antagonistes.

    R&N : La ’légende’ ou l’ombre immense des grands personnages et événements du passé a-t-elle encore un rôle à jouer aujourd’hui ? Quel rôle donner au roman national dans l’enseignement de l’Histoire ?

    Michel De Jaeghere : L’enseignement de l’Histoire à l’école, au collège, au lycée pose des problèmes spécifiques. Il est évident que dans le travail des historiens, des chercheurs, de ceux qui étudient les sources, qui se livrent à leur recoupement, leur contextualisation, leur critique, pour tenter de reconstituer au plus près les évènements, la légende n’a pas sa place, si ce n’est comme objet d’étude. Il est normal et légitime que les historiens cherchent à distinguer les évènements de la trace, toujours déformée, qu’ils ont pu laisser dans la mémoire, de cerner la réalité des faits derrière les faux semblants de la légende. C’est même le coeur de leur mission. Il est tout aussi évident que l’on ne peut pas, à l’école primaire, faire découvrir notre passé aux enfants en les faisant accéder aux recherches les plus spécialisées, qui aboutissent souvent à des remises en question de vérités que ces enfants ne connaissent pas encore. C’est dans le cadre de ce premier accès au passé, de cette première initiation à l’Histoire que ce que Pierre Nora a appelé le « roman national » a été conçu par Ernest Lavisse aux lendemains de la défaite de 1870. Il s’agissait dans l’esprit de « l’instituteur national » de donner aux jeunes Français l’amour de la France, en leur présentant une histoire quelque peu téléologique, qui semblait faire de la France républicaine et de l’unité française l’aboutissement de toute notre Histoire. Ce « roman national » était, aux yeux de l’Histoire scientifique, un miroir déformant. Mais il n’en avait pas moins sa vertu puisqu’il permettait aux enfants de comprendre qui ils étaient, quel était leur passé, qui étaient leurs ancêtres, quels devoirs leur imposait l’héritage dont ils étaient les dépositaires. Pour autant, il n’avait pas vocation à être toute l’Histoire. Il ne s’agissait que d’un moment pédagogique appelé à être dépassé. Il y a un âge pour lequel la légende peut apporter un accompagnement qui parle à la sensibilité en entourant l’Histoire d’un merveilleux qui aidera à prendre conscience de la richesse et de la beauté du passé. Puis, il y a un âge pour dépasser la légende, répudier le merveilleux, et accéder, autant que possible, au réel, sans perdre de vue qu’il ne s’agit jamais que d’un état provisoire de nos connaissances, appelé lui-même à être affiné, complété ou remis en question. J’ignore à la vérité si Bayard a toujours été sans peur et sans reproche et je suis sûr qu’aucune fleur ne parsemait la barbe de Charlemagne qui, autant qu’on le sache, ne portait que la moustache. Je sais aussi que l’évolution des techniques de l’agriculture, l’apparition d’un nouveau type de soc de charrue, ont pu avoir une plus grande influence sur la vie des hommes que les exploits, vrais ou faux, de quelques-uns de nos grands hommes. Mais croit-on qu’on aura beaucoup progressé quand après avoir déconstruit tous nos mythes fondateurs, on aura rendu l’histoire aussi attrayante aux jeunes enfants que le mode d’emploi d’un motoculteur ou un tableau de statistiques sur les variations du climat ? En réduisant l’histoire des hommes à un jeu de phénomènes gouvernés par un froid matérialisme, on sera passé, en outre, à coté de vérités qui ne s’y réduisent pas.

    Prenons un exemple, dont je parle dans un chapitre de la Compagnie des ombres : le baptême de Clovis. Il s’agit d’un thème central de la mémoire catholique et nationale de la France. Le baptême de Clovis est à ses yeux l’événement fondateur de la France chrétienne. Il est tout à fait vrai que son histoire a été enrichie au fil des siècles de nombre de détails légendaires (Laurent Theis les a savamment décryptés dans son excellent Clovis). C’est à Reims, sous le règne de Louis Le Pieux qu’ont été ajoutés des épisodes comme celui de la sainte ampoule apportée par le Saint-Esprit sous la forme d’une colombe pour faire de ce baptême une sorte de sacre, alors même que le sacre n’existait pas encore du temps du roi mérovingien, mais parce que l’on souhaitait, justement, donner un illustre précédent à celui des rois Francs, par quoi Pépin le Bref et ses descendants avaient suppléé à leur absence de légitimité dynastique, sanctifié leur récent coup de force. Lorsqu’on examine le baptême de Clovis avec le regard d’un historien (ce que je m’efforce de faire dans ce chapitre de mon livre), on s’aperçoit cependant que les détails surajoutés ont certes été inventés, mais qu’ils correspondent, en même temps, à une vérité profonde dans la mesure où ils sont venus souligner le caractère fondateur de ce baptême pour la France chrétienne. Contrairement à ce qu’ont cru des générations de petits écoliers, la France n’est pas devenue chrétienne par le baptême de Clovis puisque la Gaule avait été christianisée sous l’empire romain et que lorsque Clovis a été baptisé, celle-ci était déjà très majoritairement chrétienne (notamment depuis la prédication de Saint Martin au IVe siècle). La France n’existait pas alors, au surplus, comme telle ; la Gaule serait, au cours des siècles suivants démembrée entre des royaumes concurrents, et il faudrait attendre au moins sept cents ans (si l’on prend comme point de référence le règne de Philippe Auguste et Bouvines) ou près d’un millénaire (si l’on préfère attendre l’épopée de Jeanne d’Arc) avant que sa population prenne conscience de former une seule nation. Il n’en reste pas moins vrai que ce baptême a marqué ce moment où, au contraire des autres peuplades barbares, qui avaient adopté l’hérésie arienne, les Francs, peuple païen, choisirent avec Clovis, sous l’influence de l’épiscopat (lui-même issu de l’aristocratie gallo-romaine tardive, avec des personnalités telles que Saint Rémi, Sidoine Apollinaire, Avit de Vienne) la foi catholique, qui était la foi des élites sociales et culturelles en même temps que celle de l’immense majorité de la population. Et que ce choix eut pour l’avenir une influence considérable puisque d’une part, il consacra l’alliance des Francs avec l’Église, avec un épiscopat formé de lettrés qui assureraient, autant qu’ils le pourraient, la transmission de la civilisation gréco-latine dans les ténèbres des siècles obscurs ; que, d’autre part, il procura aux Francs des appuis qui leur permirent de rassembler sous leur autorité tous les peuples de la Gaule (c’est l’alliance des Mérovingiens avec l’Église qui légitima ainsi la guerre de conquête du royaume wisigoth arien, qui dominait au sud de la Loire, en faisant de cette guerre une guerre de libération pour des populations qui avaient souvent été opprimées dans leur foi par les rois barbares) ; qu’enfin et peut-être surtout, le catholicisme qui leur serait désormais commun déboucherait sur des mariages mixtes entre gallo-romains et Francs et assurerait, par-là, la fusion de la population en un seul peuple, qui se considèrerait tout uniment comme Franc, alors même que les guerriers d’origine germanique n’en représentaient probablement pas plus de 10 % . C’est la raison pour laquelle on peut véritablement dire, avec le regard de l’historien, que le baptême de Clovis marque bien la naissance de la France chrétienne, quand même il fallut attendre longs siècles pour qu’il développe toutes ses conséquences. Racontée dans toute sa complexité, cette histoire serait inassimilable par de jeunes enfants. Écartée au profit d’une dissertation sur la condition paysanne, qui était après tout celle de 90 % de la population, elle laisserait dans l’ombre une dimension essentielle de la destinée du peuple français. Le roman national en faisait, en revanche, connaître les grandes lignes, assimiler la signification d’ensemble. Il n’interdisait nullement, plus tard, de déconstruire les éléments surajoutés par la légende.

    R&N : Parler de « roman national » n’est-il pas en réalité devenu dépréciatif, particulièrement dans la bouche de certains journalistes ou hommes politiques, dans ce sens ou cela sous-entendrait qu’il est finalement une invention, une fiction du passé, que l’on peut sélectionner ou réécrire au gré des idéologies ?

    Michel De Jaeghere : Il y a effectivement un risque puisque dans “roman”, il y a mention d’un genre littéraire qui repose sur l’invention. Et il est bien vrai qu’il y avait dans l’histoire conçue par Ernest Lavisse une part de reformatage du passé sous la forme d’un grand roman historique. Mais si le roman a ses limites, il a aussi sa vérité. D’une certaine manière, le cardinal de Richelieu des Trois mousquetaires a une existence autonome, qui dans nos esprits de Français est probablement plus prégnante que le Richelieu de l’Histoire, dans la mesure où il fait partie de l’imaginaire national. La littérature est porteuse de certaines vérités que l’histoire scientifique n’est peut-être pas capable de nous transmettre. Encore une fois, le « roman national » prenait certes des libertés avec la vérité comptable, mais il lui arrivait aussi d’exprimer des réalités essentielles. On peut certes raconter l’épopée de Jeanne d’Arc en écrivant un traité sur la condition paysanne, la religiosité populaire, les techniques de siège et les procédures judiciaires de l’Inquisition, plutôt qu’en lisant l’Alouette. Il est probable qu’on passera à côté de certaines dimensions de l’évènement.

    La question se pose maintenant de savoir s’il faut continuer à utiliser ce concept, s’il faut le défendre, dans la mesure où les intellectuels de gauche sont parvenus à le frapper de discrédit et où il est devenu sous leur plume une arme de guerre pour disqualifier finalement tout récit historique qui ferait quelque place à l’action des grands hommes, à la liberté humaine, à la dimension spirituelle de l’homme comme une fiction approximative, étrangère au véritable esprit scientifique : celui qui ne veut voir dans l’histoire que le jeu de forces matérielles, de facteurs économiques et, en définitive (même s’ils ne l’avouent pas ouvertement), un produit de la lutte des classes.

    R&N : N’est-ce pas le patriotisme qui est en réalité visé par cette critique du roman national ?

    Michel De Jaeghere : Il y a certes l’idée que l’école n’a pas à former, comme le souhaitait Lavisse, des patriotes prêts à faire s’il le faut le sacrifice de leur vie à leur patrie (la boucherie de 1914 a définitivement disqualifié cet idéal aux yeux des censeurs de tout nationalisme) mais bien plutôt des individualistes acquis à la philosophie des droits de l’Homme et au relativisme. Mais il faut reconnaitre que la gauche intellectuelle est parvenue, au-delà, à déconsidérer le terme même de roman national en faisant de lui un miroir inversé de ce qu’a pu être l’historiquement correct de Jean Sévillia. De même que Jean Sévillia a montré qu’une partie de l’historiographie de gauche (telle au moins qu’elle était reprise par la vulgate médiatique) était marquée par les préjugés de ses auteurs, qui les avait amenés à déformer l’histoire pour la faire correspondre à leurs présupposés idéologiques, les adversaires du roman national sont parvenus à accréditer l’idée qu’il incarnait au fond l’historiquement correct de droite. Or, aucun historien de droite n’a jamais prétendu en réalité que le « roman national » était le tout de l’Histoire. Le roman national a été un moment de l’histoire de la pédagogie française. Aucun historien contemporain (sauf peut-être des conteurs comme Lorant Deutsh ou des essayistes comme Dimitri Casali, mais leurs livres n’ont aucune prétention scientifique) ne se donne comme objectif d’écrire ou de participer à l’écriture du « roman national » (Pierre Nora s’est contenté d’en étudier, dans ses Lieux de mémoire, les thèmes constitutifs). En revanche nombre de personnes pensent que le roman national a sa légitimé à l’école primaire (pas à l’université, bien sûr) parce qu’il y a un moment dans le développement de la sensibilité où le merveilleux peut jouer un rôle positif.

    Parmi les catastrophes pédagogiques de ces dernières décennies, figure en bonne place l’idée que l’on peut, que l’on doit s’adresser aux élèves du primaire comme s’ils étaient à l’université. Je n’ai aucune objection à l’histoire thématique, à la longue période, à l’histoire économique et à celle des mentalités telles que les a réhabilitées l’école des Annales. Le récit chronologique n’est pas le dernier mot de l’Histoire. Mais il en est la base. Lorsque les élèves arrivent à l’université, la chronologie est sensée être acquise et peut dès lors être dépassée. Dans ce cadre, l’histoire thématique et l’histoire sociale répondent à des objectifs tout à fait légitimes pour la transmission et le progrès des connaissances. En revanche, au CP, au cours élémentaire, cette histoire thématique ou sociale est source de confusion parce que le cadre chronologique n’a pas encore été assimilé. Lorsque l’on dit cela, on est considéré non seulement comme un réactionnaire, mais comme un ignorant qui voudrait s’en tenir au récit chronologique en toute circonstance. Il s’agit là d’une caricature.

    R&N : Le Monde dénonçait récemment le retour de « l’histoire identitaire » comme « conception mémorielle et nationaliste de l’histoire ». Êtes-vous d’accord avec une telle analyse ? Cette vision de l’Histoire est-elle réellement « aujourd’hui majoritaire dans la plupart des médias » ?

    Michel De Jaeghere : J’ai lu ce prône, cette leçon d’histoire donnée par un historien dont j’ai oublié le nom et dont l’ampleur de l’œuvre ne m’avait pas jusqu’à ce jour écrasé et qui, sur une page entière du Monde, a expliqué à ses lecteurs, et à moi-même puisque j’étais cité comme l’un de ses représentants, à quel point cette histoire était condamnable.

    Toute histoire nationale n’est pas forcément nationaliste, mais s’agissant de mon livre, où je parle aussi bien de l’antiquité gréco-romaine, que de l’histoire juive, des Incas, de la guerre du Golfe, de la Chine, l’imputation me semble porter à faux. Au-delà, l’article pointait cependant chez les auteurs mis en cause (dont parmi d’autres Jean Sévillia) une conception “mémorielle” de l’histoire. L’accusation revenait à dire que les historiens qui étaient ainsi confraternellement dénoncés faisaient plus place à la mémoire qu’à l’histoire. Autant dire : à une relecture subjective qui choisit les faits pour réécrire l’histoire de manière qui soit conforme à ses préjugés. S’agissant de mon propre livre, je ne me sens pas non plus visé puisque je n’ai pas écrit un livre d’Histoire mais un livre de réflexion sur l’Histoire. Mais de manière plus générale, j’observe que cette personne s’est abstenue de donner, chez les auteurs qu’il met en cause, le moindre exemple permettant d’étayer sa dénonciation. Il me semble donc que du seul point de vue de la méthode, elle tombe elle-même sous le coup de sa propre critique.

    L’idée se répand, de fait, à gauche, qu’une histoire réactionnaire dominerait en France dans les médias : ce n’est pas le cas par exemple du Monde, le grand journal d’information du soir, le grand journal de référence, qui, que je sache, n’est pas entre les mains des historiens de droite puisque l’on n’y rend que très exceptionnellement compte des œuvres des historiens qui ne font pas partie de la chapelle, qui ne sont pas dans la ligne, même pour en dire du mal. Des auteurs qui ne sont pas particulièrement engagés politiquement, mais qui ont le tort de n’être pas à gauche, n’ont parfois jamais bénéficié de la moindre recension, même critique, dans Le Monde alors qu’ils ont écrit des livres par dizaines, obtenu une audience auprès du public, été consacrés à l’occasion par des prix. Ce sont des livres qui, aux yeux du Monde, n’existent pas. Nous sommes en présence d’un petit monde qui vit en circuit fermé et, aux yeux duquel, comme chez Molière, « nul n’aura de l’esprit hors nous et nos amis », les autres n’existent pas — ou en tout cas, ils ne devraient pas exister. Or avec cet article, nous sommes devant le spectacle intéressant d’une gauche qui se rend compte qu’en dépit du blackout qu’elle a elle-même organisé sur l’œuvre de ceux qu’elle considère comme des adversaires, cette œuvre a tout de même un certain impact, une certaine résonance dans le grand public parce qu’elle est intéressante et agréable à lire, parce qu’elle propose — quelle horreur ! — des histoires, des personnages, des récits. On comprend que la gauche s’en indigne. Elle n’en traite pas comme d’une œuvre à critiquer, mais comme d’un phénomène (détail significatif : aucune indication ne donne, à la fin de cet article, comme c’est l’usage, les références des livres critiqués : ils ne sont cités que comme objet d’étude, comme symptômes d’une dérive inquiétante et l’on n’imagine pas, au Monde, qu’un lecteur du journal pourrait avoir l’idée saugrenue de les lire ou seulement de les consulter !) Cet article est en quelque sorte un aveu de reconnaissance de la fin de la toute puissance de l’hégémonie intellectuelle de la gauche sur l’Histoire. Elle y dénonce une hégémonie imaginaire parce qu’elle constate, avec effarement, la fin de la sienne.

    R&N : Loin de vous arrêter à l’Histoire de France, votre ouvrage remonte justement jusqu’à l’Égypte ancienne et s’étend sur d’autres continents. Ces histoires si lointaines dans le temps et dans l’espace ont donc quelque chose à nous apprendre ?

    Michel De Jaeghere : Je n’ai pas écrit un manuel d’histoire à destination des enfants des écoles, mais un livre assez personnel où nombre de chapitres très intéressants de l’histoire ne figurent pas. J’y ai évoqué des épisodes qui m’ont personnellement marqué ; qui m’ont permis de développer ma réflexion, ma sensibilité et que j’ai souhaité donner en exemple pour montrer ce que peut nous apprendre l’histoire. Je n’ai pas voulu écrire un livre théorique sur l’utilité de l’histoire ; j’ai voulu en faire la démonstration concrète. Ce n’est ni le programme que je propose pour l’école primaire ou secondaire, ni une histoire universelle, c’est une sélection, un florilège d’épisodes de l’histoire qui ont nourri ma vie et dont je propose à mes lecteurs de partager la méditation.

    J’ai essayé de réhabiliter dans ce livre une disposition d’esprit que je crois en recul voire en voie de disparition : je voulais renouer avec l’idée, qui nous vient de Cicéron, que l’histoire est maîtresse de vie : que son objet n’est pas de nous faire accumuler des connaissances inutiles mais de mettre à notre disposition un certain nombre de faits, d’évènements, de personnages qui puissent nous servir d’exemples et de modèles, desquels nous puissions tirer des leçons qui nous soient utiles parce que nous partageons avec eux la condition humaine, parce qu’il y a entre eux et nous quelque chose de commun qui nous rend leurs expériences précieuses ; que c’est l’intérêt même de la discipline à laquelle les hasards de la vie m’ont fait consacrer l’essentiel de mon temps.

    J’ai eu le sentiment, peut-être de façon exagérée, que la spécialisation dont nous parlions il y a quelques instants a débouché du côté de la recherche, du côté des universitaires, sur une histoire de plus en plus précise, de plus en plus fine mais de plus en plus limitée dans son champ de vision. Qu’au fur et à mesure que les spécialistes accumulaient avec de plus en plus de précision des connaissances dans des domaines de plus en plus étroits, partiels, ils devenaient de plus en plus méfiants envers toute idée de généralisation, toute analogie, toute leçon à tirer d’une histoire connue dans ses détails mais dont l’économie d’ensemble leur semblait désormais trop complexe pour devenir matière à réflexion. Il s’agit là d’un phénomène naturel. Lorsque vous regardez une foule de loin, vous voyez des silhouettes, des personnes qui se ressemblent par leur aspect et leur comportement. Si vous examinez au contraire une infime partie du corps de chacun d’entre eux au microscope, vous allez vous rendre compte de la multitude de leurs différences, vous aurez le sentiment que ces individus ont peu de choses en commun. Il me semble que nous assistons en Histoire à un phénomène de cet ordre. La spécialisation a débouché sur un profond scepticisme de nombre d’historiens à l’idée que l’histoire puisse nous être utile parce qu’elle serait porteuse de vérités éternelles. Ils se sont peu à peu, je le crains, convaincus que les hommes du passé tels qu’ils étaient parvenus à les reconstituer (avec, encore une fois, une précision dont je ne méconnais pas les mérites) nous étaient tellement étrangers, qu’ils étaient tellement différents par les mœurs, par les coutumes, par les pensées, par le mode de vie, qu’il était vain d’essayer de faire entre eux et nous le moindre lien ; de se demander si leurs expériences pouvaient être une nourriture pour nos âmes, si leur modèle pouvait nous servir d’exemple, si la réflexion sur leurs malheurs pouvait nous tenir lieu d’avertissement.

    Nous nous retrouvons donc avec ce paradoxe d’une histoire qui est de plus en plus précise, de plus en plus scientifique, mais qui s’est proclamée elle-même inutile, qui nous dit qu’elle n’a aucune leçon à nous donner. Mais alors pourquoi la pratique-t-on ? Serait-elle vouée à n’être qu’un pur divertissement, une distraction ? S’il ne s’agit que de nous distraire, la technique moderne nous en offre de nombreuses autres occasions, beaucoup plus accessibles, plus faciles, plus spectaculaires. Il me semble donc que ces très estimables savants sont en train de scier avec beaucoup de méthode la branche sur laquelle ils sont assis, d’assassiner leur propre discipline. Ils continuent à la pratiquer en mettant au jour des connaissances de plus en plus précises, de plus en plus fouillées et en proclamant que ces connaissances ne doivent en aucun cas être utiles. Qu’elles ne servent à rien. Certains affectent en outre d’écrire dans un sabir de plus en plus incompréhensible avec un souci de moins en moins évident de diffuser leurs connaissances. C’est un phénomène d’auto-admiration, un monde où l’on écrit pour ses pairs, pour leur faire part de la découverte d’une nouvelle donnée qui remet en question ce que l’on croyait à la génération précédente (idéalement : ce qu’on croyait sur la foi des recherche d’un maître appartenant à une chapelle universitaire concurrente, sur laquelle on prend ainsi une revanche). Tel est certes l’un des objectifs de l’Histoire, celui du chercheur : remettre en question ce qui était cru auparavant par la découverte de nouveaux documents, l’analyse plus fine ou plus serrée des sources. C’est évidemment nécessaire, mais ce n’est qu’un moyen ou une technique. Le but de l’histoire n’est pas l’accumulation de connaissances inutiles, son but est d’offrir ces connaissances à la méditation de nos contemporains. Quelle est l’utilité de la mémoire individuelle ? De nous faire bénéficier de notre propre expérience, et d’en enrichir notre esprit pour guider nos comportements. Pourquoi l’enfant ne met-il plus la main dans le feu ? Parce qu’un jour, il s’est brûlé et qu’il a le souvenir que c’était douloureux. Il en va de même pour l’histoire, qui est l’expérience des peuples. Sans doute est-elle pour une part, toujours différente du présent. Mais il y a aussi en elle des permanences qui sont sources d’enseignement. De la même façon que l’expérience des individus est la source de leurs jugements moraux dans la suite de leur existence, de même, l’Histoire est-elle pour les peuples une école de discernement.

    R&N : Ce désintérêt pour les exempla ne vient-il pas aussi justement d’une sorte de refus de juger ; de juger par exemple la valeur des différentes civilisations ? Vous évoquez dans votre livre la conquête arabe comme le déferlement des “cavaliers de l’Apocalypse”, dénoncez l’incamania avec une vision assez noire des peuples d’Amérique du Sud avant leur évangélisation. N’êtes vous pas en train de faire ce qu’il est, pour la gauche, interdit de faire, c’est-à-dire de juger les civilisations ?

    Michel De Jaeghere : Mon livre, j’y insiste, n’est pas un livre d’Histoire, mais un livre de réflexion sur ce que l’Histoire a à nous dire. Parmi les leçons qu’elle nous donne, l’une d’elles est, à mes yeux, qu’il existe à l’évidence une hiérarchie entre les civilisations, dans la mesure où certaines contribuent, par leurs institutions, leur système éducatif, leur religion, leur modèle social ou économique, leurs arts, à aider l’homme à accomplir sa nature, à tendre au beau, au vrai au bien, tandis que d’autres les en éloignent en l’entraînant à la bestialité et à la violence. Je pense cependant qu’il faut, là-encore, distinguer deux temps dans la démarche historique. Il y a d’abord le temps de l’établissement des faits, où il est nécessaire d’étudier le passé avec la plus grande objectivité possible (sans perdre de vue cependant que celle-ci est sans doute un idéal inaccessible, et que le plus honnête et le plus sourcilleux des chercheurs restera marqué par une subjectivité qui se manifestera dans le choix et la hiérarchisation des données qu’il étudie). Une fois les faits établis (ou en tout cas approchés le mieux possible : comment parler de certitude en Histoire, s’agissant d’épisodes dont nous sommes séparés par des siècles, et dont nous n’avons que des témoignages partiaux, partiels, lacunaires, provenant de témoins qui n’avaient ni le même mode de vie, la même langue, les mêmes mœurs, les mêmes références, les mêmes idéaux que nous, quand nous ignorons souvent toute une part des vies de ceux que nous fréquentons quotidiennement, quand deux témoins d’un même évènement auront, deux jours plus tard, du mal à accorder leurs versions ? L’historien doit garder cela en permanence en tête pour rester modeste quant à la pertinence de ses conclusions) il y a second temps où rien n’interdit, à mes yeux, de poser un jugement moral sur les évènements. Si l’on exclut la possibilité d’un tel jugement (l’établissement d’une hiérarchie entre les civilisations, par exemple), encore une fois, à quoi sert l’histoire ? La neutralité est nécessaire dans l’établissement des faits. Mais elle n’est qu’un moyen, et, partant, un moment. Dans un procès, le juge d’instruction instruit normalement à charge et à décharge. C’est la démarche du chercheur. Mais vient ensuite la juridiction qui porte le jugement. Ce que j’ai souhaité faire, dans mon livre, c’est m’appuyer sur mes lectures, et donc, sur le travail des chercheurs qui ont écrit les livres que j’ai lus depuis environ quarante ans, pour passer à la deuxième phase, et donc porter des jugements. Ce que Jean Sévillia a très justement dénoncé comme l’« historiquement correct » consiste en fait à procéder à une inversion des phases : à commencer par rendre d’abord un jugement, pour ensuite instruire seulement à charge, ou au contraire à décharge, en cherchant à mettre en évidence les faits qui correspondent à un verdict rendu d’avance. Je refuse cependant l’idée que ces dérives ne puissent être combattues que par une histoire qui se contente de mettre les faits sur la table, et s’interdise, au nom d’une objectivité largement illusoire, de porter sur eux la moindre appréciation. J’ai voulu réhabiliter l’idée que l’histoire sert au contraire à nous aider à choisir entre l’utile et l’inutile, l’efficace et l’inefficace, le bien et le mal, le vrai et le faux, le beau et le laid. C’est par là qu’elle peut contribuer à notre accomplissement.

    R&N : Vous évoquez la propension occidentale à déprécier notre passé en contestant qu’elle procède, comme on le dit souvent, de la haine de soi. Vous donnez notamment en exemple l’incamania qui est désormais le fait, en Amérique latine, non seulement des Indiens mais des descendants des colons espagnols…

    Michel De Jaeghere : Il me semble en effet que tout ce qui nous est étranger est désormais susceptible d’être magnifié (voyez l’emblématique Musée des arts premiers), jusqu’aux sanguinaires civilisations précolombiennes, qui associaient à une tyrannie totalitaire une religion qui faisait en permanence couler le sang des captifs sur les autels. Tout ce qui nous vient de nos pères fait en revanche l’objet de criminalisation et finalement de repentance. On prétend effectivement souvent que ce réflexe relèverait chez les Occidentaux de la haine de soi. Or il suffit d’observer le comportement des élites qui sont, depuis la fin des années soixante, en situation d’hégémonie culturelle, pour voir qu’elles ne se haïssent nullement, qu’au contraire, elles s’adorent ; que leur idéal est un individualisme absolu, qui fait de l’accomplissement de leurs désirs, de l’accumulation des biens de consommation, de l’abolition de toute limite à leur soif de plaisirs immédiats, le but même de leur existence. Il y a en revanche chez elles une haine profonde de l’idée d’héritage, une haine de l’idée que l’homme soit (pour reprendre la belle expression de Jean Madiran) un « débiteur insolvable » de ceux qui l’ont précédé et qui lui ont remis en dépôt, avec la civilisation, un trésor qui ne lui appartient pas, mais qu’il lui revient d’enrichir et de transmettre. Cette conception des choses, qui fait de nous des sujets de devoirs (dont nos droits ne sont que les conséquences, les reflets) en même temps que les maillons d’une chaîne, les protagonistes d’une aventure qui nous dépasse, est tellement opposée à l’hédonisme contemporain qu’il lui est nécessaire pour la disqualifier, de discréditer tout ce qui nous vient de nos pères, en répétant ad nauseam que ceux dont nous sommes issus n’ont été qu’une collection de bandits, de criminels et d’incapables avec lesquels nous n’avons, heureusement, rien de commun.

    R&N : Pourquoi cette insistance particulière sur le thème du déclin (ou de la décadence) des civilisations, thème présent dans nombre de chapitres mais aussi dans votre ouvrage précédent : Les Derniers jours. La fin de l’Empire romain d’Occident (Belles Lettres) ? L’histoire nous indique-t-elle quels sont les invariants qui permettent à une civilisation de durer ?

    Michel De Jaeghere : Parce qu’il n’y a guère de question plus intéressante que celle de comprendre pourquoi, comment vivent, prospèrent et meurent les civilisations !

    Je n’ai étudié en détail qu’un seul cas : celui de l’empire romain d’Occident. Je n’ai donc pas compétence pour tirer une conclusion générale susceptible de s’appliquer à toutes les civilisations. Étant parti à la recherche des causes (comment une civilisation aussi éclatante que la civilisation gréco-romaine avait-elle pu s’effondrer brutalement ?), je suis arrivé à la conclusion qu’on pouvait dégager un ensemble de causes internes et de causes externes, mais qu’il était vain de tenter de réduire les faits à une cause unique : que nous étions bien plutôt en présence d’une dynamique mortifère où les causes s’étaient enchainées les unes aux autres dans un processus que j’ai tenté de mettre en évidence.

    Dans ce processus, l’un des facteurs qui m’a paru le plus frappant est le caractère irréaliste, pour une civilisation, d’avoir l’ambition de perdurer dans la prospérité au milieu d’une zone de chaos, de misère et d’anarchie. De telles situations ne se prolongent que tant que les populations vivant dans ces périphéries anarchiques sont peu nombreuses, lointaines, et qu’elles ignorent tout de la zone de civilisation. Lorsqu’elles en apprennent l’existence, ces populations sont naturellement amenées à tenter de venir partager le bien-être qui y règne. Elles sont invinciblement attirées par elles. Le malheur est qu’il arrive que le résultat soit qu’elles apportent avec elles le chaos et la barbarie qu’elles tentaient de fuir : qu’elles détruisent, par leur intrusion, cela même qu’elles étaient venu chercher, condamnant à la misère les pays qu’elles ont envahis, elles-mêmes, et jusqu’à ceux de leurs congénères qui ne les ont pas suivies dans leur migration, et qui cessent, du fait de l’effondrement de la civilisation dominante, de bénéficier des échanges qui faisaient pénétrer un peu de prospérité dans les périphéries. C’est ce qui s’est passé avec l’empire romain d’Occident, dont la chute a fait retourner certains peuples au niveau de vie qu’ils avaient connu pendant la préhistoire.

    L’histoire de Rome a tous les ingrédients d’une tragédie, parce que Rome a forgé elle-même les instruments de sa perte. C’était bien sûr une illusion de penser qu’elle pourrait exercer une domination universelle. Je ne suis pas mondialiste et je pense qu’un État doit être nécessairement limité pour continuer à correspondre à la mesure humaine, pour rester capable d’entretenir, entre ses citoyens, une certaine solidarité, pour permettre l’accord, au moins tacite, des gouvernants et des gouvernés. Il était donc nécessaire que Rome mette un jour un terme à l’expansion qui l’avait condamnée, semble-t-il, à mener une guerre de conquête perpétuelle. Pour autant, la décision d’arrêter, au IIe siècle, la conquête de l’immense forêt germanique pour jouir désormais sans contrepartie des avantages de la paix romaine, s’est révélée catastrophique à long terme (mais les Romains avaient-ils vraiment le choix ? Avaient-ils les moyens matériels et humains d’aller plus loin ? De coloniser le vaste Barbaricum pour y faire naître une civilisation urbaine ?), parce qu’elle a maintenu une zone d’anarchie à la périphérie de l’Empire. Rome a renoncé à coloniser la Germanie, et s’est contentée d’entretenir, avec ses tribus, des liens commerciaux et militaires, en faisant des échanges d’or contre des matières premières (les fourrures, l’ambre), et en engageant leurs guerriers comme mercenaires. Elle a substitué à la colonisation qui aurait fait des Germains des sujets et des partenaires, un jour des citoyens, une mondialisation qui leur faisait entrevoir la lumière de la civilisation sans être réchauffés par elle. C’était enclencher le fatal engrenage d’où ont procédé les grandes invasions, contre lesquelles l’Empire a dû mener, pendant près de trois siècles, une épuisante guerre défensive. Laisser le Barbaricum dans le chaos et la misère, tout en entretenant, avec lui des relations, en lui fournissant des subsides, c’était s’exposer en effet à ce que les plus entreprenants ou les plus agressifs de ses chefs se dotent des moyens nécessaires pour engager, le jour venu, contre Rome, l’offensive. « Les sociétés en dissolution, écrit Fustel de Coulanges, sont toujours un dangereux voisinage. Si faibles qu’elles soient, elles ont toujours la capacité de nuire. Incapables de rien fonder chez elle, elles peuvent détruire ce qui est à leur portée. Il n’est pas d’empire, si fortement constitué qu’il soit, qui puisse vivre en sûreté à côté d’elles. Entre civilisés et barbares, la lutte n’est pas égale. Les nations civilisées appliquent neuf dixièmes de leurs forces à la paix et au travail ; les barbares appliquent à la guerre tous leurs bras et toute leur âme. Il peut donc arriver que des sociétés très fortes soient matériellement vaincues par des sociétés très faibles. » (L’invasion germanique). Il est significatif que ce ne soit pas de la confrontation avec l’empire Parthe devenu l’empire Perse, le grand ennemi de Rome tout au long de l’histoire romaine, qu’ait procédé sa chute, mais de ces obscures tribus qui n’avaient d’autre consistance que celle qu’elles avaient reçue de Rome lorsque celle-ci avait aidé leurs chefs à constituer des bandes guerrières pour les utiliser comme auxiliaires. Si l’empire universel est une utopie, je pense cependant qu’une frontière ne peut être solidement tracée que devant le désert, ou devant une autre frontière, face à un autre État, une autre civilisation, un autre empire. Avec eux, on a toujours la possibilité de faire la guerre, mais aussi de négocier, de faire la paix, d’enregistrer des avancées ou des reculs. Face à l’anarchie, rien n’est possible : comme dans le Désert des Tartares, on a simplement une immense frontière à défendre, face à un ennemi qui peut venir de partout, n’importe quand ; avec lequel on ne peut pas négocier — parce qu’il n’y a chez lui ni chef stable, ni respect des traités, ni conscience claire des rapports de forces ; qu’on ne peut même pas vaincre définitivement, puisqu’il est toujours susceptible de renaître sous une autre forme.

    Gabriel Martinez-Gros montre, dans un livre publié à peu près en même temps que le mien, Brève Histoire des empires : Comment ils surgissent, comment ils s’effondrent (Seuil, 2014, 215 p.), qu’Ibn Kaldhun était arrivé à peu près à la même conclusion au XIVe siècle sans connaitre l’histoire de la fin de l’empire romain d’Occident. Il y était parvenu en étudiant les différents califats et principautés du monde musulman, et en mettant en évidence l’opposition entre nomades et sédentaires. Il montre que pour créer la prospérité et la paix chez les sédentaires, il avait fallu que l’État s’assure le monopole de la violence en désarmant ses sujets. Mais qu’en même temps, pour les défendre face aux menaces extérieures, il lui fallait constituer des armées. On les avait donc recrutées à la périphérie parmi les tribus nomades combatives et belliqueuses, à qui l’on avait confié la mission de garde-frontières. Mais il arrivait inévitablement un moment où ces tribus voulaient profiter de cette prospérité en faisant, contre les sédentaires, usage du monopole des armes qui leur avait été concédé imprudemment. Il y a un parallèle flagrant avec la fin de l’Empire romain, qui avait vu les empereurs du Ve siècle finir par confier aux barbares eux-mêmes leur défense.

    Un autre parallèle vient inévitablement à l’esprit, même s’il est, évidemment, imparfait et partiel (comme tout parallèle historique) : c’est celui que l’on peut tracer avec le grand ébranlement de peuples dont notre siècle est désormais le théâtre. La situation est très différente puisque d’un côté, l’invasion que subit l’Occident est, pour l’essentiel, pacifique, et que, d’un autre, elle met en jeu des foules infiniment plus grandes que du temps des invasions germaniques. Le parallèle tient à ceci que nous avons choisi, nous aussi, de jouir de la prospérité en choisissant de décoloniser l’Afrique. La colonisation souffrait de toutes sortes de tares et suscitait nombre d’injustices, mais elle était tout de même animée, in fine, par un idéal en même temps que par un calcul. Le calcul était celui d’obtenir, pour la puissance coloniale, un surcroît de richesse et de pouvoir. Mais l’idéal était en même temps de créer la prospérité par le courage et le sacrifice dans des pays restés à l’écart du développement. Or les Occidentaux se sont rendu compte que ce système leur coûtait en réalité très cher, et ils ont choisi le repli sur eux-mêmes, pour jouir dans la tranquillité et la bonne conscience de leur prospérité matérielle, en abandonnant les peuples sous-développés à l’anarchie. Ceux-ci se rappellent aujourd’hui à notre bon souvenir.

    Appréciations de la presse :

    La rigueur des faits s'allie à l'élégance de la formulation. La netteté de la pensée se conjugue avec le souci de la nuance. Cet ouvrage est un plaisir de lecture et un réconfort.
    Le Figaro magazine - 23/09/2016

    C'est dans ce grand livre que Michel De Jaeghere a fait courir sa plume. Une pointe fine, ferme et sensible, qui domine sa mélancolie par la grâce de quelques notes de musique, la force de l'admiration...c'est pour mieux poursuivre la méditation entamée dans son maître ouvrage : celle du temps qui passe, des pierres qui s'érodent, des hommes qui meurent et des enfants qui naissent. 
    Le Figaro Histoire - 01/10/2016

    Voici une Histoire méditative dont la lecture, agréable et aisée, s'avère aussi émouvante qu'enrichissante.
    Atlantico - 18/11/2016

    Passionnant (...) On retrouve la même étincelante intelligence, la même profondeur de vue... la qualité d'une plume où l'érudition et l'analyse se marient idéalement avec le souffle, l'ampleur et même l'émotion.
    Valeurs actuelles - 20/10/2016

    Tout à la fois revigorant et insolite (...). Il faut lire cet essai stimulant.
    Le Figaro littéraire - 27/10/2016

    Une étude magistrale consacrée a la fin de l'Empire romain d'Occident.
    la Nouvelle revue d'histoire - 30/01/2017

    En survolant quatre mille ans d'histoire de sa plume altière, Michel De Jaeghere n'a pas la prétention de nous livrer un abécédaire pour briller en ville, mais nous offre au contraire une leçon de modestie. Le vertige qui saisit à la lecture de ces pages est un vaccin contre l'ingratitude (...).
    Le Figaro - 20/10/2016

    Michel De Jaeghere par Mathieu Bock-Côté : un historien méditatif vu du Québec
    FigaroVox

    Michel De Jaeghere est directeur du Figaro Histoire. Il a publié aux Belles Lettres Le Menteur magnifique, Chateaubriand en Grèce, Les Derniers Jours, la fin de l’empire romain d’Occident et La Compagnie des Ombres, à quoi sert l’Histoire ?

  • Après deux ans de travaux, les fresques de la nef de Saint-Germain-des-Prés ont été dévoilées

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    Depuis plusieurs années, la paroisse Saint-Germain-des-Prés a les yeux rivés sur les voutes de son église. Après plusieurs mois d’un long chantier, elle vient d'inaugurer la restauration des peintures de la nef. Et le résultat est époustouflant ! Cette rénovation, qui correspond à une troisième tranche de travaux après celle du chœur et du transept, vient compléter un chantier qui avait commencé en 2015. L’intégralité des peintures de la nef a été dépoussiérée et décrassée, permettant aujourd’hui de s’imaginer la splendeur que l’église pouvait revêtir au XIXe siècle, époque où ont été réalisées les fresques. Celles-ci ont en effet été exécutées par Hippolyte Flandrin et Alexandre Denuelle entre 1842 et 1864.

    Fondée au VIe siècle, l’église de Saint-Germain-des-Prés est l’une des plus anciennes paroisses de la capitale. Très endommagée durant la Révolution française et tout au long du XIXe siècle, elle a failli être détruite avant d’être sauvée in extremis et restaurée par l’un des plus célèbres architectes de l’époque, Victor Baltard. C’est à cette même période que de nouveaux décors ont été commandés afin de donner un nouveau souffle à la paroisse.

    À l'heure où la France s'enfonce dans de dangereuses perspectives et où la Grande Coalition des démolisseurs  consolide ses positions, il nous a paru opportun de reposer un instant nos esprits dans la (re)découverte de nos chefs-d'œuvre

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    1- La nef autrefois encrassée, dévoile désormais une voute bleu vif constellée d’étoiles

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    2- A la croisée du transept, les quatre anges, Saints Michel, Raphaël et Uriel ont retrouvé leur éclat

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    3- Outre le plafond de la nef, toutes les peintures murales ont également été restaurées et ont ainsi retrouvé leur couleur d’origine

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    4- Sur chaque paroi du sanctuaire, Hippolyte Flandrin a peint une scène de la vie du Christ. Alexandre Denuelle a, quant à lui, réalisé les peintures purement décoratives

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    5- Ce tableau illustre l’épisode du buisson ardent relaté dans l’Ancien testament

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    6- A droite, on reconnait la Vierge Marie et les apôtres assistant à l’ascension du Christ

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    7- Un aperçu de la voute et des parois avant le chantier de restauration

  • Création du prix Michel Déon : hommage à un  très grand hussard parmi les hussards

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    Une convention signée entre François Jonquères et le secrétaire perpétuel de l’Académie française devait aboutir à une dotation. Cette dernière visait à la création du grand prix littéraire Michel Déon, tel que défini dans l’accord passé ce 1er octobre 2019.

     

    Un décret diffusé au Journal officiel ce 12 mai, indique que l’Académie française est désormais « autorisée à accepter, aux clauses et conditions décrites dans la convention », les fonds donnés par François Jonquères.

    En août dernier, Michel Déon avait reçu le prix littéraire des Hussards pour Une amitié vagabonde (Ed. de la Thébaïde). A cette occasion, François Jonquères avait signé un texte exprimant toute son admiration pour l’œuvre que l’écrivain avait laissée. 

    Michel Déon (4 août 1919 - 28 décembre 2016), avait assuré être « intéressé par les ultimes survivants d’un mode de vie condamné par la marche des siècles ». Et François Jonquères d’y voir là « bien un héros de nos tristes temps ». Et présentait Michel Déon comme « très grand hussard parmi les hussards. »

    Membre de l’Académie Française, son siège — le fauteuil F8 — avait été mis au vote à plusieurs reprises, avant que l’écrivain Daniel Rondeau ne finisse pas l’emporter, le 6 juin 2019.

    Michel Déon, décédé en Irlande, avait largement mobilisé les intellectuels qui signèrent en février 2018 une pétition pour que l’on octroie une sépulture à l’auteur. Son corps avait été rapatrié pour être incinéré, mais la famille tentait depuis d’obtenir une place au cimetière du Montparnasse. 

    À l’époque, Anne Hidalgo s’était abritée derrière le règlement, indiquant : « Nous avons cherché sans les trouver les moyens de rendre possible une dérogation qui au vu des textes et du petit nombre de places disponibles ne l’était pas. » Finalement, les règles avaient pu être contournées, devant la mobilisation du milieu littéraire — on comptait parmi la centaine de signataires Erik Orsenna, Amélie Nothomb, Delphine de Vigan, Yasmina Reza, Didier Decoin, Guillaume Musso, Michel Houellebecq, Eric-Emmanuel Schmitt ou encore Sempé, mais également Antoine Gallimard, Emmanuel Carrère ou Irène Frain.

    Un prix pour prosateur, libre d'esprit

    « Ce prix Michel Déon présente une originalité notable puisqu’il est transfrontalier, décerné une année en Irlande, par l’Académie royale irlandaise, et l’autre année, en France, par l’Académie française. L’originalité ne s’arrête pas là, car l’Irlande récompense un essai ou une œuvre non romanesque alors que la France a choisi d’honorer un roman », nous indique François Jonquères.

    Une dotation de 10.000 € est assurée par le gouvernement d’Irlande, tandis qu’en France, c’est lui qui fait don de la somme pour le lauréat – récompensé tous les deux ans, donc.

    La création du prix a été validée par sa fille, Alice Déon, et mise en oeuvre par plusieurs amis et fidèles. Il aura pour vocation « d’encourager et récompenser les stylistes, les esprits libres et décomplexés, amoureux de belle littérature, qui ne sont pas effrayés par leur ombre », nous précise François Jonquères.

    L'écrivain Frédéric Vitoux avait proposé comme définition, validée par l’Académie française : « Destiné à un prosateur de langue française ayant déjà publié plusieurs livres, pour saluer en particulier son style et sa liberté d’esprit. » Ce qui exclurait la poésie, sans limiter les autres genres, à condition que le texte soit en prose. De son côté, l’écrivain Pierre Joannon aura contribué à porter sur les fonts baptismaux le Prix Michel Déon de la Royal Irish Academy financé par le Ministère des Affaires Etrangères irlandais.

    En 2019, le prix a été décerné pour la première fois en France, à l’occasion du centenaire de la naissance de Michel Déon, à Stéphane Hoffmann (pour Les belles ambitieuses, Albin Michel), lequel venait de recevoir le prix des Hussards, créé par Christian Millau, Marina Cousté et François Jonquères, en 2013.

  • Macron, un agent de Soros ?

     

     

    C’était l’homme providentiel, le « superdoué » sorti de nulle part, inconnu, avant qu’il ne soit imposé à François Hollande, et qui a réussi à fonder un parti « En Marche » et à devenir le président de la République française.

    Emmanuel Macron avait été programmé et mis sur orbite par une caste parfaitement organisée et dans l’unique but de la servir loyalement et qui faisait déjà partie de son carnet d’adresses à l’époque de son passage à la banque Rothschild.

    Je ne parle pas des ralliements politiques, qu’ils soient de gauche, de droite ou du centre, il ne s’agit là que d’opportunistes, mais uniquement des «parrainages» financiers autrement plus sérieux… et plus dangereux :

    Patrick Drahi (le troisième milliardaire français, SFR-Numéricable, L’Express, Libération, BFM TV, BFM Business et RMC)) et Pierre Bergé (milliardaire et copropriétaire de L’Observateur et du Monde) mais aussi Claude Bébéar (Axa et Institut Montaigne – le siège de départ d’En Marche était à l’adresse de l’Institut dirigé par Laurent Bigorgne), Bernard Arnault (LVMH, Le Parisien, Les Échos), Alexandre Bompard (Darty-Fnac), Marc Simoncini (Meetic), Vincent Bolloré (Vivendi), Henri de Castries (ex-PDG d’Axa), Pierre Danon (ex-PDG de Numéricable), Henry Hermand (Terra Nova-PS), Xavier Niel (Free, L’Observateur, Le Monde, La Vie Catholique, Télérama), sans oublier Pierre Gattaz, patron du Medef et, à un degré inférieur, Mourad Boudjellal (BD Soleil et président du Toulon-Rugby-Club), Jacques Attali, Alain Minc, Mohamed Saou (proche de l’UOIF) Bariza Khiari (Institut des cultures de l’islam) et des dizaines d’autres.

    Cela, c’est la face visible de l’iceberg, mais la face cachée, quelle est-elle ?

    N’est-il pas question en coulisses de ce nom cité à voix basse : Georges Soros ?

    Qui est George Soros ?

    Fondateur du « Soros Fund Management », il est surnommé « L’homme qui a fait sauter la banque d’Angleterre ».

    Il fut à l’origine du mercredi noir, le 16 septembre 1992 : spéculant massivement sur la baisse de la livre sterling, il a obligé la monnaie britannique à sortir du système monétaire. Soros a gagné un milliard en une seule nuit.

    Déjà, lors de l’été 1993, Georges Soros avait tenté de provoquer un raid identique contre la Banque de France. Elle s’était trouvée devant l’obligation de vider ses réserves pour parer l’attaque et elle avait été soutenue par la Bundesbank, réussissant ainsi à le repousser.

    Une information du Wall Street Journal nous apprenait que Soros avait invité discrètement à dîner, dans un restaurant New-Yorkais renommé, début 2010, les hedge funds les plus puissants de la planète : Paulson et Co, Pimco, Soros Fund Management, SAC capital Advisors.

    Dans quel but ? Parier sur la dette grecque et sur la baisse de l’euro. L’objectif à atteindre étant de ramener l’euro à une parité avec le dollar :

    1 euro = 1 dollar (ce premier objectif, comme l’on peut le constater aujourd’hui, a été atteint !)

    Or, à présent que la crise des subprimes est passée, et qu’ils ont amassé quelques milliards, il est nécessaire de découvrir une nouvelle proie, et cette nouvelle proie cela a été d’abord la Grèce.

    Aujourd’hui, à cause de la pandémie causée par le Covid-19, mis à part l’Allemagne, la Hollande et quelques rares autres pays européens, les grandes puissances de l’Union : la France, l’Italie, l’Espagne, la Belgique, l’Irlande, le Portugal, et même l’Angleterre, confrontée également au « Brexit », se sont trouvés devant l’obligation d’appliquer un confinement qui a bouleversé l’économie et la finance, faute de moyens pour l’empêcher de progresser (masques et tests).

    Bien que figurant parmi les pays les plus solvables au monde, tous ces pays européens se trouveront attaqués sur le marché de la dette internationale.

    En spéculant sur les taux d’intérêts, ils obligeront ces pays à se mettre en austérité pour tenter de s’en sortir.

    Pour éviter de couler, ils devront entrer en récession économique forcée, réduire leurs charges, leurs budgets, le chômage augmentera et la consommation ne viendra pas relancer la croissance.

    Des dizaines de millions d’habitants doivent déjà, et devront, se serrer la ceinture, connaître encore davantage de misère, pour subventionner les gains des spéculateurs, qui, eux, se frottent les mains, sans avoir besoin de liquide hydroalcoolique pour les désinfecter.

    Actuellement il n’est plus possible à des spéculateurs de vendre une monnaie européenne contre une autre monnaie puisqu’il n’en existe plus qu’une, l’euro, et qu’elle a atteint le premier objectif qu’ils s’étaient fixés : sa parité avec le dollar.

    Cela c’est la théorie, mais la pratique peut se révéler bien plus dangereuse. Pourquoi ?

    Parce que la zone euro a mis en service une monnaie unique, l’euro, sans que soit constitué un état fédéral possédant une autorité sur les finances de tous les pays de la zone.

    Dès lors les pays de la zone euro ne peuvent pas mener une politique monétaire adaptée à leurs intérêts.

    À cela est venu s’ajouter l’élargissement de la zone euro vers les pays de l’Est.

    Autre faille, et de taille, à l’euro : les dettes souveraines des différents pays qui n’ont jamais été maîtrisées.

    Aujourd’hui, les pays membres de l’Union européenne se trouvent devant des situations identiques à celles de l’Angleterre et de la France en 1993 : sans aucune possibilité d’agir sur leur monnaie car elle est liée par une valeur identique pour tous les pays.

    Ensuite parce qu’il n’existe aucune réglementation de cette finance sauvage. Elle échappe à tout contrôle et est totalement incomprise par les ministres concernés.

    George Soros a la puissance d’un dieu. Il peut acculer un pays ou une banque nationale à la faillite. Il a parié des milliards sur l’effondrement de l’euro, c’est là son deuxième objectif, et il n’est plus très loin d’avoir gagné son pari.

    Manuel Gomez

    Riposte laïque

  • Livre. Notre sélection : le génocide voilé

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    Le 10 mai dernier était consacré à la commémoration de l’esclavage en France, il eut été opportun de rappeler aux ethnomasochistes de tout poil, que la traite négrière n’est pas uniquement le fait des blancs (et des juifs) d’Europe vers les États-Unis. En effet, « les Arabes ont razzié l’Afrique subsaharienne pendant treize siècles sans interruption. La plupart des millions d’hommes qu’ils ont déportés ont disparu du fait des traitements inhumains ».

    Le génocide voilé, une enquête du chercheur Tidiane N’Diaye, éclaire un drame passé à peu près inaperçu : la traite des Noirs d’Afrique par le monde arabo-musulman. Cette traite a concerné dix-sept millions de victimes tuées, castrées ou asservies, pendant plus de treize siècles sans interruption. Les razziés étaient contraints de traverser le désert à pied pour rejoindre le Maghreb, l’Égypte ou la péninsule Arabique via Zanzibar, par bateaux… Pourtant, cette traite négrière a été minimisée, contrairement à la traite occidentale vers l’Amérique. Pourquoi ? Parce que seule la conversion à l’islam permettait d’échapper à l’esclavage. De nos jours, la majeure partie de l’Afrique est devenue musulmane. Un livre polémique et courageux selon Joachim Véliocas.

    Ecoutez l'émission du 5 mai 2017 vec Tidiane N’Diaye qui présente son livre « Le génocide voilé » :  ICI

    Source : Observatoire de l’islamisation

  • Endettement, propreté... le désastreux bilan d'Hidalgo à Paris

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    Anne Hidalgo. Photo © ZIHNIOGLU KAMIL/SIPA

     

    Dans une enquête publiée il y a quelques mois, Capital.fr dressait le bilan de la maire parisienne à la tête de la ville. 

    Si Anne Hidalgo semble bien partie pour rempiler à la mairie de Paris, son bilan n'a rien de bien reluisant. C'est ce qu'il ressort d'une longue enquête publiée par Capital.fr, ce lundi 29 juillet. Et parmi les nombreux reproches auxquels l'édile doit faire face, l'un porte sur l'endettement de la ville.

    L'endettement à « un niveau absolument insoutenable »

    Entre 2013 et 2017, la dette par habitant est passée de 1 636 à 2 835 euros, indique le site d'information, ajoutant que le chiffre s'est alourdi depuis. Une note confidentielle de la mairie évalue même l'endettement à 7 milliards d'euros en 2020. Pire encore : le même document révèle que le remboursement des annuités d’emprunt devrait atteindre 300 millions d’euros dès 2021, alors qu'il n'était que de 200 millions en 2014. En 2030, il devrait même être de 400 millions. « Un niveau absolument insoutenable », estime d'ailleurs Cédric Villani, candidat malheureux à l'investiture LREM pour les municipales de 2020.

    Capital.fr explique par ailleurs que la facture officielle est « très inférieure à la réalité » et que « pour masquer l’ampleur du mal, la municipalité a recours à de fines astuces comptables », comme de faire peser une partie de la dette de ville sur les sociétés d’économie mixte qu’elle contrôle. Paris puiserait également dans les caisses de ses organismes HLM « en leur demandant de lui verser par avance plusieurs décennies de loyers », écrit encore le média. En outre, l'administration de la capitale a augmenté la taxe de séjour, les tarifs de stationnement, les droits de voirie, le prix des PV. Au final, les recettes fiscales de la ville ont augmenté de 23%, soit 18% hors inflation.

    A Paris, « 20% des balayeuses étaient en panne »

    Côté propreté, le constat est, là aussi, désastreux. Capital.fr rappelle d'ailleurs que, selon un sondage réalisé en 2018, 74% des Parisiens jugent que le bilan de la municipalité en la matière n'est « pas satisfaisant ». « Des plans propreté, on en a annoncé trois. Avec, à chaque fois, beaucoup de communication, mais il n’y a jamais eu de suivi malheureusement », lâche même « un ancien membre influent de l’équipe municipale ». Symboles de cette désastreuse gestion, l'anecdote livrée par Éric Azières, conseiller municipal UDI-MoDem à Paris : « La mairie s’est récemment rendu compte que 20% des balayeuses étaient en panne, et elle a dû en commander 180 en urgence ».

    En revanche, la ville a bien tenté de prendre la mesure du problème. C'est à cette fin qu'elle a commandé, il u a plusieurs mois de cela, une enquête visant à recueillir l'avis des Parisiens sur la propreté de leur cité. Coût du sondage : 224 580 euros. Et une conclusion : « La perception de la propreté de Paris se fonde en négatif sur des constats relatifs à la malpropreté ».

    Valeurs actuelles

  • Algérie : quelques rappels historiques à ceux qui exigent repentance

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    « L’école est le lieu de l’assimilation qui est le contraire de la guerre des mémoires et de la repentance… » (Henri Guaino).

     

    Il aura suffi de quelques matchs de « balle au pied » gagnés par l’Algérie, dans le cadre d’un « Championnat d’Afrique du Nord » dont on se fout comme d’une guigne, pour que certaines de nos villes subissent des débordements, des bagarres, des corridas urbaines, des saccages, des pillages, de la part de ressortissants algériens qui n’auraient assurément pas osé faire ça chez eux.
    Et aussitôt, quelques pisse-copies – toujours de gauche – nous ont expliqué que c’était tout à fait compréhensible : les Algériens ont « une revanche à prendre » puisque nous les avons occupés illégalement en 1830, puis, durant 132 ans, nous avons pillé leur pays et détruit leur culture.

    Quand les choses vont mal chez nous, rien ne vaut un coup de repentance  pour culpabiliser le « Souchien » (que ceux d’en face appellent « Sous chien »).
    Je vais donc, une fois de plus, rappeler quelques vérités historiques à ces ignares.

    Rappelons, tout d’abord, que jusqu’à l’arrivée des Français en 1830, l’Algérie en tant que telle n’existait pas et que le nom d’« Algérie » n’existait pas non plus ; il a été inventé, si je puis dire, par une circulaire du ministère de la Guerre, en date du 14 octobre 1839 :
    « Le pays occupé par les Français sera, à l’avenir, désigné sous le nom d’Algérie. Les dénominations d’ancienne régence d’Alger et de possessions françaises dans le nord de l’Afrique cesseront d’être employées dans le cadre des correspondances officielles… »
    La région, avant l’arrivée des Français, c’est une province en totale déshérence politique, en faillite aussi bien humaine que sociale. C’est un vulgaire repaire de pirates qui paie un tribut au sultan de Constantinople. Les relations entre l’Europe et ce coin d’Afrique du Nord ont été, depuis la nuit des temps, des plus tumultueuses.
    Au début du XVIe siècle, un corsaire établi à Alger, Khayr al-Din, dit « Barberousse », a fait allégeance au sultan de Constantinople. Puis les Turcs ont administré la régence d’Alger à laquelle ils ont imposé la présence de leurs garnisons et le paiement d’un tribut annuel par les chefs arabes.

    En 1541, excédé par le développement de la piraterie et par les razzias de chrétiens vendus comme esclaves (ou rendus contre rançon), Charles Quint débarquait avec 20 000 hommes à proximité d’Alger. Cette expédition fut un échec mais l’histoire a retenu qu’un seigneur espagnol, Ponce de Balaguer, dit « Savignac », planta sa dague sur la lourde porte « Bab Azoun » qui fermait la citadelle d’Alger et s’écria : « Nous reviendrons ! ». Cette promesse par bravade sera tenue par les Français en 1830. Mais nous n’en sommes pas là, pas encore…

    Peu après, les Espagnols s’installent à Oran, qu’ils conserveront jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
    Entre-temps, les Marseillais (et les Génois) se sont fait attribuer le monopole du commerce avec la régence d’Alger. Dès 1553, le privilège concédé aux Marseillais a été étendu à « toute la côte de Barbarie » (sic). Cette convention, renouvelée par le sultan en 1582, assurait aux Français la possession de quatre établissements : Bône, La Calle, le Bastion de France et le Cap Rose. Moyennant le paiement d’un tribut de 1 500 écus d’or, on leur garantissait une tranquillité… très relative.
    Les deys d’Alger, en dépit des traités signés, qu’ils n’ont jamais respectés, encourageaient la piraterie – la guerre de course – fort lucrative et qui entraînait peu de représailles.

    En 1664, Colbert chargea le duc de Beaufort d’occuper une partie des côtes algériennes, sans grand résultat. En 1683, Duquesne vint bombarder Alger. En guise de réponse, les Algériens attachèrent le père Le Vacher, qui faisait fonction de consul de France, à la bouche d’un canon et ouvrirent le feu… En 1690, des envoyés du dey viennent à Versailles pour rassurer le Roi Louis XIV : les choses semblent s’arranger mais à Alger, les Barbaresques continuent à rançonner les navires européens. Pendant tout le XVIIIe siècle, Français, Anglais et Hollandais vinrent bombarder, toujours sans la moindre efficacité, les côtes algériennes.
    En 1767, ce fut le tour des Vénitiens, suivis des Danois en 1770 et 1772. En 1774, l’Espagne envoya 20 000 hommes. Cette expédition n’eut pas plus de résultat que celle de Charles Quint.

    Finalement, la Hollande, le Portugal, le Royaume de Naples, la Suède, le Danemark et même les États- Unis, payèrent tous les deux ans un tribut au dey d’Alger pour assurer à leurs navires une relative immunité. L’Angleterre et la Hollande fournissant au dey des armes et des munitions (1).
    En 1790, il fut question de renouveler le traité de paix (non respecté par Alger) conclu cent ans auparavant avec Louis XIV. À cette occasion le comte de Kercy, consul de France, écrira :
    « Les temps ne sont pas éloignés où la France élèvera enfin la voix et, au lieu de se soumettre aux demandes du dey, osera elle-même en faire ».

    En 1801, enfin, un nouveau traité de paix était conclu entre Alger et Paris. Il stipulait la liberté du commerce et la suppression de l’esclavage. Il n’eut pas plus d’effet que les précédents. Quelques mois plus tard, la piraterie recommençait avec la capture de deux bricks français.
    Bonaparte se fâcha et envoya une division navale devant Alger avec une lettre pour le dey :
    « J’ai détruit l’empire des Mameluks parce qu’après avoir outragé le pavillon français, ils osaient demander de l’argent… Craignez le même sort… Si vous refusez de me donner satisfaction, je débarquerai 80 000 hommes sur vos côtes et je détruirai votre régence. Ma résolution est immuable ».

    Le dey adopta un profil bas mais, dès 1807, les relations se gâtent à nouveau entre Alger et la France. Dans un courrier, Napoléon informe les Russes, devenus ses alliés, qu’il est « décidé à en finir avec les Barbaresques ». Il charge un officier du génie, le commandant Boutin, d’étudier les possibilités d’un débarquement. C’est Boutin qui proposera la baie de Sidi-Ferruch, à une trentaine de kilomètres à l’ouest d’Alger.

    La piraterie en Méditerranée est évoquée par les États européens, à Londres en 1816, puis à Aix-la-Chapelle en 1818 et les bombardements reprennent. En 1816, Lord Exmouth, à la tête d’une escadre anglaise, coule la plupart des navires algériens et envoie 34 000 boulets de canon sur la ville.
    Le dey ruse encore : il relâche aussitôt 1 200 captifs chrétiens et promet d’abolir la guerre de course. Cette promesse, comme les précédentes, ne sera pas tenue.

    Deux ans plus tard, les Algériens se saisissent de deux navires battant pavillon pontifical (2), puis ils arraisonnent deux navires français. Le roi Charles X, furieux, décide d’intervenir.
    Le 29 octobre 1826 la frégate La Galatée apporte un ultimatum au dey, qui, une nouvelle fois, fait semblant de s’amender… mais la piraterie continue.
    On a écrit que la conquête (en juillet 1830) avait été décidée à la suite d’un malencontreux coup d’éventail donné à un consul affairiste en… 1827.

    C’est absolument faux ! Les auteurs sérieux disent tous qu’il fallait saisir un prétexte pour faire cesser les actes de piraterie. La décision de conquérir Alger résulte, en fait, d’une imbrication de motifs politiques : la relance de la piraterie, en 1821, qui demande des tributs aux États européens et impose le droit de visite des bateaux. Puis le pillage et la confiscation de notre comptoir de la Calle…

    Les buts définis par le ministre Polignac sont d’ailleurs très clairs : « Destruction de l’esclavage, de la piraterie et des tributs… sécurité de navigation… rendre le rivage de cette mer à la production, à la civilisation, au commerce, à la libre fréquentation de toutes les nations… ».
    C’est on ne peut plus normal ! Et c’est parfaitement louable !

    Si l’Algérie est devenue un pays prospère – du moins jusqu’à son indépendance – elle le doit à la France. Et si les Franco-Algériens – ces « Français de papiers » qui ne manquent pas une occasion de se dire plus algériens que français – pensent le contraire, qu’ils retournent vivre en Algérie.
    S’ils préfèrent la Chorba (c’est leur droit après tout !), qu’ils aillent la manger chez eux et qu’ils arrêtent de cracher dans NOTRE soupe !

    Éric de Verdelhan

    1)- Pendant sa lutte contre les Français, Abd el-Kader bénéficiera d’un approvisionnement important en fusils et munitions de l’Angleterre. Les historiens n’en parlent jamais, pourquoi ?
    2)- Le « Sant’Antonio » et le « San Francesco de Paolo ». Le dey s’était pourtant engagé à respecter les navires du pape.

  • Jean Sévillia: «Emmanuel Macron a une lecture anachronique de la colonisation»

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    FIGAROVOX.- En souhaitant «bâtir une nouvelle page» avec les pays africains, Emmanuel Macron a estimé dans une conférence de presse à Abidjan que le colonialisme est «une faute de la République». L’histoire de la colonisation française est-elle si simple?

    Sevillia2.jpgJean SÉVILLIA.- Cette expression est d’abord très maladroite sur le plan historique, car affirmer que la République a commis une faute en colonisant l’Afrique est une vision anhistorique, qui consiste à découper l’histoire de France en tranches, selon les régimes. Mais alors, où Emmanuel Macron place-t-il le curseur? Est-ce en 1880, alors que la République hérite déjà à cette époque d’un empire colonial constitué des vieilles colonies de l’Ancien Régime (les Antilles, les comptoirs des Indes, la Réunion, la Guyane...), ainsi que de l’Algérie acquise sous la Restauration et la monarchie de Juillet? Napoléon III avait de son côté colonisé la Nouvelle-Calédonie ; le Second Empire met aussi le pied au Sénégal, au Gabon, à Madagascar, en Cochinchine, au Cambodge... Vient enfin, c’est vrai, la IIIe République: Jules Ferry, dans les années 1870-1880, lance une grande politique coloniale, met la Tunisie sous protectorat, ainsi que le Tonkin et l’Annam en Indochine, puis s’aventure en Afrique, à partir du Sénégal et du Congo... Mais la colonisation n’est pas seulement l’œuvre de la République.

    Surtout, le contexte de la colonisation est alors international: la France n’est pas la seule puissance coloniale au XIXe siècle, puisqu’elle est en concurrence avec les Britanniques, les Allemands, les Belges... À la Conférence de Berlin en 1885, les Européens se partagent le continent africain. L’entreprise coloniale est un phénomène de mondialisation: l’Europe est alors en pleine expansion économique, et se donne le droit, avec bonne conscience, d’exercer un droit de puissance sur des civilisations moins développées. Cette bonne conscience est partagée par toutes les puissances européennes. Ce n’est pas le fait de la seule République française.

    Adopter un jugement moral comme le fait Emmanuel Macron est donc anachronique. Au XIXe siècle, on a considéré la colonisation comme un phénomène normal, de même que l’emploi de la force dans les relations internationales était tout à fait banal. C’est un projet républicain, d’ailleurs à l’époque la droite, qui a les yeux rivés sur la ligne bleue des Vosges, est plutôt réticente. Mais la vision républicaine de Jules Ferry est une vision géopolitique et économique. Il y a des marchés à conquérir! Et enfin, il y a bien sûr une dimension idéologique, humanitaire: la gauche républicaine pense qu’il faut exporter les droits de l’homme et l’éducation sur d’autres continents.

    Il faut dire aussi ce que la colonisation a apporté au continent africain.

    Dire que c’est une «erreur» est un point de vue manichéen : l’histoire ne peut souffrir de jugements binaires, car le monde ne se divise jamais parfaitement entre le bien et le mal. La colonisation est évidemment un rapport de force, qui a eu sa part de violences et d’injustices. Mais il faut dire aussi ce qu’elle a apporté au continent africain, sur le plan économique, mais aussi en matière de santé ou d’éducation. Il ne faut pas oublier non plus que l’un des grands motifs de la colonisation au XIXe siècle était d’abolir définitivement l’esclavage, qui déchirait le continent africain depuis des siècles, bien avant l’arrivée des Blancs!

    La construction d’une ligne de chemin de fer au Congo a coûté la vie à 17 000 ouvriers noirs employés dans des conditions sanitaires effroyables ; mais cette construction a permis le développement de régions qui autrefois étaient inaccessibles. Le seul pays d’Afrique qui n’ait jamais été vraiment colonisé est l’Éthiopie (mis à part, très brièvement, par Mussolini plus tard : c’est aujourd’hui le pays qui souffre du plus important retard de développement sur tout le continent africain...

    Emmanuel Macron parle de «colonialisme», faisant référence à une mentalité ou une idéologie. Justement, aujourd’hui dans les facultés de sciences humaines, les tenants des études «post-coloniales» considèrent que cette mentalité est encore présente et que la France n’a jamais vraiment «guéri» de son passé colonial...

    La colonisation, qui continue d’être un grand projet républicain de gauche jusque dans les années 30 et même pendant la guerre et l’immédiat après-guerre, prend fin à partir de 1946 et de la création de l’Union française qui amorce le processus de décolonisation. Mais jusque dans les années 1950, la colonisation n’est toujours pas regardée d’un point de vue moral. Puis, sous la Ve République, la colonisation est un non-sujet, hormis chez quelques nostalgiques, notamment de l’Algérie française.

    L’extrême-gauche cherche un substitut à la classe ouvrière qui lui a échappé, et elle le trouve dans les populations issues de la diversité.

    Ensuite, en effet, la question coloniale revient sous la vision indigéniste et tiers-mondiste: l’extrême-gauche cherche un substitut à la classe ouvrière qui lui a échappé, et elle le trouve dans les populations issues de la diversité, fussent-elles de nationalité française. Ces gens sont ramenés à leurs origines «ethniques», c’est une vision communautaire de la société française, qui revient à créer une nouvelle dialectique. La «lutte des races» succède à la lutte des classes. Cette vision est gravissime, car elle met à mal la notion de communauté nationale. Les divisions sont même ethnico-religieuses, puisque l’on traite l’islam presque comme une «race», en interdisant toute forme de critique à son endroit. Ce phénomène se nourrit de tout le discours habituel de l’anti-colonialisme: c’est le «sanglot de l’homme blanc», comme l’écrit très justement Pascal Bruckner dès 1983.

    Reste que cette vision post-coloniale est tout à fait fantasmatique, car la société française d’aujourd’hui n’est absolument pas organisée selon une stratification sociale post-coloniale. Ces militants anti-racistes prennent la couleur de peau ou l’origine «ethnique» comme un critère de discrimination, et ce faisant raisonnent eux-mêmes de manière raciste, c’est là tout leur paradoxe.

    L’histoire de la colonisation française pourra-t-elle à nouveau un jour être abordée de manière apaisée? N’est-ce pas le rôle des historiens de nous y aider?

    L’histoire est une œuvre de très longue haleine... L’ennui est qu’il existe dans le monde universitaire un véritable terrorisme intellectuel. Les historiens qui travaillent sur l’histoire coloniale sans être dans une logique d’accusation permanente de la France sont une petite poignée, car le système est fait pour éliminer ceux qui pensent à côté. Ainsi, les chercheurs préfèrent parfois se diriger vers d’autres périodes, car il est très difficile aujourd’hui d’être historien de la colonisation. Daniel Lefeuvre était excellent, mais il est malheureusement décédé il y a quelques années. Il faisait partie des rares universitaires à réaliser un véritable travail de recherche, non pas pour exalter la colonisation, mais pour raconter cette histoire, entremêlée de faces positives et d’autres plus négatives. C’est une histoire complexe, et le combat pour la vérité est extrêmement difficile.

    Ce d’autant plus que le débat d’idées est aujourd’hui judiciarisé: on se demande parfois si l’on ne va pas aller devant les tribunaux, pour avoir osé dire qu’il y a des choses positives dans la colonisation française!

    Journaliste, écrivain et historien, Jean Sévillia est chroniqueur au Figaro Magazine et membre du conseil scientifique du Figaro Histoire. Il a récemment dirigé l’ouvrage collectif  L’Église en procès. La réponse des historiens(Tallandier/Le Figaro, 2019).

  • Notre sélection : "Châteaux anciens - Tours et métairies nobles"

    Il n'y a tout de même pas que de mauvaises nouvelles ! Nous avons le plaisir d'apporter notre contribution à la dernière souscription proposée par les éditions du Chameau Malin. Tous les amoureux de leur pays devront conserver précieusement ce premier tome Châteaux anciens - Tours et métairies nobles".

     

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  • Ramadan 2020, ou l’an I de la charia en France

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    Cela fait des années que nous voyons venir la chose, des années que nous l’annonçons, mettons en garde les populations. Et voilà que les prophéties des oiseaux de malheur et des vilains racistes et islamophobes que nous sommes deviennent réalité. La France est en passe de devenir, sous nos yeux, un califat islamique, le ramadan de cette année si particulière le révèle au grand jour. La preuve ? À Marseille, le préfet vient de concéder officiellement aux musulmans des assouplissements aux règles du confinement pendant le ramadan. Dans le Calvados, des policiers ont révélé une note confidentielle de la préfecture leur intimant de n’intervenir dans les quartiers islamisés qu’en cas d’atteintes graves aux personnes ou aux biens. Et les mêmes policiers de supputer que le Calvados pourrait ne pas être le seul département concerné par ce type de directive. Qu’est-ce que tout cela signifie concrètement ? Si demain des personnes attrapent le Coronavirus à Marseille, la cause pourrait en être les dérogations accordées à l’islam. Merci, Monsieur le préfet, merci Messieurs Macron et Castaner.

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    Dans le Calvados, les braves gens qui supportent déjà le confinement, les amendes pour oubli d’attestation, ou pour des paniers de courses pas assez remplis, devront également endurer les tapages nocturnes des fidèles, l’agitation au bas de leur immeuble, les actes de vandalisme jugés mineurs sur leur véhicule ou leur logement, ou toutes autres nuisances. Si vous êtes dans ce cas, inutile d’appeler le 17, ni le 22 à Asnières, personne ne viendra : on vous dira de mettre des boules Quies, et de prendre votre mal en patience, c’est monsieur le préfet qui l’ordonne. Les forces de l’ordre sont mobilisées pour cerner la mémé qui promène son chien, ou encore les plagistes ou les randonneurs de haute montagne poursuivis par des hélicos : aux grands maux les grands remèdes… Ou mieux encore, les quinze fidèles qui assistaient à une messe en l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnay, qui ont suscité l’ire du gouvernement et des médias. Mais pas les musulmans qui fêtent ramadan dans le bruit et ne respectent pas le voisinage.

    Après l’affaire Mila, cette jeune lesbienne menacée de mort sur les réseaux sociaux pour avoir blasphémé, puis ensuite vertement tancée par mesdames Belloubet et Royal en personne, abandonnée à son sort par la gauche et les associations LGBT, le ramadan 2020 marque donc l’an I de la soumission officielle de la République à l’islam.

    L’islam a acquis un statut spécial dans notre république soi-disant laïque, neutre, mais qui en réalité se couche devant plus fort qu’elle : les lois de la République, qui exigent de respecter le confinement, la tranquillité du voisinage, l’intégrité des biens et des personnes, doivent s’incliner devant la tradition du ramadan. C’est la première fois que c’est exprimé officiellement par des représentants de l’État. Et avec effusion en plus : Castaner a exprimé ses vœux sincères de bon ramadan à tous nos compatriotes musulmans, après avoir ignoré superbement les fêtes de Pâques. La soumission dans la joie et la bonne humeur, en quelques sorte…

    Olivier Piacentini

    Riposte laïque

  • Les nuages s'accumulent et le ciel gronde, l'horizon s'assombrit

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    Une fois passée la période quelque peu agitée de la campagne électorale des municipales, nous pensions reprendre, avec toute la sérénité qu’impose l’analyse des faits sociaux, la publication de notre Lettre. Le déclenchement de la pandémie a surpris notre élan. D’autant que les innombrables déclarations contradictoires des uns et des autres sur les origines ou le traitement du virus, compliquées par les hésitations gouvernementales sur lesquelles il faudra bien revenir, ainsi que les craintes d’une grave crise économique n’ont pas favorisé  une réflexion sereine. Mais pour nous aussi c'est la reprise.

    Nous constatons par ailleurs que l’ensemble des médias, écrites ou audio-visuelles sont peu bavardes sur le reste de l’actualité. Le menu politique préparé dans l’arrière cuisine, ne sera vraisemblablement pas du gout de tout le monde et pourrait provoquer une dyspepsie douloureuse.

    Ce blog reprend donc du service, décidé à poursuivre l’analyse des événements et en tirer les leçons à l’aune de l’expérience, de la raison et de l’histoire. Tout au moins nous nous y efforcerons comme nous l'avons toujours fait. À cet égard nous pouvons d’ores et déjà relever que de manière constante, les crises économiques sont le terreau des crises sociales, elles-mêmes matrices des crises politiques. Le souci actuel est là. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.  Comment notre régime politique partisan, prisonnier d’une opinion formatée par une presse aux ordres d’une finance apatride, sans possibilité de vision à long terme pourra-t-il ne s’intéresser qu’à notre bien commun sans arrière-pensée électorale ? 

    Quand on constate comment a été préparée cette crise par le gouvernement actuel et les précédents, la logorrhée stérile du président, les mensonges maladroits des ministres soutenus par quelques "scientifiques" aux ordres, l'avenir s'annonce difficile. L'horizon s'assombrit.

    Henri Bec

  • La tombe - Guy de Maupassant est à Béziers

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    Et pourquoi ne pas s'intéresser à notre histoire locale. Le texte ci-dessous a été publié dans le journal quotidien Gil Blas du 29 juillet 1884 sous la signature de Maufrigneuse, pseudonyme de Maupassant. Celui-ci est plus connu pour ses romans, Pierre et Jean, Bel ami et surtout ses nouvelles, Boule de suif, les contes de la Bécasse. Ce "reportage" appartient à la série des nouvelles. Son activité de journaliste l'a amené à s'intéresser à ce fait divers bien curieux... ou imaginé.

    Le dix-sept juillet mil huit cent quatre-vingt-trois, à deux heures et demie du matin, le gardien du cimetière de Béziers, qui habitait un petit pavillon au bout du champ des morts, fut réveillé par les jappements de son chien enfermé dans la cuisine. Il descendit aussitôt et vit que l’animal flairait sous la porte en aboyant avec fureur, comme si quelque vagabond eût rôdé autour de la maison. Le gardien Vincent prit alors son fusil et sortit avec précaution. Son chien partit en courant dans la direction de l’allée du général Bonnet et s’arrêta net auprès du monument de Mme Tomoiseau. Le gardien, avançant alors avec précaution, aperçut bientôt une petite lumière du côté de l’allée Malenvers. Il se glissa entre les tombes et fut témoin d’un acte horrible de profanation. Un homme avait déterré le cadavre d’une jeune femme ensevelie la veille, et il le tirait hors de la tombe. Une petite lanterne sourde, posée sur un tas de terre, éclairait cette scène hideuse. Le gardien Vincent, s’étant élancé sur ce misérable, le terrassa, lui lia les mains et le conduisit au poste de police. C’était un jeune avocat de la ville, riche, bien vu, du nom de Courbataille. Il fut jugé. Le ministère public rappela les actes monstrueux du sergent Bertrand et souleva l’auditoire. Des frissons d’indignation passaient dans la foule. Quand le magistrat s’assit, des cris éclatèrent : « À mort ! À mort ! » Le président eut grand-peine à faire rétablir le silence. Puis il prononça d’un ton grave : — Prévenu, qu’avez-vous à dire pour votre défense ? Courbataille, qui n’avait point voulu d’avocat, se leva. C’était un beau garçon, grand, brun, avec un visage ouvert, des traits énergiques, un œil hardi. Des sifflets jaillirent du public. Il ne se troubla pas, et se mit à parler d’une voix un peu voilée, un peu basse d’abord, mais qui s’affermit peu à peu.

    "Monsieur le président, Messieurs les jurés, J’ai très peu de choses à dire. La femme dont j’ai violé la tombe avait été ma maîtresse. Je l’aimais. Je l’aimais, non point d’un amour sensuel, non point d’une simple tendresse d’âme et de cœur, mais d’un amour absolu, complet, d’une passion éperdue. Écoutez-moi. Quand je l’ai rencontrée pour la première fois, j’ai ressenti, en la voyant, une étrange sensation. Ce ne fut point de l’étonnement, ni de l’admiration, ce ne fut point ce qu’on appelle le coup de foudre, mais un sentiment de bien-être délicieux, comme si on m’eût plongé dans un bain tiède. Ses gestes me séduisaient, sa voix me ravissait, toute sa personne me faisait un plaisir infini à regarder. Il me semblait aussi que je la connaissais depuis longtemps, que je l’avais vue déjà. Elle portait en elle quelque chose de moi, en son esprit quelque chose de mon esprit. Elle m’apparaissait comme une réponse à un appel jeté par mon âme, à cet appel vague et continu que nous poussons vers l’Espérance durant tout le cours de notre vie. Quand je la connus un peu plus, la seule pensée de la revoir m’agitait d’un trouble exquis et profond ; le contact de sa main dans ma main était pour moi un tel délice que je n’en avais point imaginé de semblable auparavant, son sourire me versait dans les yeux une allégresse folle, me donnait envie de courir, de danser, de me rouler par terre. Elle devint donc ma maîtresse. Elle fut plus que cela, elle fut ma vie même. Je n’attendais plus rien sur la terre, je ne désirais rien, plus rien. Je n’enviais plus rien. Or, un soir, comme nous étions allés nous promener un peu loin le long de la rivière, la pluie nous surprit. Elle eut froid. Le lendemain une fluxion de poitrine se déclara. Huit jours plus tard elle expirait. Pendant les heures d’agonie, l’étonnement, l’effarement m’empêchèrent de bien comprendre, de bien réfléchir. Quand elle fut morte, le désespoir brutal m’étourdit tellement que je n’avais plus de pensée. Je pleurais. Pendant toutes les horribles phases de l’ensevelissement ma douleur aiguë, furieuse, était encore une douleur de fou, une sorte de douleur sensuelle, physique. Puis quand elle fut partie, quand elle fut en terre, mon esprit redevint net tout d’un coup et je passai par toute une suite de souffrances morales si épouvantables que l’amour même qu’elle m’avait donné était cher à ce prix-là. Alors entra en moi cette idée fixe : « Je ne la reverrai plus. » Quand on réfléchit à cela pendant un jour tout entier, une démence vous emporte ! Songez ! Un être est là, que vous adorez, un être unique, car dans toute l’étendue de la terre il n’en existe pas un second qui lui ressemble. Cet être s’est donné à vous, il crée avec vous cette union mystérieuse qu’on nomme l’Amour. Son œil vous semble plus vaste que l’espace, plus charmant que le monde, son œil clair où sourit la tendresse. Cet être vous aime. Quand il vous parle, sa voix vous verse un flot de bonheur. Et tout d’un coup il disparaît ! Songez ! Il disparaît non pas seulement pour vous, mais pour toujours. Il est mort. Comprenez-vous ce mot ? Jamais, jamais, jamais, nulle ne part, cet être n’existera plus. Jamais cet œil ne regardera plus rien ; jamais cette voix, jamais une voix pareille, parmi toutes les voix humaines, ne prononcera de la même façon un des mots que prononçait la sienne. Jamais aucun visage ne renaîtra semblable au sien. Jamais, jamais ! On garde les moules des statues ; on conserve des empreintes qui refont des objets avec les mêmes contours et les mêmes couleurs. Mais ce corps et ce visage, jamais ils ne reparaîtront sur la terre. Et pourtant il en naîtra des milliers de créatures, des millions, des milliards, et bien plus encore, et parmi toutes les femmes futures, jamais celle-là ne se retrouvera. Est-ce possible ? On devient fou en y songeant ! Elle a existé vingt ans, pas plus, et elle a disparu pour toujours, pour toujours, pour toujours ! Elle pensait, elle souriait, elle m’aimait. Plus rien. Les mouches qui meurent à l’automne sont autant que nous dans la création. Plus rien ! Et je pensais que son corps, son corps frais, chaud, si doux, si blanc, si beau, s’en allait en pourriture dans le fond d’une boîte sous la terre. Et son âme, sa pensée, son amour, où ? Ne plus la revoir ! Ne plus la revoir ! L’idée me hantait de ce corps décomposé, que je pourrais peut-être reconnaître pourtant. Et je voulus le regarder encore une fois ! Je partis avec une bêche, une lanterne, un marteau. Je sautai par-dessus le mur du cimetière. Je retrouvai le trou de sa tombe ; on ne l’avait pas encore tout à fait rebouché. Je mis le cercueil à nu. Et je soulevai une planche. Une odeur abominable, le souffle infâme des putréfactions me monta dans la figure. Oh ! Son lit, parfumé d’iris ! J’ouvris la bière cependant, et je plongeai dedans ma lanterne allumée, et je la vis. Sa figure était bleue, bouffie, épouvantable ! Un liquide noir avait coulé de sa bouche. Elle ! C’était elle ! Une horreur me saisit. Mais j’allongeai le bras et je pris ses cheveux pour attirer à moi cette face monstrueuse ! C’est alors qu’on m’arrêta. Toute la nuit j’ai gardé, comme on garde le parfum d’une femme après une étreinte d’amour, l’odeur immonde de cette pourriture, l’odeur de ma bien-aimée ! Faites de moi ce que vous voudrez."

    Un étrange silence paraissait peser sur la salle. On semblait attendre quelque chose encore. Les jurés se retirèrent pour délibérer. Quand ils rentrèrent au bout de quelques minutes, l’accusé semblait sans craintes, et même sans pensée. Le président, avec les formules d’usage, lui annonça que ses juges le déclaraient innocent. Il ne fit pas un geste, et le public applaudit.

    29 juillet 1884